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Inauguration de l’extension de la Fondation de la Maison de la chasse et de la nature à l’hôtel de Mongelas à Paris

Monsieur le Président de la Fondation de la Maison de la Chasse et de la
Nature, Cher Christian de Longevialle,

Monsieur le Ministre, Cher Pierre Joxe,

Monsieur le Maire du IIIe arrondissement [Pierre Aidenbaum],

Monsieur le Président, Cher André Damien,

Monsieur le Préfet, Cher Michel Denieul,

Monsieur le Directeur de la Fondation, Cher Jacques-François de
Chaunac-Lanzac,

Monsieur le Conservateur en chef, Cher Claude d’Anthenaise,

Monsieur l’Architecte en chef, Cher Jean-Pierre Jouve,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

C'est avec une réelle émotion que je prends la parole ici devant vous, à
l’endroit même où, il y a presque quarante ans, jour pour jour, André
Malraux prononça, « au nom de la France » – selon ses propres termes -, le
discours d’inauguration du Musée de la Chasse et de la Nature.

Et l’un des tout premiers mots qu’il prononça devant son « cher
compagnon » de la Libération, François Sommer, son épouse Jacqueline,
et vous-même, cher Christian de Longevialle, qui étiez alors en charge, à
son cabinet, de ce que l’on n’appelait pas encore le patrimoine, au sens où
nous l’entendons aujourd’hui, ce premier mot, dis-je, fut celui de défi.

C’était un défi bien grand, en effet, que de sauver, au coeur des Trente
Glorieuses, au centre de ce quartier historique, mais marginal, du Marais,
cet hôtel de Guénégaud, qui était dans un état de délabrement extrême. Il
faut, comme certains d’entre vous, en garder le souvenir, ou bien voir les
photographies de l’époque, pour prendre toute la mesure de ce défi
colossal, qui consistait à faire renaître, du « fatras indescriptible » évoqué
par Malraux, l’unité, la beauté et l’harmonie de l’hôtel de Mansart, qui
s’imposent à nous aujourd’hui comme une évidence.
Il fallut la vision, la volonté, le courage et l’énergie des hommes qui ont
tenté ce défi et l’ont relevé avec succès.

Ils ont été, vous êtes, des précurseurs.

En posant les fondations sur lesquelles repose encore aujourd’hui, une
grande part de notre politique du patrimoine, André Malraux nous a légués
sa conception universelle de l’art comme une part essentielle de l’homme,
un combat contre la mort et l’oubli.

Il avait rêvé de faire revivre le « secteur sauvegardé » du Marais.
François Sommer montra que le rêve deviendrait réalité. Il n’avait pas
seulement le courage, très malrucien, d’affronter le destin les armes à la
main. Il n’avait pas seulement la passion de la chasse et de la collection.

Il eut, très tôt, la prescience de l’importance croissante des relations
entre l’homme et son environnement, cette nature dont il s’est
longtemps voulu, selon le mot de Descartes, « comme maître et
possesseur » et avec laquelle il doit composer et trouver un nouvel
équilibre. En créant la Fondation que son épouse Jacqueline dirigea
avec tant de dévouement après lui, et que vous présidez aujourd’hui,
cher Christian de Longevialle, François Sommer posa les jalons de la
création du ministère de l’environnement. Il érigea en impératif le souci,
plus actuel que jamais, de la connaissance, du respect, de la
préservation, et de la transmission de ce que nous nommons aujourd’hui
la biodiversité.

Depuis quarante ans, tout a changé, dans les faits comme dans les
esprits : la chasse, tant dans ses pratiques que dans la manière dont
elle est perçue, a profondément évolué. Mais ce qui demeure, ce n’est
pas seulement une tradition. C’est l’intuition fondatrice de cette Maison :
qu’il fallait un lieu pour exprimer toute la beauté mystérieuse de cette
activité ancestrale de l’espèce humaine, que le nouveau parcours de
visite de ce musée agrandi, et que cette exposition inaugurale, mettent
en perspective, à la lumière des interrogations les plus actuelles de
notre monde.

En plein coeur de Paris, ce lieu est une fenêtre ouverte sur la nature ;
dans cette architecture si policée, si urbaine au sens propre du mot, naît
un véritable appel d'air, une ouverture vers les grands espaces, une
incitation à l'aventure, une invitation au voyage, vers ce « temple où de
vivants piliers laissent parfois tomber de confuses paroles », selon les
mots de Baudelaire.

Oui, ce Musée est un véritable rendez-vous avec la nature. Le parcours
de celui qui s'y aventure aujourd’hui prend une densité, une ampleur,
une dimension nouvelles, au fil des étapes sur « l’homme et l’animal
sauvage », « l’image et l’imaginaire », étapes marquées à chaque fois
par ces animaux emblématiques qui peuplent la mémoire des hommes.

Aujourd'hui, ce parcours ne se limite plus aux enfilades de Guénégaud.
La fondation a acquis en effet, en 2002, pour répondre aux nouveaux
besoins d’accueil du public, l’hôtel de Mongelas, oeuvre de Nicolas
Liévain, élève de François Mansart. Cet édifice, si sobre et si élégant,
renaît à son tour aujourd’hui. Nous pouvons tous en admirer la
restauration exemplaire.

Cette restauration a été financée par la Fondation de la Chasse et de la
Nature grâce à la gestion extrêmement dynamique de son président,
Christian de Longevialle, à qui Malraux avait confié en 1967 la mission
de trouver un hôtel dans le Marais pour réaliser le projet de François
Sommer. Sans cette gestion financière rigoureuse, rien n'aurait été
possible. Il convient de le dire, car ce sont souvent les actions qui ne se
voient pas qui rendent possible la présentation des collections au grand public. La restauration de l'hôtel de Mongelas est exemplaire d'une
coopération harmonieuse entre la politique culturelle de l'Etat et
l'initiative d'une fondation privée. Cette relation confiante avec l'Etat
s'incarne d'ailleurs dans l'occupation d'un étage du château de
Chambord par une antenne du musée de la chasse et de la nature. Je
salue au passage Philippe Martel, directeur général de l'établissement
public de Chambord.

Grâce à la persévérance de la Fondation, l’espace de votre musée a
ainsi été doublé ; les travaux, qui ont duré de 2002 à 2006, ont aussi été
l’occasion de doter le musée d’un auditorium, d’espaces pédagogiques,
de réserves ainsi que d’un atelier de restauration. Votre musée est
désormais entré dans la catégorie prestigieuse des musées de France,
au titre d’une partie de ses collections, ce dont je me réjouis. Je tiens à
saluer le travail de maîtrise d’oeuvre d’Antoine Jouve, Anne Sazerat et
Simon Vignaud, la programmation réalisée par François Guiguet, le
savoir-faire et le métier de tous les artisans qui ont permis à cet édifice
de renaître, ainsi que la muséographie conçue par Frédérique Paoletti et
Catherine Rouland.

Ces longs et patients travaux permettent maintenant une mise en valeur
renouvelée, à la fois subtile et spectaculaire, des collections
permanentes, ainsi que de nouvelles oeuvres, qui sont le fruit
d'acquisitions, mais aussi de prêts et de dépôts ; et je me félicite
d'ailleurs de voir au premier rang des établissements dépositaires, le
Louvre, le Mobilier national, la Manufacture de Sèvres, le Musée des
arts décoratifs, le Fonds national d’art contemporain et d’autres musées
de France, parmi lesquels le musée des Augustins de Toulouse ou les
musées des beaux-arts de Nantes et de Rouen.

L’enrichissement des collections va encore bien au-delà, puisque
Claude d’Anthenaise n’a pas hésité à faire appel à des créateurs
contemporains. Avec l’espace dédié aux expositions temporaires, et la
présentation inaugurale des magnifiques photographies d’Eric Poitevin ;
avec le mobilier de Saint Clair Cernin, ou le "déjeuner de singe" de
Patrick van Caeckenbergh, le Musée de la Chasse et de la Nature
devient aussi désormais un véritable musée d’art contemporain.

Dallages, parquets, tentures, rideaux, tout s’inspire de l'animal auquel
est consacré chaque espace, et c’est le vocabulaire décoratif dans son
ensemble qui est ainsi réinventé. Rien n'était plus ambitieux que de lier
les animaux de Rubens ou de Chardin avec ceux de Jeff Koons et de
Jan Fabre ; rien n'était plus audacieux que de placer dans les salons de
Mansart les créations de Joan Fontcuberta, de Rebecca Horn, d'Oleg
Kulik, de Vincent Dubourg ou encore de Jean-Michel Othoniel. Mais rien
n'illustre mieux non plus la fidélité de tous ceux qui président aux
destinées de la Fondation créée il y a plus de quarante ans par les
époux Sommer ; car c'est dans cet effort de dialogue entre le patrimoine
et la création, entre la tradition et la modernité, entre l'histoire et l'avenir,
entre l'héritage et le projet, que se fonde la vraie fidélité, la fidélité
vivante, brûlante et féconde qu’évoquait André Malraux, en avril 1973,
sur le tombeau de François Sommer : « C’est ici que l’avenir annexe un
admirable passé ».

Aujourd’hui, vous relevez avec succès ce nouveau défi. Je ne puis rien
vous souhaiter de plus beau que de continuer à enraciner votre passion
et votre action dans cette fidélité inventive et audacieuse. C'est par elle
que vous avez mené à bien la restauration exceptionnelle du Musée de
la Chasse et de la Nature ; c'est par elle que vous attirerez à
Guénégaud et à Mongelas un public de plus en plus large, pour une
rencontre inoubliable avec la nature, et pour une confrontation féconde
avec les grandes questions qui se posent aux hommes de notre temps.

A mon tour, au nom de la France, je vous remercie.

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