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CONFERENCE DEBAT A L'ESCEM DE TOURS

Posted By admin2011 On 25 janvier 2007 @ 18:19 In Journal 2002-2004 | No Comments

Mes chers Amis,

Je suis très heureux dêtre parmi vous, dans cette grande école qui vous apporte une formation de très grande qualité, pour vous permettre de mieux assumer vos responsabilités de demain.

Je suis venu vous parler de la politique culturelle de la France. Ce terme de « politique culturelle » na rien dévident. La culture dun pays, ce sont avant tout les hommes et les femmes qui la font vivre, par leur création, leur réflexion, leur passion. La culture, ça ne se « dirige » pas, ce nest pas un secteur dactivité que lon pourrait planifier, réguler, orienter.

Dans une société libre, ouverte et développée, il ne saurait y avoir de dirigisme culturel ; et cest pour cela que lon sest longtemps demandé, et que certains se demandent encore, si lon peut raisonnablement imaginer une « politique culturelle », si cest un projet sensé, légitime, adapté à notre temps. Cest une question qui a été posée, que jai pu observer, discerner, derrière un certain nombre danalyses et de critiques qui ont été apportées à nos projets et à nos travaux depuis que jai la chance d’exercer la magnifique responsabilité de ministre de la Culture et de la Communication.

Le ministère de la Culture a été crée en 1959, sous la présidence du Général de Gaulle, par André Malraux, auquel j’ai tenu à rendre un hommage exceptionnel, le 23 novembre dernier, à l’occasion du trentième anniversaire de sa mort.  Il a dû subir à l’époque bien des critiques et des incompréhensions ; nombreux furent les commentateurs qui ne saisirent pas l’importance de cet événement majeur, qui ne virent aucun intérêt à la nomination dun ministre qui soccuperait exclusivement de la culture, et qui prédirent à ce nouveau ministère une place de choix dans les oubliettes des erreurs gouvernementales françaises.

La suite, vous la connaissez : quarante-cinq années ont passé, les gouvernements se sont succédés, et aujourdhui, ce Ministère, que jai la chance et lhonneur de diriger, remplit, encore et toujours, avec la même exigence et la même ambition, la mission quAndré Malraux lui assignait dans son décret de création : « …rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui l’enrichissent…».

Jai tenu à vous citer cette phrase qui est une maxime, parce qu’il n’y a pas, à mon sens, de meilleure définition de la politique culturelle, de la politique que le ministère de la Culture et de la Communication mène, jour après jour, au service de nos concitoyens. Cette politique ne consiste pas à diriger, mais bien au contraire à susciter la création artistique, à encourager la production culturelle dans sa diversité, et à en assurer la plus vaste diffusion. Jai la conviction que lÉtat a un rôle essentiel à jouer pour cela, un rôle de moteur, un rôle absolument décisif ; jen ai la conviction, et mon expérience de ministre de la Culture et de la Communication men a donné la certitude.
 
La culture nest pas, la culture na jamais été une chose simple, un monde indépendant des contraintes matérielles, comme on a tendance à l’envisager parfois. Elle est un véritable secteur dactivité, un système économique, comme ceux que vous étudiez dans votre cursus ; pour un grand nombre de personnes, elle est une vocation, un métier, une profession, un savoir-faire, qui mobilise des talents et des compétences. C’est pourquoi, en tant que ministre de la Culture et de la Communication, je suis aussi le ministre de l’emploi culturel. Comme tous les secteurs, la culture est soumise aux mutations de son environnement, technique, technologique, économique. Elle doit donc être, non pas dirigée, mais bien régulée.

La révolution technique de limprimerie avait produit un bouleversement très fort dans lorganisation de la diffusion des œuvres de l’esprit, et avait introduit, en même temps que de formidables progrès pour l’accès au livre, à la lecture, au savoir, un véritable déséquilibre dans léconomie européenne de la culture de l’époque.

Aujourdhui, dune certaine manière, nous nous trouvons dans une situation analogue, avec le développement accéléré des technologies numériques. Laccès généralisé à Internet, les avancées du haut débit apportent à la fois de grands espoirs pour la démocratisation de la culture, pour laccès de tous aux oeuvres dart et aux savoirs, pour lédification dune véritable culture commune. Et cependant, cette révolution numérique provoque en même temps un bouleversement en profondeur des structures de la diffusion des biens culturels, qui fait peser une réelle menace sur léquilibre de son économie, sur la juste rémunération de tous ceux, artistes, créateurs ou techniciens, qui travaillent dans ce secteur, et enfin sur la création artistique elle-même, sur sa richesse, sur sa diversité, sur sa pluralité.

C’est ici que l’intervention de lÉtat, que la politique culturelle, prennent tout leur sens. Il appartient au ministre de la Culture et de la Communication que je suis d’anticiper et daccompagner ces mutations, et, en concertation avec tous les acteurs de la culture, avec les hommes et les femmes qui la font vivre au jour le jour, de susciter de nouveaux équilibres qui puissent à la fois tirer tout le progrès possible des avancées technologiques extraordinaires que nous observons, et éviter leurs effets pervers ou dangereux. Ce travail nest pas facile, loin de là ; il y a même des choix très complexes à faire. Mais le pire de tout serait de ne rien choisir : dans un contexte de grandes mutations technologiques, il est impératif dimaginer de nouvelles régulations, non pas pour diminuer, pour niveler, pour appauvrir la création et laccès à la culture, mais au contraire pour les protéger, pour les aider à sadapter de manière harmonieuse et durable, pour les aider à tirer le meilleur de ses avancées.

Cétait notamment l’objet de la loi sur les droits dauteur, que jai préparée et qui a été votée lannée dernière. Tout lenjeu était de parvenir à concilier deux principes fondamentaux, celui du droit dauteur, qui est une conquête historique, une liberté, un facteur démancipation essentielle pour les créateurs ; et dautre part celui de laccès le plus libre et le plus large possible des internautes aux œuvres. Ne pas intervenir, se refuser à créer des règles adaptées à cette situation inédite, ç’aurait été laisser la création artistique étouffer et dépérir, au détriment en premier lieu des auteurs, bien sûr, mais aussi de tous ceux qui aiment écouter de la musique ou regarder des films. Voilà pourquoi, dans ce dossier complexe, j’ai tenu à prendre mes responsabilités à travers cette loi sur le droit dauteur, dont vous avez sans doute entendu parler…

Le ministère de la Culture est aussi celui de la Communication, du dialogue, de la concertation, de lécoute. Quand il sagit de traiter des problèmes aussi importants, qui touchent de manière décisive et concrète la vie de tant de personnes, je ne peux pas me passer, je ne veux pas me passer de discuter, dentendre l’avis des experts, bien sûr, mais aussi et surtout de tous ceux qui sont concernés par ces questions. La discussion de cette loi sur les droits dauteur a donné lieu à un vaste débat dans la société française, qui a impliqué un très grand nombre de nos concitoyens, et je crois vraiment que cela a été une chance unique pour notre pays. Jai toujours été à lécoute de ce débat, jai dailleurs voulu le favoriser et le stimuler. Ma propre réflexion s’est nourrie de cette écoute et de ces très nombreuses rencontres, parce que cest ainsi que je conçois la politique culturelle, parce que pour moi, cest par là que passe sa réussite.

Oui, nous avons pris des décisions difficiles, pour permettre à la création de survivre et de sépanouir dans ce nouvel environnement technologique, pour que votre génération puisse encore, dans dix ou vingt ans, bénéficier dune production artistique et culturelle riche et diverse ; mais ces décisions ont été le fruit dun dialogue ouvert, dune longue et vaste concertation. Louverture dans la discussion, puis le courage dans la décision, voilà ma conception de la politique culturelle !

Nous avons la chance de bénéficier dans notre pays d’un patrimoine exceptionnel, dans tous les domaines, un patrimoine architectural, pictural, musical, littéraire, intellectuel, et je dirais même un patrimoine spirituel. Ce patrimoine, il nous appartient de le faire vivre, de le faire découvrir, de l’ouvrir à tous nos concitoyens et à tous ceux qui désirent le connaître.

Il y a également dans notre pays un très fort potentiel à découvrir, de vastes champs de création, des talents qui ne demandent qu’à s’épanouir et s’exprimer. Il y a des personnes qui ne demandent qu’à soutenir ces talents, à les aider, à les encourager. Le rôle du ministère, la mission de la politique culturelle, c’est aussi, au-delà de ce travail nécessaire de régulation et d’adaptation, de décloisonner, de créer des ponts entre tous ceux qui s’intéressent à la culture, parce qu’ils la pratiquent, parce qu’ils l’aiment, parce qu’ils veulent la soutenir, pour stimuler la création, pour lui permettre de se développer et de s’épanouir. Le ministère de la Culture et de la Communication a un rôle moteur à jouer dans ce domaine, un rôle qu’aucune autre institution ne peut remplir ; il doit contribuer à créer une dynamique, un mouvement, une effervescence. J’ai dit souvent, que je ne suis pas le ministre des vieilles pierres et des troubadours, malgré l’affection que j’ai pour les unes et pour les autres, parce que j’estime être en charge du rayonnement, de l’influence, de l’attractivité, de l’activité de notre pays. Je veux que chacun de nos concitoyens puisse prendre conscience, dans cette période où la mondialisation fait craindre l’uniformité, où les délocalisations d’activités sont une réalité, que nous avons entre les mains un capital culturel exceptionnel, qu’il s’agit de mettre en valeur, de faire vivre, d’animer, de faire rayonner.

La politique culturelle permet d’étendre l’influence de la France dans le monde, en permettant à nos plus grands musées de mener à bien de nouveaux projets de coopération scientifique et culturelle, comme celui que nous négocions avec les Emirats arabes Unis, comme avec la Chine, sans renoncer bien sûr à toutes les valeurs et à tous les principes sur lesquelles est fondée notre politique muséographique.

Oui, la culture est un capital, une richesse extraordinaire, et à ce titre un enjeu économique de taille, et un atout déterminant du rayonnement international de la France.

Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet l’ont admirablement démontré, dans le rapport qu’ils viennent de rendre au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie sur L’économie de l’immatériel ; aujourd’hui, la vraie richesse n’est pas concrète, elle est abstraite. Au capital matériel a succédé, dans les critères essentiels de dynamisme économique, mais aussi culturel et social, le capital immatériel qui est celui des idées, de la connaissance et du savoir. La vraie richesse d’un pays, ce sont ses hommes et ses femmes, leurs talents et leur créativité, leurs projets. La culture est au cœur de ce rayonnement.

Je sais qu’à l’ESCEM, au sein de votre cursus, vous avez la possibilité de vous familiariser avec cet enjeu, et notamment à travers, ai-je vu sur votre site internet, un électif de culture générale, « le mécénat comme axe stratégique de communication et marketing ». Sachez que ce secteur, comme celui du patrimoine et des industries culturelles, sont des voies d’avenir.    

Les entreprises comprennent peu à peu le rôle clé qu’elles peuvent jouer, avec le mécénat, pour soutenir et promouvoir cette richesse culturelle dont nous sommes légitimement fiers et qui peut, en termes économiques, s’analyser comme un « avantage comparatif » dans la compétition internationale. Elles prennent conscience qu’au-delà de la dimension, par nature désintéressée, du don, au-delà de l’image, de ce que l’on appelle la « culture d’entreprise », la culture peut être intégrée dans leur stratégie de développement, parce qu’elle est facteur de compétitivité et d’excellence.

Et je suis très fier qu’ici même, à Tours, des entreprises aient ouvert, une fois de plus, le chemin de l’audace et de la créativité en se lançant dans cette belle aventure. J’ai eu le plaisir d’inaugurer, en juin dernier, l’œuvre de Cécile Pitois, fruit de la rencontre entre cette jeune artiste et une entreprise tourangelle historique, et dynamique, Gault et Frémont. J’ai pu saluer cette initiative remarquable, cette alliance féconde entre le monde économique et l’univers artistique, impulsée par le programme Artistes / Entreprises qui lie le Centre de Création Contemporaine de Tours et l’association « Projets pour la Touraine ».

Cette opération exemplaire, qui réunit des artistes de la jeune création contemporaine et des entreprises tourangelles, a permis des réalisations inédites, audacieuses et ambitieuses. Chez Mediprema, Per Barclay a revisité ces premières maisons de l’être humain que sont les couveuses, et imprimé de nouvelles formes au plexiglass, matériau privilégié de l’entreprise. Chez Proludic, Alain Bublex a fait de la ville une immense aire de jeux, pour une utopie urbaine ludique. De la même façon, Fabien Verschaere, Barthélémy Toguo, Stefan Nikolaev et Thierry Mouillé ont repensé les univers de Plastivoire, Estivin, Actiforces et du château du Rivau.

Oui, je souhaite que, au-delà même du secteur de la culture et de la communication, les entreprises performantes d’aujourd’hui comprennent qu’en s’associant à des artistes, à des créateurs, à des établissements culturels, elles dépassent une opération d’image et de communication : elles intègrent les valeurs de la création artistique dans leur stratégie de croissance et de qualité. Ce sont en effet des valeurs qui sont à la base du développement des « industries créatives ». Ce sont des valeurs que nous partageons.

C’est la raison pour laquelle j’ai voulu développer les actions et la politique de mécénat au sein du ministère de la Culture et de la Communication. A travers elle, les pouvoirs publics peuvent jouer pleinement ce rôle de pont, de lien entre le monde de la création, et les dirigeants et les cadres d’entreprises, dont vous ferez partie demain, pour beaucoup d’entre vous. J’ai lancé un partenariat avec les Chambres de commerce et d’industrie, avec lesquelles j’ai tenu à ce que le ministère de la Culture et de la Communication signe des conventions pour développer des actions de mécénat dans les régions, notamment avec les petites et moyennes entreprises.

En mars dernier, j’ai eu le grand plaisir de signer une convention avec la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Indre-et-Loire, qui a démontré, une fois de plus, son engagement sur le terrain de l’innovation et de l’excellence.

La culture est l’affaire de tous. C’est tous ensemble : pouvoirs publics, élus, responsables des institutions culturelles, dirigeants d’entreprises et étudiants, que nous devons travailler pour sauvegarder et mettre en valeur notre patrimoine culturel, et encourager la création artistique contemporaine. Et c’est le rôle de la politique culturelle, c’est l’objectif que je me suis donné à la tête du ministère de la Culture et de la Communication, que de permettre à tous ces acteurs de mieux se connaître, de mieux se comprendre pour mieux percevoir l’enrichissement collectif qu’ils pourront tirer de leur travail en commun.

Le ministère de la Culture et de la Communication est donc en charge d’un monde à la fois magnifique et fragile, qu’il s’agit de protéger, de soutenir, de réguler, de stimuler. Toute la complexité et la difficulté de ce rôle réside dans l’attention que nous devons porter sans relâche à un certain nombre d’équilibres fondamentaux sans lesquels ce monde de la culture perdrait sa richesse et sa fécondité. Je vais simplement ici en citer trois exemples.
 
En tant que ministre de la Culture et de la Communication, j’ai fait de l’accès à la culture pour tous une priorité. Comment permettre à l’ensemble de la population française, les enfants et les adolescents comme les personnes âgées, les personnes valides comme les personnes handicapées, les actifs comme les retraités, d’accéder aux œuvres d’art ? Comment rendre la culture attirante pour le public le plus large possible ? Comment donner à tous le goût de la culture, sans s’en tenir au plus petit dénominateur commun, sans édulcorer les richesses de la création, sans les affadir ? Une politique culturelle audacieuse et exigeante doit garder à la fois la mission de rendre la culture accessible à tous, et lambition dencourager une production culturelle d’une grande qualité et d’une grande diversité.

Une culture commune nest pas nécessairement une culture de masse, et la volonté de diffuser les oeuvres dart au plus grand nombre ne doit pas se faire selon les critères de la consommation standardisée. Je suis profondément convaincu que la diversité culturelle est une grande source de richesse ; rendre la culture accessible à tous, ce nest pas arrondir les angles, faire disparaître ce qui est plus difficile d’accès, niveler cette diversité. C’est au contraire redoubler defforts pour permettre à tous de comprendre et dapprécier toutes les formes de création, tous les genres, tous les styles, qui font la valeur de notre patrimoine. Le rôle de la politique culturelle est donc de lutter efficacement contre la loi de luniformisation qu’imposerait le « marché de la culture » s’il était livré à lui-même. Le développement et la libéralisation des échanges internationaux, ainsi que les bouleversements technologiques – et notamment numériques – facilitent en effet les mouvements de concentration des industries culturelles et l’apparition d’industries dominantes, pour ne pas dire de cultures dominantes.

La diversité culturelle est la meilleure réponse à ce mouvement induit par la mondialisation. C’est un enjeu de gouvernance mondiale, un enjeu au plus haut point politique : contre les peurs et les incompréhensions que suscite la mondialisation, le dialogue des cultures est un facteur de paix entre les peuples et de cohésion sociale. La diversité culturelle est aussi nécessaire que la biodiversité.

C’est pour répondre à cet enjeu majeur que 191 Etats membres de l’UNESCO ont adopté, le 20 octobre 2005, la convention sur la diversité culturelle, qui entrera en vigueur le 18 mars prochain. C’est à mes yeux une victoire historique pour la diversité des cultures et des créations des artistes du monde, pour le dialogue entre les peuples, les cultures et les sociétés, pour le respect des différences et la reconnaissance de ce que l’autre, quel qu’il soit, apporte à notre richesse, qui est tout autant culturelle que matérielle, comme l’illustre le succès du Musée du Quai Branly, haut lieu du dialogue des cultures et des civilisations.

C’est surtout une victoire du droit international et de la volonté politique. Elle démontre qu’une politique culturelle concertée et audacieuse peut contribuer à une meilleure maîtrise de la mondialisation ; et il faut souligner le rôle décisif que l’Union européenne, grâce à l’initiative de la France, a joué dans cette affaire. La diversité culturelle a succédé à « l’exception culturelle » que jadis la France fut seule à défendre. La diversité culturelle est devenue un enjeu mondial.

Dans un monde où 85% des places de cinéma vendues le sont pour des films produits à Hollywood, au plan européen, la France a réussi à faire reconnaître par la Commission européenne la légitimité de toutes ses aides au cinéma. C’est un résultat formidable pour l’Europe du cinéma, car tous les Etats membres peuvent désormais se réclamer de ce précédent. La culture devient un aspect fondamental du projet européen, et tel est le sens de la création, à l’occasion du cinquantenaire du Traité de Rome, du label du patrimoine européen.

 
Cet attachement à la diversité se traduit et se prolonge dans mon souci constant de mettre en avant à la fois les immenses richesses de notre histoire culturelle, de notre patrimoine pluriséculaire, et de la création la plus contemporaine, sous toutes ses formes, dans toute son audace. Le souci de cet équilibre navait pas toujours été porté par les pouvoirs publics, loin de là : l’action de lÉtat en matière culturelle a longtemps été structurellement conservatrice, parce que les dirigeants navaient ni lhabitude, ni les moyens, ni la volonté de se pencher sur la culture vivante, sur la création contemporaine, et dadapter leurs travaux à ses évolutions.

LÉtat sest donc contenté pendant longtemps de valoriser son héritage ; c’est la création dun ministère chargé des Affaires culturelles qui permit de rompre avec cette tradition. À linverse, certains de mes prédécesseurs ont préféré faire de la culture une sorte de spectacle permanent, une innovation perpétuelle, au détriment de l’étude et de la mise en valeur de notre histoire culturelle et de notre patrimoine. Or, si le patrimoine séparé de la création est figé, sans vie, la création déracinée, déconnectée de notre histoire culturelle perd de sa fécondité, de sa richesse. Cest la raison pour laquelle la politique culturelle doit s’attacher à la fois à préserver le patrimoine, à le faire vivre, et à soutenir la création actuelle, qui est dune incroyable richesse. En même temps que le ministère conduit et soutient de très nombreux chantiers de restaurations et d’aménagements des monuments historiques, afin de les ouvrir à un public toujours plus large, j’ai voulu tout mettre en œuvre pour assurer la promotion des nouvelles formes de création artistique. C’est tout le sens, par exemple, d’un évènement emblématique comme le festival « Rue », dédié aux cultures urbaines, qui a eu lieu au Grand Palais en octobre dernier. Pendant trois jours, ce sont les inventeurs et les acteurs de ces nouveaux modes de création et d’expression culturelle qui sont venus eux-mêmes présenter, dans un haut lieu de notre patrimoine, la richesse, l’audace, l’énergie, le dynamisme qui les animent et qu’ils savent si bien faire partager.

C’est cette diversité culturelle que je veux promouvoir et faire avancer : depuis mon arrivée, j’ai souhaité donner l’exemple, en faisant en sorte que toutes les pratiques et toutes les disciplines culturelles et artistiques acquièrent droit de cité au ministère de la Culture et de la Communication. Je n’ai pas hésité à le faire, parfois au risque de surprendre, comme lorsque j’ai rendu hommage aux figures de proue de la scène électronique française – dont Dimitri, Zdar et Air – en leur ouvrant les portes du Palais-Royal, ce qui était une première. Mais c’est parce que je suis un grand amateur et un grand défenseur de notre patrimoine, de notre tradition culturelle et artistique, que je tiens à promouvoir et à encourager la création contemporaine. Il ne s’agit que de prolonger et d’enrichir l’histoire que nous avons reçue !

Enfin, la politique culturelle de notre pays a en charge un équilibre qui est au cœur même de notre République, celui de l’accessibilité de la culture et des œuvres d’art sur l’ensemble du territoire national. C’est d’ailleurs l’une des missions principales qui étaient assignées au ministère de la Culture lors de sa création. Aujourd’hui, je m’attache à mettre en valeur la diversité des cultures régionales, et à favoriser l’implantation et le développement de véritables pôles culturels dans tout le pays.

André Malraux avait formé le projet visionnaire des Maisons de la Culture, qui devaient être ces lieux d’accueil pour tous les passionnés de culture à travers la France, ces lieux où tous les citoyens auraient accès au meilleur de la production artistique passée et présente. Aujourd’hui, nous mettons en œuvre des projets multiples dans cette même perspective : ainsi, de grands musées parisiens viennent s’implanter dans les régions, avec par exemple, la grande décision, dont je suis fier, de l’installation du Louvre à Lens, ou du Centre Georges Pompidou à Metz. Je crois que la décentralisation culturelle, qui n’avait rien d’évident il y a encore quarante ou cinquante ans, est maintenant entrée dans les esprits. J’en veux pour preuve le très bel évènement qui a eu lieu ici même, le week-end dernier, et que j’ai contribué à mettre en œuvre, les représentations exceptionnelles que les cent cinquante danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris ont données au Vinci, à Tours. Je remercie la Chambre de commerce et d’industrie d’avoir contribué, par son soutien financier, à rendre cet événement possible.

En tant que ministre en charge de la Communication, je suis également chargé de faire en sorte que l’ensemble de nos concitoyens, sur tout le territoire national, puisse bénéficier des progrès immenses qui ont été accomplis en matière de technologies de l’information. Renforcer le développement culturel, c’est aussi s’assurer que sur l’ensemble du territoire, l’accès au numérique est garanti. Le lancement de la TNT a été un immense succès, j’ai pu m’en rendre compte lors de son lancement à Tours, dès juin dernier. Je continue à travailler ardemment à relever les défis de l’ère numérique qui sont encore devant nous. La TNT est aussi, comme je l’ai souligné lors du débat au Sénat sur le développement des télévisions de proximité en France, une chance formidable pour les télévisions locales, et notamment pour TV Tours, chaîne qui me tient tout particulièrement à cœur.

Parallèlement au déploiement des techniques d’accès à Internet à haut débit, l’accélération de la couverture numérique n’est pas seulement une exigence démocratique, c’est une exigence culturelle. La diffusion des techniques numériques et l’Internet  transforment en effet profondément l’accès à la culture et, au-delà, la création culturelle numérique. Vous devez en être plus conscients que quiconque, puisqu’on estime que près de la moitié des jeunes crée des contenus : ce peut être un simple blog, de la photographie numérique, de la musique ou de la vidéo. Dans le monde numérique, on retrouve évidemment cette tendance à l’expansion des pratiques et des publics amateurs, décuplée par les moyens utilisés. Atteindre les objectifs de couverture, c’est permettre le déploiement sur ces techniques d’une vitalité de création et d’accès qui ne peut être fonction de l’éloignement, de la géographie. Après le lancement réussi de France 24, et celui de la télévision numérique terrestre, qui a multiplié le nombre de chaînes gratuites par trois, passant de six à dix-huit, préparer dès aujourd’hui l’avènement de la télévision du futur, grâce au projet de loi, adopté par le Sénat, qui sera examiné à l’Assemblée nationale à la fin du mois, et qui placera la France en tête de cette nouvelle révolution industrielle et culturelle, la révolution numérique.

 Le numérique est une chance de renouvellement, de développement et d’égalité d’accès à la culture pour tous, et c’est pourquoi il est au cœur de mon combat pour l’accès de tous à la culture.

Passer de l’idéal de la culture pour tous, qui est à l’origine de la création de ce ministère il y a près de cinquante ans, à l’objectif de la culture pour chacun, aujourd’hui rendu possible par les acquis de la politique culturelle et les défis des technologies, c’est en effet un programme politique pour notre temps.

Vous l’avez compris, la culture n’a rien d’un accessoire, d’un simple supplément d’âme. Ce sont des talents, des métiers, des compétences et des emplois, ce sont des secteurs entiers de notre économie, dynamiques, créatifs, des secteurs en plein bouleversement, en pleine mutation, des secteurs d’avenir. C’est une force de paix, d’ouverture sur le monde d’aujourd’hui.

C’est pourquoi la culture doit être au cœur de la politique, et peut-être, le meilleur sens que je peux donner aux termes de politique culturelle, c’est celui de mon engagement à porter cette exigence, en m’attachant à rendre la politique plus culturelle ! C’est aussi le sens de mon engagement, à Tours comme au niveau national.


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