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Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur à Catherine d'Argoubet

Chère Catherine d'Argoubet,

En vous accueillant ici ce soir, c'est une grande actrice de la culture dans la
ville de Toulouse et dans toute la région Midi-Pyrénées que je reçois.

Une
actrice passionnée d'abord, et ce depuis très longtemps : alors que votre
formation en ophtalmologie ne vous y préparait pas vraiment, c'est votre
passion pour la musique, pour le piano, qui vous a poussé à combler une
lacune qui vous semblait impardonnable. Avec Paul-Arnaud Péjouan, qui est
aujourd'hui encore votre complice, et quelques amis pianistes, vous aviez
remarqué très tôt combien il était dommage qu'une ville d'art et de culture
comme Toulouse n'accueille pas de festival musical. D'autres, à votre place,
se seraient contenté de critiquer, de dénoncer la situation, et d'attendre
qu'elle change ; pour pallier ce manque, vous avez choisi, malgré, ou peut-être
plutôt avec toute votre jeunesse, de vous lancer dans l'aventure et de
créer ce Festival.

Aujourd'hui, vingt-sept-ans ont passé, plus d'un quart de siècle, et le Festival,
dont vous assurez la direction artistique, est devenu un rendez-vous
absolument incontournable pour les amateurs de musique classique, pour
tous les passionnés d'art et de culture, ainsi que pour les plus grands
pianistes de notre époque. Le défi n'était pas évident, mais aujourd'hui la
réussite doit dépasser toutes vos espérances ! Vous avez su trouver un lieu
à la hauteur de vos ambitions : le cloître des Jacobins est un monument
emblématique de l'architecture du Midi. C'est Prosper Mérimée qui, en 1845,
avait su discerner le génie du couvent gothique dans un bâtiment alors très
dégradé, affecté à l'entretien des chevaux de l'Armée, et c'est à lui que l'on
doit, avec Viollet-le-Duc, la restauration de ce cloître dans toute sa
splendeur. Il serait certainement profondément heureux de voir aujourd'hui
ce même cloître devenu l'écrin idéal, par sa beauté, par son harmonie, autant
que par son acoustique hors pair, de cet hommage chaque année renouvelé
aux richesses de la musique classique et du piano en particulier.

Dans ce lieu, vous avez reçu tant de monde en vingt-sept festivals ! Tant
d'artistes exceptionnels, parmi lesquels, pour n'en citer que quelques uns,
Horzowski, Firkusny, Cziffra, Ciccolini… Vous avez su inviter des talents
encore discrets, qui sont venus à Toulouse encore inconnus, et que le
Festival des Jacobins a contribué à révéler ; ce fut le cas de Lugansky,
Andsnes, Anderszewski, ou plus récemment de Anne-Marie McDermott.

Vous avez su également inviter des pianistes très différents, aux spécialités
variées, jusqu'à des pianistes de jazz, comme Jacky Terrasson en 2004.

C'est cette richesse qui a fait, qui fait toujours le succès de votre festival et sa
renommée internationale : diversité des styles, rencontres d'artistes aux
personnalités, aux dons, aux talents différents ; rencontre du patrimoine
musical le plus connu, le plus célèbre, et de la création la plus récente,
puisque chaque édition accueille la création d'une oeuvre inédite.

Rencontre
également de la musique, de l'architecture et des arts plastiques : vous avez
eu très tôt l'idée d'inviter à chaque festival un plasticien, qui présente son
oeuvre dans le cadre magnifique du cloître des Jacobins, donnant ainsi un
relief nouveau à ces journées consacrées à la Musique ; et cette intuition très
baudelairienne du "Tableau-Concert", vous la mettez également en oeuvre
pendant les récitals que le Piano aux Jacobins organise pendant l'année.

Chère Catherine d'Argoubet, vous êtes la preuve vivante, avec tous ceux qui
vous entourent et travaillent avec vous, que la passion est toujours la
meilleure garantie du succès. Votre enthousiasme a été fécond et contagieux
; par votre action déterminée, audacieuse, inventive, toujours aussi exigeante
au fil des années, vous avez donné à votre ville, à votre région, à notre pays,
un nouveau souffle, vous avez contribué à susciter un regain d'intérêt pour la
musique classique, et, en la mettant à la portée de tous, vous avez offert à un
très grand nombre de personnes, depuis vingt-sept ans, de très grands
moments de plaisir et de bonheur. Je veux vous exprimer, pour tout cela, ma
reconnaissance, notre reconnaissance, celle de tous vos concitoyens et de
tous les citoyens du monde immense de la musique.

Catherine d'Argoubet, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion
d’honneur.

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