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Remise des insignes d’Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Lambert Wilson

Cher Lambert Wilson,

Je suis très heureux de recevoir ici l'acteur aux innombrables talents,
l'artiste aux multiples facettes, le personnage fascinant que vous êtes.

Vous avez dit un jour, à propos du film Dédale dont vous veniez d'achever
le tournage, que le métier d'acteur pouvait être comparé au "syndrome de
la personnalité multiple" ; et vous en êtes peut-être la meilleure preuve, par
la multiplicité incroyable de vos talents et de vos passions.

Vous appartenez depuis toujours au monde du spectacle, en particulier
grâce à votre père, Georges Wilson, qui a su vous transmettre sa passion
pour la scène et le cinéma. Au-delà de la passion, il vous a également
transmis son exigence. Aujourd'hui encore, la même exigence semble vous
animer dans tous vos projets, et c'est en particulier ce qui vous a valu une
carrière tout à fait exceptionnelle, dont le prestige dépasse nos frontières
depuis longtemps.

Votre formation à Londres vous a permis d’acquérir une expérience bien
différente de celle de vos pairs français, et vous a ouvert les portes du
monde du cinéma américain. Vous avez fait vos débuts à l'écran dans
Julia, un film de Fred Zinnemann, qui vous confia en 1981 votre premier
grand rôle dans Five days one summer. Mais dans le même temps, vous
étiez capable de jouer sous la direction de Claude Pinoteau dans La Boum
2, ou de Claude Chabrol pour Le Sang des autres. Ce va-et-vient incessant
s'est poursuivi tout au long de votre carrière, jusqu'à aujourd'hui. Ce n'est
pas l'effet du hasard, mais de votre volonté, qui ne s'est jamais démentie,
de ne pas vous laisser enfermer : là où beaucoup d'autres auraient préféré
s'installer confortablement, frileusement peut-être, sur un continent, dans
un seul univers, dans une seule culture, vous avez fait le choix courageux
d'aller partout, de conjuguer vos talents dans toutes les langues, d'être,
comme vous le dites vous-même, "un acteur mobile" – quitte même à vous
"compliquer la vie". Vous êtes ainsi devenu, par la force de votre talent, un
trait d'union remarquable entre le cinéma français et anglo-américain, un
acteur exemplaire du dialogue des expressions culturelles et artistiques ;
ne serait-ce que pour cela, vous mériteriez déjà toute notre admiration et
toute notre reconnaissance !

Ne pas vous laisser enfermer : c'est aussi ce mot d'ordre qui vous a
conduit à vous diversifier sans cesse, à repousser toujours plus loin les
limites des univers que vous nous donnez à explorer, à découvrir, à
franchir les frontières, les cloisons hermétiques entre les genres, les
styles, les disciplines. Dans votre profession d'acteur, d'abord, puisque le
public vous a vu aussi bien en personnage romantique, dans la plupart de
vos premiers films, qu'en héros engagé, comme dans Hiver 54, où vous
incarniez admirablement la grande figure de l'Abbé Pierre. Ce film
extraordinaire, que vous avez préparé avec lui, était le plus bel hommage
qui pouvait être rendu à son action au service des plus pauvres ! Plus
récemment, vous avez également brillé dans des films d'action à grand
succès, comme Matrix reloaded, autant que dans les comédies d'Alain
Resnais ou de Fabien Ontoniente. Autant dire que vous avez su déployer
vos talents dans une très grande diversité de rôles !

Vous vous êtes également attaché à sortir de l’univers du cinéma, en
particulier en développant votre attrait, votre don, votre talent pour le
chant. Depuis votre enfance, vous êtes un passionné de jazz ; mais c'est
au Drama Center de Londres que vous vous êtes initié au chant et à la
musique classique. Depuis, vous avez chanté sous la direction des plus
grands chefs d’orchestres, enregistré des disques, produit vos propres
spectacles. A côté de ces projets exigeants, difficiles, dans lesquels vous
vous êtes énormément investi, vous avez dit un jour qu'un tournage
hollywoodien était "reposant" ; c'est dire l'énergie qu'il vous a fallu pour
mener à bien, pour le plus grand bonheur du public, toutes ces activités
de front ! Cette énergie extraordinaire, vous la déployez, vous la
transmettez, avec fougue et brio, dans toutes vos entreprises
En vous distinguant aujourd'hui, je ne fais que porter la voix de tous ceux
qui ont reconnu dans cette profusion de talents la marque d'un artiste hors
norme.

C'est pour cet apport toujours renouvelé, toujours exigeant,
toujours excellent, d'une infinie diversité, à la culture française, c'est pour
votre contribution insigne à son rayonnement dans le monde, c'est pour
tout le bonheur que vous offrez au public français et étranger, que je veux
aujourd'hui vous exprimer ma reconnaissance, et la gratitude de la
France.

Cher Lambert Wilson, au nom de la République, nous vous faisons officier
dans l’ordre des Arts et des Lettres.

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