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Remise des prix aux lauréats 2006 de l’Académie internationale d’architecture

12 décembre 2006

Monsieur le Président, cher André Dufetel,

Monsieur le Directeur de l’architecture et du patrimoine, cher Michel
Clément,

Monsieur le Directeur chargé de l’architecture, cher Jean Gautier,

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de
Valois pour la cérémonie de remise des prix aux lauréats de l’Académie
internationale d’architecture.

Vous venez de rappeler, Monsieur le Président, le rôle éminent de
l’Académie internationale d’Architecture, dont nous célébrons le vingtième
anniversaire cette année. Cette organisation non gouvernementale
reconnue par les Nations Unies, présidée par l’architecte bulgare Georgi
Stoilov et qui compte 70 Académiciens élus et 60 professeurs, se réunit en
Assemblée générale tous les trois ans, lors d'un Congrès (Interarch), à
Sofia. Cette réunion est l’occasion d’organiser séminaires, expositions,
conférences et concours d’architectes auxquels ont participé, cette année,
environ 150 architectes du monde entier.

Grand Prix de Rome, membre de cette Académie internationale
d'architecture, architecte, délégué aux relations internationales de
l'Académie d'Architecture de France, vous êtes, Monsieur le Président,
parvenu à susciter des candidatures d’architectes français, membres de
l’Académie d’Architecture de France, lors du dernier Congrès (Interarch
2006). Tous ont été récompensés par des diplômes d'honneur, et cinq
d'entre eux ont reçu une distinction supplémentaire, que je suis très
heureux et très fier de leur remettre aujourd’hui.

Mais auparavant, et sans trop prolonger votre attente, je tiens à vous dire
quelques mots de la place de l’architecture et du rôle essentiel des
architectes dans la France d’aujourd’hui, car c’est bien l’amour de cet art
qui nous rassemble ici ce matin.

Vous savez en effet que je suis très sensible à mes responsabilités dans le
domaine de l'architecture et du patrimoine, parce qu’il s’agit, non seulement
de l'identité, de l'histoire et de la mémoire de notre pays, dans sa diversité,
mais aussi du cadre de vie des Français et de l'harmonie des paysages
que nous lèguerons aux générations futures.

Comme le montrent avec éclat les réalisations qui vous ont valu les
prestigieuses distinctions que je vais vous remettre dans un instant, les
pratiques d'aménagement de nos villes doivent s’inscrire dans une
perspective de développement durable, c'est-à-dire avec le souci constant
des conséquences de nos choix d'aujourd'hui pour demain.

C’est pourquoi l’architecture concerne tous les Français. Car l’évolution de
nos espaces de vie doit être maîtrisée, dans le respect de notre patrimoine
architectural, urbain et paysager exceptionnel, en laissant toute sa place à
la créativité et à l’invention qui font la force des architectes français dans le
monde entier, et là encore, vous nous en apportez toutes et tous la preuve
éclatante.

Le palmarès de l’Académie Internationale d'Architecture est une
reconnaissance supplémentaire du rayonnement que vous incarnez, de
l’architecture française en Europe et dans le monde. Parce qu’elle est l’une
des manifestations les plus vivantes de la diversité culturelle, j’attache la
plus grande importance à rendre hommage, aujourd’hui comme dans
chacun de mes déplacements à l’étranger, aux talents des architectes
français. Parce que je suis le ministre en charge de la formation des futurs
architectes, j’attache la plus grande importance au développement des
jeunes talents pour lesquels vous êtes des exemples.

Parce que l’architecture fait partie de la culture, la culture de l’architecture
doit être largement diffusée auprès de nos concitoyens et c’est l’un des
axes forts de mon action, au service des architectes, dans ce domaine.

Je vais maintenant remplir mon office auprès de la lauréate et des lauréats,
qui expriment et illustrent brillamment la vitalité, la créativité, le sens du
présent et la conscience de l’avenir de l’architecture française d’aujourd’hui.

Ont reçu les diplômes d’honneur :

• Jean-Marie Duthilleul, pour le Quartier d'affaires et pôle d'échanges de
Xizhimen [sidjeumenne] à Pékin ;

• Patrice Novarina, pour l'Ecole La Cigogne à Bois-Colombes dans les
Hauts-de-Seine ;

• Bernard Reichen, pour Zhenru [djennjou], la nouvelle identité du
second centre de Shanghai ;

• Jean-Marie Valentin, pour l'Institut de cardiologie & Fondation Adicare,
CHU de la Pitié-Salpétrière à Paris ;

• Jean-Paul Viguier, pour l'Hôtel Sofitel à Chicago ;

• Thierry Van de Wyngaert, pour la Bibliothèque Chevreul à Lyon.
Ont reçu les diplômes d’honneur et distinctions suivants :

• Françoise-Hélène Jourda, Diplôme d'Honneur Spécial, pour son projet
de centre de formation d'Herne-Sodingen en Rénanie du Nord-
Westphalie, en Allemagne ;

• Guy Autran, Prix spécial de la Maison d'Edition Atlas Style, pour le
lycée professionnel Kyoto à Poitiers ;

• Pierre Rousse, Prix spécial de l'Union des Architectes du Kazakhstan,
pour son Université pluridisciplinaire de l'Artois, Campus d'Arras ;

• Anthony Béchu (et Tom Sheehan), Prix du Ministre de la Plannification
Urbaine de Bulgarie, pour l’Académie de formation des dirigeants de
Pudong [poudong], près de Shanghai (équivalent « hybride » de l’ENA
et de l’INSEAD en Chine).

Enfin, avant de remettre le Grand Prix du Globe de Cristal, je tiens à
décerner, en quelque sorte, une « mention spéciale » à Franck
Hammoutène, Lauréat du Grand Prix du Ministre de la Culture et de la
Communication de la République française, pour l'Eglise Notre-Dame de
Pentecôte à Paris.

Cher Franck Hammoutène,

Vous êtes architecte et urbaniste, membre de l’Académie d’architecture,
Membre de l'Union Franco-Britannique des Architectes.

Nous célébrons aujourd’hui les vingt ans de l’Académie internationale
d’Architecture et il y a vingt ans déjà, vous receviez de vos pairs de
prestigieuses distinctions, le Prix de la première oeuvre et le Prix AMO
Architecture et Lieux de travail. Et cette année aussi, après de nombreux
autres prix, vous recevrez au moins deux distinctions prestigieuses : celle
que j’ai l’honneur de vous remettre aujourd’hui et le Prix de l’équerre
d’argent, que je vous remettrai bientôt.

Au coeur de la Défense, toute proche de la Grande Arche, vous avez conçu
et construit l'Eglise Notre-Dame de Pentecôte, consacrée en 2001, sur un
site exceptionnel, où se croisent la voûte blanche du CNIT, les méandres
des carrefours automobiles, la statique noire des tours. A la fois lieu de
solitude et lieu de communion, Notre-Dame de Pentecôte est comme
suspendue au-dessus du vide, surplombant les voies rapides. Les trois
parties du programme s'y organisent verticalement : chambre haute – parvis
d'accueil et de rencontre – salles de réunions. La forme de l'architecture est
issue d'une série de plans successifs qui protègent sans enfermer,
dessinent les espaces intérieurs, en créant des variations d'échelle et de
lumières qui accompagnent et effacent à la fois le monde extérieur.

Franck Hammoutène, je vous décerne le Grand Prix du Ministre de la
Culture et de la Communication.

Cher Paul Andreu,

Je suis très honoré de vous remettre aujourd’hui, pour l’ensemble de votre
oeuvre, au nom de l’Académie internationale d’Architecture, sa plus haute
distinction triennale, le Grand Prix du Globe de Cristal. Pour situer le niveau
de cette distinction, il me suffit de rappeler que vous succédez à Oscar
Niemeyer, lauréat du congrès 2003.

Diplômé de l'Ecole Polytechnique (1958), ingénieur en chef des Ponts et
Chaussées (1963), vous êtes architecte DPLG en 1968.

Vous avez reçu de très nombreuses et très prestigieuses distinctions dans
le monde entier, parmi lesquelles je ne citerai que le Grand Prix national
d’architecture, dès 1977.

Dès le début de votre carrière, vous avez rejoint la société Aéroports de
Paris, dont vous devenez architecte en chef et Directeur des projets (en
1974) puis Directeur de l'architecture et de l'ingénierie (en 1979). Parmi vos
principales réalisations figurent les aéroports de Roissy et sa gare TGVRER,
les aéroports d'Abu Dhabi, de Djakarta, du Caire, de Dar-Es-Salaam,
de Bruneï, de Kansaï dans la baie d'Osaka, de Nice, de Bordeaux, de
Pointe-à-Pitre, la Grande Arche de la Défense, ainsi que le terminal français
du tunnel sous la Manche.

Se confronter à la modernité, répondre à des programmations complexes,
planifier des infrastructures en portant une attention particulière aux cultures
locales, réaliser des ouvrages fonctionnels de pierre, de verre et de béton
avec une technique mathématique et physique universelle, tel est, Paul
Andreu, votre grand défi. Si vous confiez aux éléments le soin de
parachever vos bâtiments, en permettant à la lumière de délimiter l'espace
et de modifier la matière, vous seul réglez les détails de la construction avec
rigueur et vérité, tout en privilégiant l'harmonie de l'ouvrage dans
l'environnement et le paysage.

De conférences en jurys de concours, d'associations en commissions, vous
vous investissez constamment dans le débat architectural international, et
vos travaux ont fait l'objet des plus importantes publications mondiales.

Depuis janvier 2003, vous avez fondé votre propre agence d'architecture à
Paris. Une aventure qui vous permet d'inscrire votre travail dans une
nouvelle perspective. Vous avez achevé le Centre des Arts Orientaux à
Shanghai, qui a été inauguré à la fin de l'année 2004. Vous poursuivez des
projets magnifiques, immenses, en cours de réalisation, tel le Grand
Théâtre national de Pékin, que j’ai visité à vos côtés l’an dernier. Et je
compte bien assister l’an prochain à l’inauguration de ce monument unique,
au coeur de l’une des cités les plus mythiques, non pas une cité interdite,
mais une cité ouverte à la diversité des expressions artistiques et
culturelles. A la fois opéra, salle de concerts et de spectacles vivants, haut
lieu de création et de culture, de patrimoine et de modernité, ce projet
unique est conçu comme une véritable "ville de théâtres", une île
transparente sur un plan d'eau artificiel, entouré d'un nouveau parc urbain.

Paul Andreu, pour l’ensemble de votre oeuvre, je suis heureux de vous
décerner le Grand Prix du Globe de Cristal de l’Académie internationale
d’Architecture.

Audition devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur la sécurisation des parcours professionnels des artistes et techniciens du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma

12 décembre 2006

Monsieur le Président, Cher Jean-Michel Dubernard,

Mesdames et Messieurs les Députés,

je vous remercie de m’avoir invité à présenter devant vous, dans le cadre
d’un rendez-vous désormais régulier, les enjeux et l’état d’avancement de
la politique de l’emploi que je conduis sans relâche depuis ma prise de
fonction.

J’apprécie, au-delà de ce que je saurais exprimer, le soutien continu,
l’attention vigilante que votre commission apporte aux questions dont j’ai la
charge.

En vous le disant, je sais que j’exprime aussi et surtout la reconnaissance
des artistes et des techniciens du spectacle, de l’ensemble des
professionnels, qui mesurent le prix de votre engagement, de l’appui de la
représentation nationale pour la cause de l’emploi dans le spectacle.

Une page est en train de se tourner, j’espère définitivement, sur ce qu’il est
convenu d’appeler la crise « des intermittents du spectacle » et que
j’appelle, moi, la nécessaire politique de soutien à l’emploi des artistes et
des techniciens du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Des efforts considérables ont été engagés depuis plus de trois ans par le
gouvernement, par la Représentation nationale. Je tiens à saluer la
constance des membres de votre commission. Celle-ci s’est manifestée,
depuis 2003, dans votre analyse, mais aussi dans votre présence, au coeur
même des évènements, aux côtés de nos artistes et techniciens.

Depuis, Monsieur le Président, le rapport rédigé par Christian Kert de la
mission d’information, présidée par Dominique Paillé, de la commission des
affaires culturelles de l’assemblée nationale, le rapport de la commission
des affaires culturelles du Sénat, en juillet 2004, les débats en séance
publique sur le spectacle vivant qui se sont tenus à l’Assemblée nationale
et au Sénat, sous la présidence effective, de Jean-Louis Debré et de
Christian Poncelet, nous avons avancé ensemble.

Ce travail a conforté celui effectué par les partenaires sociaux du secteur
comme au niveau confédéral, par les experts qui ont été missionnés (je
pense en particulier aux travaux de Jean-Paul Guillot, qui ont éclairé les
réflexions des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux), par le
comité de suivi, initiative originale qui a permis, grâce à la mobilisation
inlassable de votre collègue Etienne Pinte et des Parlementaires de tous
bords qu’il a su rassembler, d’apporter des contributions utiles à la
construction d’un nouveau système, tous ces efforts sont en train de porter
leurs fruits.

Un nouveau protocole est sur le point d’être signé par plusieurs
confédérations de salariés ; dès lors qu’un nouveau système
d’assurance chômage est en place, librement négocié par les
partenaires sociaux, l’intervention de l’Etat avec le Fonds de
professionnalisation et de solidarité, conformément à l’engagement du
Premier Ministre vient renforcer la protection assurée par le régime
d’assurance chômage et s’articule avec lui.

Le nouveau système qui se mettra en place l’année prochaine
additionne l’intervention de la solidarité interprofessionnelle et celle de
l’Etat.

Juger du contenu des droits pour les artistes et les techniciens suppose
donc de constater la situation résultant de cette addition de solidarités.
Vous savez que, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission
« Culture », le Sénat a tenu, dans la nuit de vendredi à samedi dernier,
par un amendement présenté par le Président Jacques Valade, à
conforter l’engagement de l’Etat et à donner la base juridique nécessaire
au versement d’allocations financées par l’Etat dans le cadre du fonds
de professionnalisation et de solidarité.

Cette initiative traduit l’engagement pérenne de la solidarité nationale en
relais de la solidarité interprofessionnelle qu’exprime le régime
spécifique d’assurance chômage des artistes et des techniciens du
spectacle.

Les contacts nécessaires sont en cours, entre les administrations
concernées et les services de l’UNEDIC, pour garantir la mise en place
effective du nouveau système, dès le début de l’année prochaine, dans
les meilleures conditions, pour les artistes et les techniciens du
spectacle comme pour les agents des ASSEDIC.

Au-delà de la solidarité interprofessionnelle et de l’assurance chômage,
il y a l’avancée des conventions collectives.

Sans vouloir préjuger de la conclusion de négociations en cours, la
structuration de l’emploi par les conventions collectives est bien
engagée. C’est par les conventions collectives, beaucoup plus que par
l’assurance chômage, que doit être organisé l’emploi dans le secteur du
spectacle vivant et enregistré. C’est la manière la plus vertueuse de
mettre fin aux abus qui ont trop longtemps miné le système.

Malgré des difficultés et des tensions entre les représentants des
employeurs et les représentants de salariés, inévitables dans ce genre
d’exercice, les négociations progressent et plusieurs d’entre elles
semblent en voie d’aboutir.

Je prendrai l’exemple de la convention pour la production audiovisuelle,
dont la négociation est en voie d’achèvement aujourd’hui même et qui,
moyennant d’ultimes échanges, pourra être prochainement proposée à
la signature des syndicats de salariés, pour illustrer les effets concrets
sur l’emploi qui sont attendus des conventions collectives :

– elle assure la couverture des salariés permanents, faisant du contrat
à durée indéterminée la norme de référence, quand il était implicitement
admis que le contrat à durée déterminée d’usage représentait la seule
forme d’organisation du travail ;

– elle encadre le recours au contrat à durée déterminée d’usage, en
limitant les fonctions et les emplois, en précisant l’objet pour lequel il
peut être conclu ;

– elle prévoit des dispositions qui encouragent à l’allongement de la
durée du travail et, notamment, une modulation de la rémunération qui
tient compte de la durée du contrat, ainsi qu’une mensualisation de la
rémunération, qui permet de donner une plus grande visibilité et une
plus grande sécurité aux salariés ;

– elle prend en compte la très grande amplitude des journées de
travail, mais prévoit, en contrepartie, que le temps de disponibilité peut
être rémunéré ;

– en un mot, elle rapproche les dispositions des contrats de travail de
la réalité des pratiques d’emploi et fait ainsi prendre en compte les
spécificités des pratiques d’emploi du secteur du spectacle par les
conventions collectives – et non plus seulement par les dispositions de
l’assurance chômage.

Comme les autres conventions collectives, puisque ces points-là font
l’objet d’un groupe de travail commun à l’ensemble des huit
commissions mixtes paritaires, un système de prévoyance est prévu
pour les non-cadres comme pour les cadres et, avant le 1er juillet
prochain, une protection en matière de santé sera mise en place pour
les artistes et techniciens intermittents. C’est bien dans le cadre des
conventions collectives que se définit le premier niveau, indispensable,
de protection sociale pour les artistes et les techniciens.

Dans chacune des autres commissions mixtes paritaires, les
négociations sont intenses, les efforts déployés par les partenaires
sociaux, représentants des employeurs comme des salariés, sont
considérables et ils font chacun, permettez moi de leur en rendre
hommage devant vous, des concessions importantes pour parvenir à un
accord dans les délais fixés. Ils y sont aidés par l’exceptionnelle
mobilisation, que je voudrais saluer publiquement, de la direction
générale du travail, des présidents de commissions mixtes paritaires,
des services du ministère de la culture et de la communication.

C’est un effort d’une ampleur et d’une cohérence sans précédent qui est
engagé pour que, enfin, comme dans tous les autres secteurs d’activité,
l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré soit organisé par le
dialogue social et les conventions collectives.

C’est l’occasion, pour le gouvernement comme pour les partenaires
sociaux, de confirmer la spécificité de la conception française du statut
des artistes du spectacle, qui les considère comme des salariés à part
entière et leur assure toutes les protections correspondant au statut de
salarié : droits sociaux et syndicaux, rémunération, protection contre le chômage, prévoyance, santé, congés payés, organisés par le droit du
travail et la négociation collective.

Il s’agit là, trop souvent méconnu, du volet social de l’exception culturelle
française, la présomption de salariat des artistes interprètes, reconnue
désormais, grâce à un arrêt du printemps dernier, par la jurisprudence
de la Cour de justice des communautés européennes, même si celle-ci
a pris soin d’en préciser et d’en délimiter la portée. Dois-je rappeler que,
dans la plupart des autres pays, les artistes ont le statut de travailleur
indépendant, et que seule la protection de leurs droits d’auteur ou
d’interprète est assurée ?

Par l’accent mis sur la négociation des conventions collectives, le statut
de salarié des artistes est clairement réaffirmé.

C’est le socle de la sécurisation des parcours professionnels que le
système pérenne de soutien à l’emploi des artistes et techniciens du
spectacle a l’ambition de construire. Les annexes 8 et 10, redéfinies par
le nouveau protocole, et le nouveau Fonds de professionnalisation et de
solidarité constituent, ensemble, avec les conventions collectives, le
système pérenne de protection sociale et professionnelle pour les
artistes et les techniciens auquel le Gouvernement s’est engagé.

Je sais bien qu’il ne correspond pas, intégralement, à toutes les
revendications qui s’étaient exprimées ; que certaines propositions
intéressantes qui avaient été formulées n’ont pas été retenues dans la
négociation entre les partenaires sociaux interprofessionnels. Mais l’Etat
n’a pas à se substituer à eux. En concertation avec eux, l’intervention de
l’Etat vise à prendre en compte certains éléments des pratiques d’emploi
des artistes et des techniciens qui s’inscrivent dans les objectifs
assignés à la politique d’emploi dans le spectacle.

Dans le respect des responsabilités des partenaires sociaux et du
dialogue social, ce nouveau système conjugue et articule la solidarité
interprofessionnelle et la solidarité nationale au bénéfice des artistes et
des techniciens du spectacle, dont les métiers exigeants et les pratiques
d’emploi justifient un soutien spécifique.

De manière très concrète, le nouveau système ainsi constitué par les
annexes 8 et 10 et le Fonds de professionnalisation et de solidarité
prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au
secteur du spectacle. Il permet aux artistes et aux techniciens de
retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence
annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux,
même si je reconnais qu’on aurait pu y parvenir de manière plus simple.

Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois tout au long de l’année
2007, soit pendant un an après la conclusion des premières conventions
collectives, pour ceux des artistes ou des techniciens qui n’y parviennent
pas en 10 mois ou 10 mois et demi, avec une allocation calculée comme
l’allocation chômage, plafonnée à 45 – par jour, pour soutenir ceux qui
en ont le plus besoin, et versée pendant 3 mois, permettant ainsi aux
intéressés de reconstituer leurs heures pour réintégrer normalement les
annexes 8 et 10.

Il prend en compte, dans les heures travaillées, les congés de maternité,
les congés de maladie de plus de trois mois ou ceux correspondant aux
maladies dont le traitement est remboursé à 100 % par l’Assurance
maladie, les congés liés aux accidents du travail, les heures de
formation dispensées par les artistes et les techniciens dans certaines
structures, à hauteur de 120 heures par an. Il garantit le maintien de
l’allocation de retour à l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite pour les
artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.

Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées, et, avec la nouvelle
formule de calcul de l’allocation et l’abandon du salaire journalier de
référence, il prévoit des montants d’indemnisation proportionnels à la
fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré. Il incite
à choisir des contrats plus longs. Ainsi, un artiste ou un technicien aura
toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail plutôt
que d’être indemnisé par l’assurance chômage. La nouvelle formule de
calcul est plus juste : elle permet d’améliorer le niveau de
l’indemnisation pour les plus bas salaires, et de la limiter pour les plus
hauts revenus. Ce n’était le cas ni dans le système de 2003 – ni dans
les systèmes qui l’ont précédé.

Il prévoit enfin, c’était une revendication très ancienne qui n’avait jamais
été satisfaite, une allocation de fin de droits lorsque les artistes et
techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils ne
peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité parce que
leurs pratiques d’emploi spécifiques ne leur permettent pas d’en remplir
les conditions.

La durée de cette allocation, d’un montant de 30 euros par jour, est
modulable en fonction de l’ancienneté :

– 2 mois pour ceux qui ont moins de 5 ans d’ancienneté,

– 3 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 2 fois pour ceux qui ont entre
5 et 10 ans d’ancienneté,

– 6 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 3 fois pour ceux qui ont plus
de 10 ans d’ancienneté.

Ainsi, un artiste ou un technicien pourra bénéficier de cette allocation de
fin de droits jusqu’à 6 fois dans son parcours.

Le versement de cette allocation sera accompagné d’un soutien
professionnel adapté à la situation et aux aspirations de chacun d’entre
eux grâce à une plus forte mobilisation et une meilleure coordination des
organismes sociaux du spectacle (AUDIENS, l’organisme de
prévoyance du secteur, l’AFDAS, l’organisme de formation, l’ANPE
spectacle).

Le Fonds permettra, en effet, de détecter les artistes et techniciens en
situation de vulnérabilité professionnelle et, sur la base du volontariat de
leur part, de leur proposer un soutien professionnel adapté.

A partir des données recueillies par Audiens, pourront être détectés, de
manière systématique et exhaustive, les artistes et techniciens qui, dans
les cinq dernières années, sans que ce soit obligatoirement le signe
d’une fragilité professionnelle de leur part, sont sortis au moins une fois
du régime d’assurance-chômage, ont eu un volume d’activité qui reste durablement fixé autour du seuil minimum d’affiliation ou qui perçoivent
des revenus durablement faibles de leur activité.

En complément de la mise en oeuvre de l’accompagnement
personnalisé prévu par le protocole d’accord du 18 avril 2006, grâce à
une coopération étroite avec le réseau ANPE spectacle et l’AFDAS, ces
personnes, si elles répondent volontairement à l’invitation qui leur sera
faite à un entretien, pourront se voir proposer un soutien en termes
d’appui professionnel, de formation dans le secteur ou, le cas échéant,
d’une formation en vue d’une aide à la reconversion si elles envisagent
de quitter un secteur dans lequel il est particulièrement difficile de se
maintenir.

Cette démarche pourra être renouvelée tous les cinq ans et apportera
ainsi aux artistes et techniciens un suivi de leur carrière sur la durée.
Ce repérage systématique n’est pas exclusif de démarches individuelles
volontaires d’artistes ou de techniciens qui voudraient bénéficier d’un
soutien professionnel adapté.

De manière plus spécifique, mais également systématique, un accueil
sera prévu pour les femmes enceintes, pour les informer très
précisément de tous les droits qui leur sont ouverts – et que, bien
souvent, au-delà de ceux dont elles sont informées par leur caisse
primaire d’assurance maladie ou leur caisse d’allocations familiales,
elles ne connaissent pas – et pour les aider à préparer leur reprise
d’emploi, au terme de leur congé de maternité. Cet accueil sera
également proposé aux artistes et aux techniciens à l’issue d’un congé
de longue maladie ou lié à un accident du travail.

Par ce dispositif, c’est bien la notion de parcours professionnel qui est
prise en compte, et, par les effets conjugués des annexes, du Fonds de
professionnalisation et de solidarité et des dispositions des conventions
collectives, l’objectif est bien de proposer aux artistes et aux techniciens
une sécurisation de leur parcours professionnel.

Vous me permettrez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Députés, en terminant, de souligner que cette préoccupation de l’emploi,
de la qualité de l’emploi, est une ligne de force de l’action de mon
ministère, et pas seulement dans le spectacle.

Grâce aux budgets que vous avez votés pour mon département
ministériel, j’ai pu mettre fin à des situations d’emploi indignes d’une
administration publique, qui doit s’efforcer de donner l’exemple en
matière de qualité de l’emploi, de dialogue social et de lutte contre la
précarité :

– j’ai engagé, à cette rentrée, la contractualisation des enseignants
vacataires des écoles d’architecture, projet qui était en souffrance
depuis plus de 20 ans ;

– j’ai entrepris un plan de repyramidage de la filière d’accueil et de
surveillance, afin que soit rendue possible la valorisation de notre
patrimoine muséographique et monumental ; cela faisait plus de 25 ans
que de nombreux agents n’avaient aucune perspective d’évolution ;

– j’ai décidé de placer sur contrat à durée indéterminée 350
archéologues de l’Institut national de recherche en archéologie
préventive, qui enchaînaient les contrats à durée déterminée dans des
conditions de régularité incertaine ;

– j’ai organisé, grâce à une politique de recrutement et de formation, le
renouvellement des compétences dans les métiers d’art, qui recouvrent
des spécialités rares, qu’il est essentiel de préserver pour notre
patrimoine ;

– dans le spectacle, des projets de textes, de niveau législatif ou
réglementaire, sont en cours de finalisation :

• pour encadrer et encourager les pratiques amateurs, dans des
conditions qui ne fassent pas concurrence aux professionnels,

• pour permettre aux artistes et aux techniciens qui exercent en
dehors du secteur du spectacle de bénéficier d’une couverture
conventionnelle,

• pour mieux définir les conditions de délivrance des licences
d’entrepreneurs de spectacles,

• pour lier davantage subventions publiques et conditions d’emploi,

• pour renforcer les contrôles et leurs conséquences vis à vis des
employeurs ;

– j’ai engagé avec le concours de l’Agence nationale pour
l’amélioration des conditions de travail (ANACT), dans trois régions, une
démarche expérimentale de consolidation de l’emploi dans les
différentes structures du spectacle vivant et enregistré,

– j’ai invité les employeurs de l’audiovisuel public à constituer un
observatoire de l’emploi dans l’audiovisuel public et à élaborer un guide
des bonnes pratiques en matière de recours à l’intermittence : ils ont
confié ces missions à l’Association des employeurs du service public de
l’audiovisuel (AESPA).

Il ne s’agit pas, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Députés, d’une politique conjoncturelle, liée à « la crise des
intermittents » ; il s’agit d’un mouvement de fond, durable, qui traduit la
prise de conscience, par le Ministère de la culture et de la
communication, de la responsabilité éminente qui lui incombe en
matière d’emploi, avec le concours et le soutien actif des autres
départements ministériels que je voudrais remercier devant vous,
chargés de l’Emploi, certes, mais aussi de la Fonction publique et du
Budget, sous l’autorité du Premier Ministre.

Pour cet enjeu, pour cette transformation, je sais pouvoir compter sur
tout votre appui – et je voudrais très profondément, très sincèrement,
très chaleureusement, vous en remercier.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à David Puttnam

12 décembre 2006

Cher David Puttnam,

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourd’hui, pour honorer
en vous un véritable visionnaire, un producteur de grand talent, passionné,
engagé, audacieux. Oui, la passion, l’engagement et l’audace sont les
maîtres mots de votre carrière dans le cinéma, une carrière jalonnée de
magnifiques succès, une carrière que vous avez passée à défendre, sans
relâche, le cinéma britannique, aux côtés de réalisateurs prestigieux, qui
nous ont livré parmi les plus beaux chefs-d’oeuvre du septième art.

Cette très belle carrière, vous l’avez commencée dans l’image, dans la
publicité tout d’abord, puis dans la photographie, notamment aux côtés du
célèbre photographe David Bailey. Curieux, ouvert et avide de nouvelles
découvertes, chaque succès vous a poussé à conquérir de nouveaux
horizons. Et c’est assez vite que vous avez rejoint le secteur
particulièrement périlleux mais ô combien passionnant de la production
cinématographique.

Votre premier film en tant que producteur fut un moyen métrage de David
Mingay, Peacemaking 1919, en 1971. La même année, vous produisez
votre premier long métrage, Melody de Waris Hussein, un réalisateur dont
la carrière s’est ensuite poursuivie avec succès, notamment à la télévision.

Il fut le premier d’une longue liste de cinéastes qui, grâce à votre talent, à
votre courage, à votre intuition, ont pu réaliser leur rêve de cinéma. Vous
avez en effet produit beaucoup de premières oeuvres, soucieux de donner
leur chance à de nouveaux talents prometteurs.

Cette intuition, ce discernement, vous ont en effet permis très tôt non pas
de parier, mais de croire en des réalisateurs aujourd’hui cultes, et
d’apporter ainsi votre soutien à des oeuvres grandioses, qui ont connu
d’immenses succès dans votre pays, mais aussi en France et dans le
monde entier : Les duellistes de Ridley Scott en 1977, Midnight Express
d’Alan Parker en 1978, avec 6 millions d’entrées dans les salles
françaises, Les chariots de feu de Hugh Hudson en 1981, La déchirure en
1984, puis Mission en 1986, de Roland Joffé. Autant d’oeuvres magistrales
qui ont remporté les plus grandes récompenses internationales et
profondément marqué l’histoire du cinéma contemporain.

Grâce à vous, la création britannique a connu un véritable nouveau souffle,
et puisé dans des sujets souvent sensibles, l’inspiration d’un cinéma
engagé, militant, humaniste.

Permettez-moi d’avoir une tendresse particulière pour le film de Bill
Forsyth que vous avez produit en 1983, Local Hero, avec notamment
Burt Lancaster. C’est un film d’une grande sobriété, sur les rapports que
nouent les habitants d’un petit village d’Ecosse et des représentants
d’une multinationale américaine qui veulent y implanter un complexe
pétrolier, mais c’est aussi une fable d’une efficacité redoutable sur les
liens complexes qui unissent l’Europe et les États-Unis.

Il est vrai que vous avez éprouvé la complexité de ces liens, de manière
très personnelle, lorsque vous avez quitté votre Grande-Bretagne natale
pour devenir Président-Directeur général des films Columbia et vice-président
exécutif de Columbia Pictures Industries à Los Angeles, de
1986 à 1988.

Pour donner une idée de la rapidité des bouleversements qui ont touché
l’industrie du film, et de la faculté d’oubli des acteurs de ce secteur, vous
aimez raconter cette anecdote, du comédien Jack Benny. Un jour, alors
qu’il passait devant les Studios Warner Bros, celui-ci dit au gardien, à
l’entrée : « Vous savez, j’ai fait un film ici, qui s’appelait The Horn blows
at midnignt. Vous l’avez vu ? » Le gardien lui répondit : « Comment ça
« vu » ? Je l’ai produit ! »

Et si vous avez, vous aussi, mis un terme à vos activités dans la
production, vous pouvez être certain que la longue liste des chefsd’oeuvre
que l’on vous doit restera, pour toujours, dans toutes les
mémoires.

L’engagement qui était le fil rouge des oeuvres que vous avez produites,
vous l’avez mis en pratique en rejoignant, en 1997, la Chambre des
Lords, pour le Labour. Vous avez également mis votre passion et votre
enthousiasme au service de la transmission et de l’éducation, en veillant
à la formation des jeunes talents du cinéma et de la télévision, en tant
que président de la National Film and Television School, où vous avez
eu la chance de compter parmi vos élèves Nick Park, le créateur des
désopilants Wallace et Gromit.

Vous avez ensuite présidé l’Université de Sunderland, dans le comté de
Tyne and Wear, au Nord-Est de l’Angleterre, pendant dix ans, et vous
venez de devenir Président de l’une des plus grandes universités au
monde, l’Open University, basée à Milton Keynes dans le
Buckinghamshire, mais qui compte des étudiants dans le monde entier,
grâce notamment à l’Internet.

Oui, vous êtes un homme engagé, et votre sincérité, votre générosité
vous ont valu d’être nommé président de l’UNICEF britannique en 2002.
Je suis très heureux d’honorer aujourd’hui en vous un producteur de
grand talent, un découvreur de génie, un passeur précieux d’art et de
savoir auprès de toutes les générations amoureuses de cinéma et de
culture, mais surtout un authentique humaniste.

David Puttnam, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Claude Nobs

12 décembre 2006

Cher Claude Nobs,

Je suis très heureux de vous honorer aujourd’hui, vous qui êtes une
mémoire vivante du jazz, une figure tutélaire de ce mouvement musical
envoûtant, mouvant et protéiforme, que vous avez largement contribué à
faire connaître et aimer en Suisse et en France, en Europe et dans le
monde entier, grâce au Festival que vous avez fondé, à Montreux. Avec
vous, cette ville magnifique, qui voit plonger les montagnes dans le Lac
Léman, résonne tous les ans des sons et des rythmes des plus grands
artistes, et rayonne aujourd’hui comme la capitale internationale du jazz.

Votre passion pour cette musique est précoce, aiguisée par les 78 tours
que votre père vous laisse écouter, juger, classer et aimer. Mais, pendant
votre enfance et votre adolescence, le jazz se dispute encore vos faveurs
avec cet autre art savoureux des couleurs et des volutes qu’est l’art
culinaire. Vous préférez alors la toque blanche aux notes bleues, et, après
un bref passage par le buffet de la gare de Spiez, vous poursuivez votre
apprentissage au prestigieux Hôtel Schweizerhof de Bâle, pour devenir un
grand cuisinier.

Mais le patron de l’Office de tourisme de Montreux vous invite à oeuvrer
pour le rayonnement de cette ville et de cette région que vous adorez, et
vous vous lancez alors dans le tourisme. Vous sillonnez l’Europe pour en
faire la promotion, avec, toujours, dans les oreilles et dans le coeur, les
musiques de vos idoles, Django Reinhardt, Duke Ellington, Ray Charles et
Aretha Franklin. A l’Association des jeunes de Montreux, dont vous êtes un
fondateur, vous organisez des « petits » concerts et rêvez à un « grand »
Festival.

Dépêché à New York par l’Office de tourisme, vous décidez de frapper à la
porte de votre label favori, l’une des plus grandes compagnies de disques,
Atlantic Records. Après avoir été reçu par le Directeur, Nesuhi Ertegun,
vous croisez Roberta Flack dans les couloirs, et vous l’invitez à la Rose
d’Or de Montreux. Elle sera la première d’une longue liste de monstres
sacrés du jazz, que vous ferez venir pour la première fois en Europe. La
deuxième n’est autre qu’Aretha Franklin.

La suite, nous la connaissons tous. Vous fondez le Festival de jazz de
Montreux, et vous vous payez le luxe, pour sa première édition, d’inviter
des artistes aussi mythiques que Charles Lloyd ou Keith Jarrett. Vous
jetez un pont entre l’Europe et les Etats-Unis, un pont d’amitié solide et
durable, autour de la passion du jazz, de cette musique par essence
festive, conviviale, envoûtante, de cette musique qui rassemble, qui
libère et qui emporte.

Ces liens se resserrent encore en 1973, date à laquelle Nesuhi Ertegun
vous nomme Directeur de Warner, Elektra et Atlantic pour la Suisse.

Atlantic produit alors des artistes qui viennent jouer à Montreux pendant
l’été.

Dans les années quatre-vingt-dix, vous partagez la direction du Festival
avec Quincy Jones. Votre manifestation, que vous avez
progressivement ouvert à de nombreux genres musicaux, attire un
public de plus en plus nombreux, et en 2004, vous accueillez 200 000
spectateurs.

Aux côtés des jeunes artistes qui y trouvent tous les ans une vitrine
d’exception pour révéler leur talent, tous les « grands » sont passés à
Montreux ou y sont même revenus régulièrement, Ray Charles, Charles
Mingus, Miles Davis, Sonny Rollins et Deep Purple, mais aussi Bob
Dylan, Ella Fitzgerald, Frank Zappa, Leonard Cohen, Johnny Cash,
Joao Gilberto, les Pretenders, Stéphane Eicher, ou encore l’Orchestre
national de Lille. Oui, avec vous, Montreux ouvre les bras aux génies du
jazz, du rap, de la musique brésilienne, du reggae, du flamenco, et de la
belle et grande diversité qui fait la richesse des musiques du monde
entier.

En fondant le Festival de Montreux, vous avez réalisé un véritable
miracle, que vous perpétuez tous les ans, offrant à un public toujours
plus nombreux le meilleur de la scène musicale internationale, un
hymne éclectique à la diversité de notre monde, un véritable creuset des
cultures et des identités, dont vous tirez, alchimiste que vous êtes, des
moments précieux et uniques.

Claude Nobs, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Cérémonie de remise des prix aux lauréats 2006 de l' Académie internationale d'architecture

12 décembre 2006

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux devous accueillir aujourdhui rue de Valois pour la cérémonie de remisedes prix aux lauréats de lAcadémie internationale darchitecture.

Vous venez de rappeler, Monsieur le Président, le rôle éminent de lAcadémie internationale dArchitecture, dont nous célébrons le vingtième anniversaire cette année. Cette organisation non gouvernementalere connue par les Nations Unies, présidée par larchitecte bulgare Georgi Stoilov et qui compte 70 Académiciens élus et 60 professeurs, seréunit en Assemblée générale tous les trois ans, lors dun Congrès(Interarch), à Sofia. Cette réunion est loccasion dorganiser séminaires, expositions, conférences et concours darchitectes auxquel sont participé, cette année, environ 150 architectes du monde entier.

Grand Prix de Rome, membre de cette  Académie internationale darchitecture,architecte, délégué aux relations internationales de lAcadémie dArchitecture de France, vous êtes, Monsieur le Président, parvenu àsusciter des candidatures darchitectes français, membres de lAcadémie dArchitecture de France, lors du dernier Congrès (Interarch 2006).Tous ont été récompensés par des diplômes dhonneur, et cinq dentreeux ont reçu une distinction supplémentaire, que je suis très heureuxet très fier de leur remettre aujourdhui.

Mais auparavant,et sans trop prolonger votre attente, je tiens à vous dire quelques mots de la place de larchitecture et du rôle essentiel des architectes dans la France daujourdhui, car cest bien lamour de cet art qui nous rassemble ici ce matin.

Vous savez en effet que je suistrès sensible à mes responsabilités dans le domaine de larchitectureet du patrimoine, parce quil sagit, non seulement de lidentité, de lhistoire et de la mémoire de notre pays, dans sa diversité, maisaussi du cadre de vie des Français et de lharmonie des paysages quenous lèguerons aux générations futures.

Comme le montrentavec éclat les réalisations qui vous ont valu les prestigieuses distinctions que je vais vous remettre dans un instant, les pratiques daménagement de nos villes doivent sinscrire dans une perspective de développement durable, cest-à-dire avec le souci constant des conséquences de nos choix daujourdhui pour demain.

Cest pourquoi larchitecture concerne tous les Français. Car lévolution de nos espaces de vie doit être maîtrisée, dans le respect de notre patrimoine architectural, urbain et paysager exceptionnel, en laissant toute sa place à la créativité et à linvention qui font la force des architectes français dans le monde entier, et là encore, vous nous en apportez  toutes et tous la preuve éclatante. Le palmarès de lAcadémie Internationale dArchitecture est une reconnaissance supplémentaire du rayonnement que vous incarnez, de larchitecture française en Europe et dans le monde. Parce quelle est lune des manifestations les plus vivantes de la diversité culturelle, jattache la plus grande importance à rendre hommage, aujourdhui comme dans chacun de mes déplacements à létranger, aux talents des architectes français. Parce que je suis le ministre en charge de la formation des futurs architectes, jattache la plus grande importance au développement des jeunes talents pour lesquels vous êtes des exemples.

Parce que larchitecture fait partie de la culture, la culture delarchitecture doit être largement diffusée auprès de nos concitoyenset cest lun des axes forts de mon action, au service des architectes,dans ce domaine.

Je vais maintenant remplir mon officeauprès de la lauréate et des lauréats, qui expriment et illustrent brillamment la vitalité, la créativité, le sens du présent et la conscience de lavenir de larchitecture française daujourdhui.

Ont reçu les diplômes dhonneur :

– Jean-Marie Duthilleul, pour le Quartier daffaires et pôle déchanges de Xizhimen [sidjeumenne] à Pékin ;

– Patrice Novarina, pour lEcole La Cigogne à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine ;

– Bernard Reichen, pour Zhenru [djennjou], la nouvelle identité du second centre de Shanghai ;

– Jean-Marie Valentin, pour lInstitut de cardiologie & Fondation Adicare, CHU de la Pitié-Salpétrière à Paris ;

– Jean-Paul Viguier, pour lHôtel Sofitel à Chicago ;

– Thierry Van de Wyngaert, pour la Bibliothèque Chevreul à Lyon.

Ont reçu les diplômes dhonneur et distinctions suivants :

-Françoise-Hélène Jourda, Diplôme dHonneur Spécial, pour son projet decentre de formation dHerne-Sodingen en Rhénanie du Nord-Westphalie, enAllemagne ;

– Guy Autran, Prix spécial de la Maison dEdition Atlas Style, pour le lycée professionnel Kyoto à Poitiers ;

-Pierre Rousse, Prix spécial de lUnion des Architectes du Kazakhstan,pour son Université pluridisciplinaire de lArtois, Campus dArras ;

-Anthony Béchu (et Tom Sheehan), Prix du Ministre de la Planification Urbaine de Bulgarie, pour lAcadémie de formation des dirigeants dePudong, près de Shanghai (équivalent " hybride " de lENA et delINSEAD en Chine).

Enfin, avant de remettre le Grand Prix du Globe de Cristal, je tiens à décerner, en quelque sorte, une "mention spéciale " à Franck Hammoutène, Lauréat du Grand Prix duMinistre de la Culture et de la Communication de la République française, pour lEglise Notre-Dame de Pentecôte à Paris.

Cher Franck Hammoutène,

Vous êtes architecte et urbaniste, membre de lAcadémie darchitecture, Membre de lUnion Franco-Britannique des Architectes.

Nous célébrons aujourdhui les vingt ans de lAcadémie internationale dArchitecture et il y a vingt ans déjà, vous receviez de vos pairs de prestigieuses distinctions, le Prix de la première œuvre et le Prix AMO Architecture et Lieux de travail. Et cette année aussi, après de nombreux autres prix, vous recevrez au moins deux distinctions prestigieuses : celle que jai lhonneur de vous remettre aujourdhuiet le Prix de léquerre dargent, que je vous remettrai bientôt.

Au cœur de la Défense, toute proche de la Grande Arche, vous avez conçu et construit lEglise Notre-Dame de Pentecôte, consacrée en 2001, sur un site exceptionnel, où se croisent la voûte blanche du CNIT, les méandres des carrefours automobiles, la statique noire des tours. A lafois lieu de solitude et lieu de communion, Notre-Dame de Pentecôte estcomme suspendue au-dessus du vide, surplombant les voies rapides. Les trois parties du programme sy organisent verticalement : chambre haute- parvis daccueil et de rencontre – salles de réunions. La forme de larchitecture est issue dune série de plans successifs qui protègent sans enfermer, dessinent les espaces intérieurs, en créant des variations déchelle et de lumières qui accompagnent et effacent à lafois le monde extérieur.

Franck Hammoutène, je vous décerne le Grand Prix du Ministre de la Culture et de la Communication.

Cher Paul Andreu,

Je suis très honoré de vous remettre aujourdhui, pour lensemble de votre œuvre, au nom de lAcadémie internationale dArchitecture, sa plus haute distinction triennale, le Grand Prix du Globe de Cristal. Poursituer le niveau de cette distinction, il me suffit de rappeler quevous succédez à Oscar Niemeyer, lauréat du congrès 2003.

Diplômé de lEcole Polytechnique (1958), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées (1963), vous êtes architecte DPLG en 1968.

Vous avez reçu de très nombreuses et très prestigieuses distinctions dans lemonde entier, parmi lesquelles je ne citerai que le Grand Prix national darchitecture, dès 1977.

Dès le début de votre carrière,vous avez rejoint la société Aéroports de Paris, dont vous devenez architecte en chef et Directeur des projets (en 1974) puis Directeur de larchitecture et de lingénierie (en 1979). Parmi vos principales réalisations figurent les aéroports de Roissy et sa gare TGV-RER, les aéroports dAbu Dhabi, de Djakarta, du Caire, de Dar-Es-Salaam, de Bruneï, de Kansaï dans la baie dOsaka, de Nice, de Bordeaux, dePointe-à-Pitre, la Grande Arche de la Défense, ainsi que le terminal français du tunnel sous la Manche.

Se confronter à la modernité, répondre à des programmations complexes, planifier des infrastructures en portant une attention particulière aux cultures locales, réaliser des ouvrages fonctionnels de pierre, de verre et de béton avec une technique mathématique et physique universelle, tel est,Paul Andreu, votre grand défi. Si vous confiez aux éléments le soin deparachever vos bâtiments, en permettant à la lumière de délimiter lespace et de modifier la matière, vous seul réglez les détails de la construction avec rigueur et vérité, tout en privilégiant lharmonie de louvrage dans lenvironnement et le paysage.

De conférences en jurys de concours, dassociations en commissions, vous vous investissez constamment dans le débat architectural international, etvos travaux ont fait lobjet des plus importantes publications mondiales.

Depuis janvier 2003, vous avez fondé votre propre agence darchitecture à Paris. Une aventure qui vous permet dinscrire votre travail dans une nouvelle perspective. Vous avez achevé le Centredes Arts Orientaux à Shanghai, qui a été inauguré à la fin de lannée2004. Vous poursuivez des projets magnifiques, immenses, en cours deréalisation, tel le Grand Théâtre national de Pékin, que jai visité àvos côtés lan dernier. Et je compte bien assister lan prochain à linauguration de ce monument unique, au cœur de lune des cités lesplus mythiques, non pas une cité interdite, mais une cité ouverte à la diversité des expressions artistiques et culturelles. A la fois opéra,salle de concerts et de spectacles vivants, haut lieu de création et deculture, de patrimoine et de modernité, ce projet unique est conçucomme une véritable "ville de théâtres", une île transparente sur unplan deau artificiel, entouré dun nouveau parc urbain.

Paul Andreu, pour lensemble de votre œuvre, je suis heureux de vousdécerner le Grand Prix du Globe de Cristal de lAcadémie internationale dArchitecture.

RDDV invité de GRAND 8 sur DIRECT 8

12 décembre 2006

VALERIE TRIERWEILER : Bonsoir, Dominique. Ce soir, nous recevons le ministre de la Culture, Renaud DONNEDIEU de VABRES…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et de la Communication.

VALERIE TRIERWEILER : Et de la Communication. Bonsoir, Monsieur le Ministre.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Bonsoir.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce que tout le monde sait qu’on vous appelle RDDV ? C’est comme ça qu’on vous appelle dans la vie courante ?


RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, ce n’est pas comme ça qu’on m’appelle dans la vie courante. Mais j’ai été, en son temps, un internaute passionné, donc lorsque j’étais parlementaire, j’avais mon propre site Internet sur lequel j’essayais de communiquer, de m’exprimer, de transmettre un certain nombre d’idées. Il s’appelle d’ailleurs, parce qu’il s’appelle toujours RDDV.COM. Voilà, c’est une abréviation, parce que DONNEDIEU de VABRES, c’est un peu long, donc je me suis dit que c’est un bon moyen d’avoir le maximum d’internautes possibles.

VALERIE TRIERWEILER : Je le disais, vous êtes ministre de la Culture, vous le disiez, vous êtes aussi ministre de la Communication, mais pendant un an vous êtes resté surtout le ministre des intermittents. Ca a été une crise difficile, on ne va peut-être pas y revenir ce soir, vous avez su la surmonter avant d’en essuyer une autre qui a été celle du téléchargement, des droits d’auteur sur Internet, cette crise est passée aussi. Mais rappelons que vous êtes aussi un spécialiste des questions de défense et d’international, on le sait moins, on en parlera un petit peu. Vous nous expliquerez aussi en quoi la culture sera présente dans le débat de cette campagne présidentielle. Nous aimerions savoir aussi quel sera le bilan des mandats de Jacques CHIRAC en matière culturelle. Mais avant ça, on va quand même parler de tous ces sujets qui nous préoccupent, la présidentielle, la droite. Comme beaucoup de ministres, vous venez de rallier Nicolas SARKOZY, est-ce que ça veut dire, RDDV, que vous ne croyez plus à aucune autre candidature à droite ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’abord, je n’aime pas le terme de ralliement. On est dans une phase encore d’action…

VALERIE TRIERWEILER : C’est quand même ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Moi, je vais dire les choses très clairement. J’ai la chance et l’honneur d’être ministre de la Culture et de la Communication et d’avoir devant moi un certain nombre d’étapes que je veux avoir terminées et réussies avant les élections présidentielles. Donc, dire que je suis très engagé dans l’action gouvernementale n’est pas éluder votre question. Jusqu’à la dernière seconde où j’aurai l’honneur et la chance d’être ministre de la Culture et de la Communication, j’essayerai de faire aboutir un certain nombre de réformes et de projets. Par contre, je suis aussi un homme politique, j’ai moi-même la perspective de ma réélection aux élections législatives, qui suivront les présidentielles, à Tours, je m’engagerai fortement dans la campagne présidentielle. Pourquoi ? Parce que je pense nécessaire d’apporter ce qui est mon tempérament, ma manière de voir la vie politique, ma manière de m’engager, d’être un homme de terrain, d’essayer de correspondre, si vous voulez, aussi à l’arc-en-ciel de la société française. C’est-à-dire que je pense que…

VALERIE TRIERWEILER : Justement, je vous ai posé une question, vous n’y avez pas répondu. En fait, maintenant, votre candidat, c’est Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : On a choisi une procédure qui est très simple, le 14 janvier, notre famille politique, ma famille politique, que j’ai contribué à créer, va s’engager pour soutenir un candidat. Aujourd’hui, le seul qui se soit déclaré, c’est Nicolas SARKOZY. Avant l’été, j’ai annoncé que je m’engagerai à son côté pour cette campagne. Disant cela, je veux mettre en exergue une personnalité politique qui est pour moi absolument essentielle à la victoire présidentielle et qui doit s’exprimer librement, c’est le président de la République. Il n’y aura pas de victoire pour la majorité présidentielle au printemps prochain si nous ne réussissons pas une synergie, une addition des tempéraments pour faire en sorte que ceux qui sont les figures les plus emblématiques de la vie politique de notre pays s’engagent positivement. Donc, je souhaite que lorsque le président de la République aura annoncé sa décision et qu’il se prononcera sur les prochaines échéances, que tout cela crée une dynamique positive. Il n’y aura pas de victoire s’il n’y a pas un respect entre chacune et chacun et si on n’est pas dans l’état d’esprit d’additionner les talents et les énergies, à commencer par le président de la République.

VALERIE TRIERWEILER : Mais franchement, vous y croyez à une candidature de Jacques CHIRAC ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, ce n’est pas à moi de m’exprimer à sa place. Je crois en tout cas une chose très nécessaire…

VALERIE TRIERWEILER : Non, est-ce que vous y croyez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je pense une chose très nécessaire, c’est qu’il s’exprime et qu’il joue un rôle politique majeur dans la prochaine campagne présidentielle. Il a à son actif, notamment dans le domaine international, mais pas uniquement, dans le domaine international, une capacité internationalement reconnue. Moi, quand j’ai la chance de l’accompagner dans certains déplacements, j’étais récemment en Chine ou en Arménie ou en Italie avec lui, c’est très impressionnant de voir dans les entretiens qui sont, comme ça, bilatéraux, de voir l’écoute d’un certain nombre de chefs d’Etat étrangers vis-à-vis de lui. Donc, son engagement vis-à-vis des problèmes très concrets, je pense aux questions d’environnement, par exemple, ou les questions de développement, d’égalité entre les citoyens du monde, la diversité culturelle – qui est mon sujet, je pense qu’on en reparlera – ce sont des thèmes majeurs. On ne va pas se faire piquer ces thèmes par la gauche. Ces thèmes-là, cette vision du monde, c’est la nôtre…

VALERIE TRIERWEILER : Vous voulez dire qu’elle n’intéresse pas Nicolas SARKOZY…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Quand on voit la manière dont Ségolène ROYAL se comporte à l’étranger, je peux vous dire que ça me conforte dans ce souci de faire en sorte que le président joue un grand rôle.

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, quand Nicolas SARKOZY dit, lors du premier forum de l’union : “ Je ne m’inscris pas dans la continuité. ” Et que face à lui, il n’y a personne qui défende la continuité au sein de l’UMP, on a tous vu ça. Est-ce que vous n’êtes pas un peu surpris par rapport à ce que vous venez de dire précisément ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : A la page trois ou quatre du projet de l’UMP, auquel nous avons les uns et les autres travaillé, il y a, je crois, un élément d’alchimie très positive, c’est de dire qu’on a un bilan, qu’on a travaillé et qu’il faut créer et incarner une dynamique nouvelle. Donc, c’est l’un plus l’autre. Je pense que Nicolas SARKOZY, qui aura été pendant cinq ans un très grand ministre de ce gouvernement, bénéficiera de ce que les uns et les autres, on va apporter dans notre escarcelle comme bilan…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non, non, non, il revendique ce qu’il a fait comme ministre…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Relisez, relisez…

DOMINIQUE SOUCHIER : Il ne revendique pas ce qui n’a pas été fait…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’espère qu’il revendique et qu’il aura dans son escarcelle l’aspect positif de ce qu’on aura fait, par exemple, au ministère de la Culture.

VALERIE TRIERWEILER : Le projet législatif est distinct du projet présidentiel qu’il finira par nous faire connaître…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, attendez, comment vous dire ? Là aussi, il faut, bien sûr, dans une campagne présidentielle, incarner une dynamique et il ne faut pas s’asseoir sur des lauriers et se rétrécir et considérer que c’est gagné d’avance. Donc, c’est l’un plus l’autre là aussi. C’est-à-dire que c’est les actions engagées et le jugement que les Français porteront sur ce qu’on a fait, sans autosatisfaction, l’autosatisfaction, ça conduit toujours aux catastrophes, regardez ce qui s’était passé pour Lionel JOSPIN, au terme de sa période d’action gouvernementale, il avait dit aux Français…

DOMINIQUE SOUCHIER : On ne gagne pas sur un bilan, c’est sûr.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il avait dit tout est réglé. Quand on communique trop sur des choses pour lesquelles on a le sentiment de progresser, les gens se disent, mais c’est qui ces gens-là, ils voient qui, ils ne comprennent pas les réalités. Je prends l’exemple du chômage, nous avons la fierté d’avoir contribué, grâce à la création d’activités, d’emplois, à la baisse du chômage. Mais si on fait de l’autosatisfaction sur ce sujet, si on dit trop fortement que c’est réglé, on est complètement décalé par rapport à un certain nombre de familles françaises pour lesquelles ça reste une crainte et un souci. Donc, il faut à la fois travailler à avoir un bon bilan, chacun le reconnaît aujourd’hui et y travaille, en tout cas, c’est notre feuille de route et on n’a pas intérêt à s’en écarter. Deuxièmement, à faire en sorte, deuxièmement, qu’il y ait des propositions audacieuses, novatrices pour créer une belle dynamique. L’un plus l’autre là aussi.

VALERIE TRIERWEILER : Mais est-ce que ça veut dire quand même – puisque vous parlez du bilan de Dominique de VILLEPIN qui n’est pas mauvais en matière de chômage – est-ce que c’est fini ? Est-ce qu’il ne sera plus candidat ? Est-ce qu’il a été question qu’il le soit réellement ? Est-ce que vous le souhaitiez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’ai beaucoup d’admiration pour Dominique de VILLEPIN et ce n’est pas un propos œcuménique, en cherchant à réconcilier l’irréconciliable. Je considère que c’est un homme politique d’immense talent. Le soir du Conseil de sécurité de l’ONU, quand il s’est exprimé de cette manière forte et magnifique, à l’époque, j’étais parlementaire, vice-président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée, j’étais porte-parole de l’UMP, j’étais dans mon petit bureau, dans les toits de l’Assemblée, j’ai regardé, avec un certain nombre de vos confrères, sa déclaration, j’étais fier. Voilà. J’étais vraiment fier. Ensuite, j’ai été amené à m’exprimer. Je pense que c’est un homme d’engagement, c’est un homme de passion. Nous avons tous ensemble défini une règle du jeu, la règle du jeu, elle a été définie il y a un an, à l’Assemblée nationale d’ailleurs également…

VALERIE TRIERWEILER : Vous parlez de la procédure interne…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … C’était le bureau politique, où on avait tous dit, tous, les principaux responsables politiques de l’UMP, que pour les prochaines présidentielles, il y aurait une règle du jeu. La règle du jeu, c’est pluralité de candidatures possibles, pourquoi pas, ce serait tranché et que les militants voteraient pour dire qui ils veulent soutenir. Cette règle – je le précise – ne s’applique pas au président de la République parce qu’on ne veut pas demander à un président de la République de se plier à une logique partisane.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce qu’elle s’applique aussi au Premier ministre, quand on l’entend encore ce matin, chez nos confrères de FRANCE INTER, dire que rien n’est joué, que les sondages ne sont pas l’élection et qu’on verrait en février/mars, c’est-à-dire bien au-delà de la procédure ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, je pense qu’on était tous présents à cette règle qui définit le comportement au sein de l’UMP. Je pense que l’échéance présidentielle est quelque chose de très important pour notre pays. La gauche est en ordre de bataille, nous avons défini une procédure pour qu’on le soit…

DOMINIQUE SOUCHIER : A quel moment, vous vous êtes dit, vous, je m’engage pour Nicolas SARKOZY plutôt que pour Dominique de VILLEPIN, éventuellement ? A quel moment vous vous l’êtes dit ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je me suis exprimé sur ce sujet avant l’été, lorsque Nicolas SARKOZY est venu dans mon département…

DOMINIQUE SOUCHIER : C’est à ce moment-là que vous l’avez choisi, c’est à ce moment-là que vous l’avez décidé…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Je lui ai indiqué que je m’engagerai dans la campagne présidentielle. Mais ma feuille de route aujourd’hui n’est pas encore la campagne présidentielle, elle le sera à un moment. J’insiste là-dessus. Moi, j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail…

VALERIE TRIERWEILER : Elle va venir vite.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais bien sûr, mais c’est pour ça qu’il faut qu’on soit en ordre de marche. C’est pour ça, si vous voulez, on voit bien qu’il y a un grand compétiteur à gauche, une grande compétitrice, Ségolène ROYAL ; nous, il faut qu’on ait à l’esprit ce qui s’est passé en 2002. C’est-à-dire la division et la diversité des candidatures à gauche, ça a fait le jeu du Front national. Je pense que pour la droite républicaine, pour la droite et le centre que nous représentons, nous devons avoir à cœur d’éviter la dispersion parce que la dispersion, ça peut faire le jeu du Front national.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez dit pour la droite et pour le centre, vous qui ne venez pas…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Parce que l’UMP est une grande famille politique dans laquelle il y a des tas de courants…

DOMINIQUE SOUCHIER : Exactement. Vous, vous ne venez pas de la famille gaulliste…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je ne viens pas de la famille gaulliste…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous venez de la famille libérale. Comment vous expliquez que finalement, au sein de l’UMP, le débat, il se fasse entre Nicolas SARKOZY, Dominique de VILLEPIN, Michèle ALLIOT-MARIE et que les sensibilités libérales et centristes semblent totalement éteintes ? Vous êtes d’accord ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Elles ne sont pas du tout éteintes. Attendez, est-ce que vous pensez que… ? Est-ce que, par exemple, vous pensez que Jean-Louis BORLOO, il n’a pas de tempérament ? Est-ce que vous pensez que Thierry BRETON n’a pas de tempérament ? Est-ce que vous pensez que votre serviteur… ?

VALERIE TRIERWEILER : Mais Jean-Louis BORLOO n’exclut pas de se présenter en dehors de l’UMP…

DOMINIQUE SOUCHIER : On ne parle d’aucun de vous trois comme possible candidat à la présidence de la République…

VALERIE TRIERWEILER : Il dit qu’il se plie au calendrier du Parti radical.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis désolé, je pense que vous auriez aimé que je vienne ce soir vous annoncer ma candidature à l’élection présidentielle…

VALERIE TRIERWEILER : Mais on espère bien…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Pour cette échéance, je ne l’ai pas décidé. Voilà. Donc, moi, je vais essayer d’être un ingénieur conseil de la victoire, d’apporter mon talent, j’espère qu’il existe, en tout cas mon énergie à ce combat. Donc, on a des tas de débats internes entre nous, ne croyez pas qu’on soit silencieux entre nous, c’est normal d’ailleurs qu’on puisse débattre.

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU, vous le disiez, vous n’êtes pas tout à fait sur la même ligne politique, comme le constate aussi Dominique SOUCHIER, que Nicolas SARKOZY, est-ce que ça veut dire qu’aujourd’hui, vous vous rangez sans état d’âme, sans rien demander en retour ? Ou est-ce que vous voulez… ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, ça, demander des choses en retour, négocier quoi que ce soit, certainement pas ! Apporter mon tempérament…

VALERIE TRIERWEILER : Je parle des idées…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Voilà, mon tempérament, mes idées, mes convictions, oui, bien sûr, on parle. J’ai participé à la dernière réunion de travail du projet de l’UMP, j’étais heureux de voir que, spontanément, il était question de culture, je n’ai pas eu à attendre, vous savez, généralement, à la fin d’un discours, autrefois, on entendait une belle citation et puis ça valait lieu de politique culturelle. J’ai été très heureux, à Marseille, par exemple, dans le discours qu’il a fait, d’entendre à de très, très nombreuses reprises parler de culture. Ca m’a fait plaisir parce que je pense que c’est stratégique pour l’avenir de notre pays. Deuxièmement, vis-à-vis des jeunes et vis-à-vis du rayonnement et du lien politique qu’on doit créer, c’est absolument essentiel. Donc, bien sûr que j’ai des idées, bien sûr que je les exprime, parfois, elles peuvent être détonantes et, parfois, je me sens tout à fait en phase. Voilà, je n’ai pas de…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais, Monsieur le Ministre, ceux qui soutiennent Dominique de VILLEPIN, qui ne se sont pas, au moins, encore ralliés à Nicolas SARKOZY, qui peut-être ne se rallieront pas du tout à Nicolas SARKOZY, par exemple François GOULARD, par exemple Hervé MARITON, il se trouve qu’ils viennent de la même famille libérale que vous et un de leurs arguments pour expliquer leur choix pour Dominique de VILLEPIN, leur préférence pour Dominique de VILLEPIN, c’est de dire que Dominique de VILLEPIN leur apparaît plus libéral que Nicolas SARKOZY.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais comment vous dire ? Dominique de VILLEPIN, c’est à lui de s’exprimer, c’est à lui de dire…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non, mais est-ce qu’il vous apparaît moins libéral… ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais je ne cherche pas à faire des typologies plus ou moins libérales, ce n’est pas ça qui m’intéresse…

VALERIE TRIERWEILER : Il y a des sensibilités différentes…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il y a des sensibilités, bien sûr, il y a des tempéraments différents. Mais Dominique de VILLEPIN…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais samedi dernier, quand un libéral comme PONIATOWSKI s’est exprimé, Nicolas SARKOZY a clairement dit qu’il n’était pas libéral, lui…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Moi, je ne suis pas un ultralibéral, je suis un républicain humaniste et européen. Je pense que Dominique de VILLEPIN a la liberté de s’exprimer, il fait ses choix. Pour le moment, il a clairement indiqué qu’il était Premier ministre et qu’il voulait se consacrer exclusivement à l’action gouvernementale et à ce travail de proximité qu’il fait vis-à-vis de nos concitoyens. S’il a des projets politiques présidentiels, il a bien sûr le droit de les exprimer. Je ne vois pas pourquoi on interdirait à une personnalité ayant ce talent de se brider. Donc, il peut…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ce n’était pas plus ma question que ce n’était celle de Valérie tout à l’heure…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, ce n’est pas ça. Il peut parfaitement s’exprimer sur ce sujet. Il ne s’est pas exprimé en ces termes. Donc, pour le moment, j’en déduis qu’il n’a pas l’intention, à brève échéance, d’être candidat à l’élection présidentielle et, peut-être, décidera-t-il autre chose. Moi, je trouve que c’est un très bon Premier ministre, il rend régulièrement de très bons arbitrages très favorables au monde de la culture et de la communication. On a fait des projets ensemble qui apparaissent aujourd’hui comme des évidences, dans un premier temps, on nous a beaucoup attaqués. Lorsque, par exemple, à Paris, on a créé “ La force de l’art ”, grand rassemblement d’art contemporain pour tous les artistes qui travaillaient dans notre pays, qu’est-ce qu’on n’a pas entendu dire ? Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu dire ? On vient d’annoncer la deuxième édition, elle apparaît comme évidente. Des projets qui étaient bloqués depuis des lustres…

VALERIE TRIERWEILER : On sait qu’il est très sensible, qu’il est très sensible au monde de la culture.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Je prends l’exemple de l’auditorium de la Villette qui va être construit, de ce qu’on va faire à Boulogne-Billancourt dans l’art contemporain, de la décision qu’il vient de prendre, avec le président de la République, justement pour le Grand Palais, pour créer un établissement public. Bref, il prend d’excellentes décisions. Regardez la feuille de route sur un de vos concurrents, FRANCE 24, le président et le Premier ministre…

VALERIE TRIERWEILER : On en parlera, on parlera de culture dans la deuxième partie de l’émission…

DOMINIQUE SOUCHIER : Nicolas SARKOZY a dit qu’il ne resterait pas ministre jusqu’à l’élection présidentielle. Est-ce que, pour vous, il devrait rester président de l’UMP ou aussi quitter cette fonction-là ? Et si c’est le cas, est-ce que vous le voyez déjà, vous, est-ce que vous vous prononcez déjà pour un successeur ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Animer une campagne présidentielle, la porter, c’est une responsabilité absolument majeure. Nous, les lieutenants, on est certainement très utiles – je dis ça avec un peu d’humour – on n’a aucune importance par rapport à la personne qui est elle-même candidate, qui doit incarner à la fois un certain nombre de projets, d’identité, de principes, de valeurs, correspondre à tout l’équilibre de la société française, à ce que j’appelle l’arc-en-ciel de la société française. Donc, ce sera à lui et à lui seul, en liaison bien sûr avec le Premier ministre et le président de la République, d’apprécier ce qui est opportun concernant le gouvernement. Je n’ai pas de conseil à lui donner. En ce qui concerne le parti, là encore, c’est à lui de choisir le moment où il souhaitera, le cas échéant, s’en détacher. Il y a des tas de cas de figures…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans ce cas-là, vous avez une préférence ou pas de préférence ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  Il y a des tas de cas de figures très différents. Que je sache, de mémoire, il ne me semble pas que François MITTERRAND, lorsqu’il était Premier secrétaire du Parti socialiste, se soit détaché du Parti socialiste au moment de sa candidature. Il me semble, de mémoire, qu’un certain nombre de ministres ou de Premiers ministres sont restés en fonction pendant la campagne électorale. C’est à lui d’apprécier ; en ce qui concerne le gouvernement, il le fera bien sûr avec le Premier ministre et le président ; en ce qui concerne le parti, c’est à lui de décider. Donc, moi, je ne veux pas rentrer dans des campagnes de personnes d’opposition, mais je vais devancer votre question, on a besoin de tout le monde, et vous voulez que je vous dise… Non, non, non… Moi, je vais vous dire la chose suivante, dans les anciens Premiers ministres ou dans les gens qui peuvent exercer ou qui ont exercé des responsabilités éminentes à l’UMP, on a besoin et de Jean-Pierre RAFFARIN et d’Alain JUPPE. Voilà. Si on veut avoir des chances…

VALERIE TRIERWEILER : Ca, c’est un conseil que vous donnez à Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, je ne donne aucun conseil, ce n’est pas ça que je veux dire. Je dis simplement que moi, je veux faire en sorte qu’on soit une dynamique positive de rassemblement. Parce que si on commence à se tirer les pattes, les uns contre les autres, alors, à ce moment-là…

VALERIE TRIERWEILER : Justement, Renaud DONNEDIEU de VABRES, un mot…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous le redoutez, vous le redoutez un peu, vous redoutez que ça arrive…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : De temps en temps, oui, de temps en temps, je constate des déclarations inutiles et suicidaires. Moi, je suis justement pour essayer d’être positif.

VALERIE TRIERWEILER : Un mot justement sur ces forums régionaux, des débats qui devraient ressemblés à ce qui a été fait au PS en mieux. Dominique de VILLEPIN finalement ne veut pas s’y rendre, Michèle ALLIOT-MARIE aujourd’hui se fait prier pour y retourner. Alors, est-ce que ça a un sens ces débats ? Est-ce que ce n’est pas une mascarade ? Est-ce qu’il ne vaudrait mieux pas les annuler ? Est-ce que c’est ça qui va créer une dynamique ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Débattre est toujours une bonne chose. Parce que dans une grande famille politique…

VALERIE TRIERWEILER : Mais s’il n’y a pas de débatteurs, s’il n’y a qu’un intervenant…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il n’y a pas qu’un intervenant, parce qu’il y a des tas de gens qui ont des convictions. Il y avait une certaine forme d’ambiguïté pour savoir si c’était au fond un débat d’idées ou si c’était un débat entre candidats potentiels à l’élection présidentielle. Donc, c’est plus, en fait, visiblement, à entendre les uns et les autres et à constater la diversité – c’est une très bonne chose et je trouve que Jean-Pierre RAFFARIN fait ça avec beaucoup de talent – c’est un débat d’idées. C’est très bien. D’ailleurs, je trouve magnifique, j’allais dire, que Nicolas SARKOZY, la simplicité de dire, oui, voilà, on fait ce débat, je m’y prête, je m’y livre, je l’accepte. Il y a des gens qui ne sont pas directement candidats à l’élection présidentielle et qui jouent le jeu, je trouve ça très bien. Si ceux qui le sont ou qui voudraient l’être veulent s’exprimer, qu’ils le fassent. Là-dessus, en tout cas, c’est très bien que dans une famille politique, il y ait des nuances et de la diversité, c’est le cas…

VALERIE TRIERWEILER : Mais on ne les voit pas…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous ne la voyez pas, vous ne l’entendez pas, la diversité, au sein de l’UMP ?

VALERIE TRIERWEILER : Si, mais assez peu dans ces débats…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais s’il avait fallu un débat sur la rupture et la continuité, il aurait été bien que Dominique de VILLEPIN aille vendredi, là, il y aurait eu un débat, ça aurait été très intéressant.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais on a eu le débat, on l’a animé, ce débat, et vous voyez bien d’ailleurs que dans la rédaction du programme de l’UMP, il y a eu un point d’équilibre qui a été trouvé – je ne connais pas la phrase par cœur, je n’ai pas le programme de l’UMP sous les yeux – mais on a trouvé le bon point…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez trouvé, Nicolas SARKOZY a trouvé l’adjectif tranquille pour ajouter au mot rupture, c’est ça la synthèse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, la phrase n’est pas uniquement celle-là. C’est-à-dire que, si vous voulez, il me semble que la phrase exacte, en fait, c’est celle-là, parce que je la retrouve maintenant de mémoire, c’est “ Rupture par rapport à la pensée unique. ” On est tous d’accord là-dessus ? Non, mais, c’était un geste. Je crois que la morale de l’action de la victoire…

VALERIE TRIERWEILER : C’est que ce n’est pas rupture par rapport au bilan de Jacques CHIRAC…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non. La morale de l’histoire, c’est qu’il faut qu’on fasse des gestes les uns vis-à-vis des autres, et que si on ne se situe pas dans cette spirale de l’addition des énergies et des tempéraments, on aura le sort de la gauche en 2002, c’est-à-dire l’opposition. Ca, je ne le souhaite pas. C’est la raison pour laquelle, vraiment, je voudrais qu’entre nous, on se respecte. Parce que les Français, il y a des sujets sur lesquels ils trouvent que telle ou telle personnalité pense bien, s’exprime avec talent et conviction. Voilà, que chacun occupe sa place !

VALERIE TRIERWEILER : Justement, on voit qu’il y en a qui n’occupent plus leur place parce que la campagne se met en place, les petits candidats se rallient, Christine BOUTIN s’est ralliée à Nicolas SARKOZY, Jean-Pierre CHEVENEMENT à Ségolène ROYAL. Est-ce que vous pensez qu’au bout du compte, le 21 avril est tellement présent qu’il n’y aura plus de place pour les petits candidats ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’abord, je trouve que l’expression de petit candidat en elle-même, si vous voulez, je ne l’utiliserai pas parce que je ne veux pas apparaître blessant vis-à-vis de quiconque. Mais, oui, il doit peser l’esprit de responsabilité sur les candidats à l’élection présidentielle. Parce que la déflagration qui s’est produite pour la gauche en raison de sa division en 2002, la droite doit savoir l’éviter. Parce que sinon, ce serait absolument consternant et dramatique. J’espère que notre souci de l’action, que notre humilité, que notre détermination et que la qualité d’un projet devraient convaincre nos concitoyens de ne pas faire l’erreur de l’extrême droite. On n’a pas besoin de nous interpeller fortement pour savoir et comprendre qu’on a encore beaucoup de choses à faire. Sur les questions même de sécurité, sur les questions de civilité, on est loin du compte, on a encore beaucoup de travail. Ce n’est pas négliger l’excellent bilan de Nicolas SARKOZY, de Dominique de VILLEPIN, des gardes des Sceaux et des ministres des Affaires sociales que de dire cela. C’est parler de la réalité. Moi, dans ma ville, à Tours, je peux vous dire que dans un certain nombre d’immeubles, dans un certain nombre de quartiers, il y a encore beaucoup de violences, beaucoup d’insécurité ou ce qui n’est pas du domaine de l’insécurité et de la délinquance, mais qui est des rapports durs et violents d’habitation à l’intérieur de certains immeubles. Donc, on a encore beaucoup de travail, on en a conscience, donc on n’a pas besoin de nous secouer pour nous le faire comprendre.

DOMINIQUE SOUCHIER : … Nicolas HULOT pour vous rappeler votre bilan en matière d’environnement, par exemple…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais c’est toujours très bien qu’il y ait des gens qui soient passionnés. Moi, j’aime bien les gens passionnés. Mais, je ne me sens pas déclaré. D’ailleurs, ce que nous exprime très régulièrement le président de la République sur cette question, la question de l’environnement, la question du développement, ce sont des thèmes prioritaires sur lesquels nous agissons et sur lesquels il faut toujours faire mieux. Parce que, effectivement, il y a des défis qui sont planétaires. Donc, on a toujours besoin d’entendre et d’écouter, surtout des gens qui ont du talent et de la patience.

VALERIE TRIERWEILER : Mais est-ce qu’on a besoin qu’ils soient candidats ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ca, c’est parfois difficile effectivement parce que l’éparpillement, vous savez, il y a une règle du jeu dans l’élection présidentielle, elle est fixée par la loi électorale, ce sont les deux candidats arrivés en tête qui sont les compétiteurs du deuxième tour. Donc, si on ne fait pas attention, il y a un risque évidemment qu’au deuxième tour, l’un des protagonistes soit l’extrême droite. Ce qu’aucun républicain ou démocrate ne peut souhaiter. Donc, il faut qu’on fasse extraordinairement attention…

VALERIE TRIERWEILER : Ca veut dire quoi faire attention ? Est-ce qu’il faut signer son Pacte écologique ? Puisque c’est ce qu’il demande pour ne pas être candidat. Est-ce que Nicolas SARKOZY doit le signer ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES  : En tout cas, il faut avoir une discussion attentive et sérieuse avec lui parce que je trouve qu’il s’exprime avec passion. Il y a d’autres personnalités très…

VALERIE TRIERWEILER : La condition qu’il a mise, c’est que les candidats signent le Pacte écologique.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, il y a certainement des discussions, il y a certainement des éléments à reprendre, d’autres à discuter, je ne pense pas que ce soit les yeux fermés. Mais en tout cas sa préoccupation et la volonté qui est la sienne, je la respecte et je trouve que ça doit faire partie de nos nouveaux réflexes, je dis bien réflexe. Donc, ça, on est loin du compte, c’est des contraintes parfois…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans l’hypothèse que vous venez de mentionner et de redouter, où ce serait Jean-Marie LE PEN qui serait présent au deuxième tour, imaginons que ce soit, face à lui, Ségolène ROYAL, évidemment, vous voteriez pour Ségolène ROYAL. Est-ce que ce n’est pas la démonstration que finalement le clivage droite/gauche n’est pas le clivage le plus important de la vie politique ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, ça, bien sûr. Attendez, il y a un moment où la question des valeurs, la question des principes, elle est absolument essentielle, donc il faut s’effacer. Je pense que les électeurs de gauche, de la gauche démocrate et républicaine ont su le faire pour l’élection en 2002 du président Jacques CHIRAC. Donc, c’est bien, ils l’ont fait. On a tous des référents de ce point de vue-là qui ne sont pas glorieux, c’est une question normale, au moment des élections régionales, quand il y a eu ce problème du Front national dans beaucoup de régions françaises, on sait faire, si vous voulez, j’allais dire, les tris démocratiques…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans l’hypothèse, il y a quelqu’un qui dit, François BAYROU qui dit, à force d’entendre tous les matins Ségolène ROYAL, Nicolas SARKOZY, Nicolas SARKOZY, Ségolène ROYAL, à un moment donné, les Français auront envie de voter pour moi. Dans cette hypothèse-là, est-ce que vous, vous refuseriez – imaginons, François BAYROU élu président de la République – est-ce que vous, vous refuseriez de participer à un même gouvernement que des personnalités de gauche ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais la question ne se pose pas en ces termes. Ce n’est pas de la cuisine… Non, non, mais je ne dis pas ça par rapport à vous. Mais les choix politiques, ils doivent se faire de manière claire. Encore une fois, quand il y a une menace extérieure ou une menace qui pèse sur la démocratie, c’est normal que tous les républicains se serrent les coudes et agissent ensemble. Mais c’est normal aussi qu’on s’exprime clairement politiquement. On ne peut pas être à géométrie variable. On ne peut pas avoir des électorats, des électeurs d’un camp et pratiquer ou vouloir la politique de l’autre camp. Ca, ça n’a pas de sens. Donc, il faut dire les choses à l’avance. Cela veut dire qu’il peut y avoir diversité de candidatures, mais une coalition, elle doit être annoncée aux électeurs à l’avance. Ce n’est pas le lendemain de l’élection présidentielle qu’on doit dire si on va gouverner avec la droite ou avec la gauche et en disant que tout ça est équidistant…

VALERIE TRIERWEILER :Il le dit, il dit qu’il gouvernera avec les deux, il le dit dès le début…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’accord, mais la question – comment vous dire – de la perspective gouvernementale de telle ou telle personnalité, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est de dire clairement à nos concitoyens, voilà le projet politique qui est le nôtre et l’annoncer à l’avance.

VALERIE TRIERWEILER : Justement, est-ce que les choses sont si claires que ça entre Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL ? Est-ce que la ligne entre la droite et la gauche, vous la voyez clairement dessinée ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il y a des tas de sujets sur lesquels on la voit très clairement se dessiner, oui, ça, c’est une évidence. Quand je vois le…

VALERIE TRIERWEILER : On voit aussi qu’ils ont un certain nombre de propositions communes, la suppression de la carte scolaire, des camps un peu renforcés pour les jeunes délinquants…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Dans le domaine économique et social, que je sache, je n’ai pas entendu Ségolène ROYAL dire qu’elle allait renoncer à une application rigide et brutale des 35 heures. Elle veut même, au contraire, aggraver les choses. Elle n’a pas encore dit grand chose de toute façon, pour le moment, elle dit tout et le contraire de tout. Pour le moment, c’est : Je veux plaire à tout le monde. Donc, ça aura une limite parce qu’il y a un moment… Pour le moment, la campagne présidentielle n’a pas commencé. Pour le moment, on est dans une période de précampagne où chacun annonce sa candidature. Il y a un moment, et ce n’est pas le cas vraiment aujourd’hui, où les Français vont se dire : Quelle va être l’équipe qui aura la charge de la gestion et du gouvernement du pays ? Ils sont inquiets…

DOMINIQUE SOUCHIER : Là, vous parlez comme parlaient, à un moment donné, lors des primaires du Parti socialiste, Laurent FABIUS et Dominique STRAUSS-KAHN, ils ont vu ce que ça a donné. Ils disaient, le débat n’a pas vraiment commencé, vous verrez, quand il commencera…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, il n’y avait aucune… Moi, je n’ai pas du tout étonné par la désignation de Ségolène ROYAL. Son seul compétiteur, c’était Lionel JOSPIN. A partir du moment où il a pris la décision de ne pas être candidat, il n’a pas su d’ailleurs exprimer aux Français, notamment aux militants du Parti socialiste, pour sa désignation, qu’il avait compris, qu’il avait changé par rapport à 2002, elle avait une voie toute tracée…

VALERIE TRIERWEILER : Une voie royale.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Laurent FABIUS – et c’est bien fait – il a d’une certaine manière eu à solder les comptes de son non-engagement au moment de la Constitution européenne. Le non de Laurent FABIUS au moment de la Constitution européenne, il était vraiment honteux. Parce que, justement, l’Europe, ça appartient en partage à un certain nombre de gouvernements et d’équipes politiques qui ont, chacun, apporté leur pierre. Dominique STRAUSS-KAHN, qui a beaucoup de talent personnel, il s’est mis un peu tardivement dans la perspective d’une candidature à l’élection présidentielle. Donc, moi, je ne suis pas du tout étonné de la désignation de Ségolène ROYAL.

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans les choses gentilles que vous avez dites sur Ségolène ROYAL, vous avez dit notamment une fois que vous lui reconnaissiez la qualité de dégager de la lumière. Ca, c’est une vraie qualité de dire ça d’une personnalité politique, ça revient à dire qu’elle est charismatique, que c’est elle qu’on écoute.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est vrai, je reconnais et je trouve…

DOMINIQUE SOUCHIER : D’où lui vient cette qualité-là que vous lui reconnaissez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  Je trouve, si vous voulez, que ce n’est pas être photogénique, c’est beaucoup plus. Et ça, je le reconnais. Mais…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ce serait machiste de dire ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, mais… On le dit aussi bien d’un candidat, d’un homme ou d’une femme, ce n’est pas le problème. Je considère, si vous voulez, que cette capacité de rayonnement que je lui concède, elle la dénature parce que sur le fond, je considère que c’est quelqu’un de sectaire et que ce n’est pas du tout quelqu’un de tolérant et d’ouvert. Deuxièmement, je considère qu’elle cède à un certain nombre de dérives populistes. Lorsque je me suis exprimé avec sévérité à la suite de ses propos sur les jurys populaires, je persiste et signe. Je crois que dans la période actuelle…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez dit que c’était du “ poujadisme crade ”.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui. Je crois que dans la période actuelle, il faut avoir aussi de temps en temps du courage et de dire, par exemple, que les élus municipaux ou que les élus de la République, quels qu’ils soient, qui travaillent dans leurs communes jusqu’à minuit ou une heure du matin pour traiter les affaires de leurs villes, il faut bien sûr qu’ils soient contrôlés. Parce qu’il faut toujours des contre-pouvoirs. Mais là, dire qu’on va créer des jurys populaires, c’était d’une certaine manière les livrer à la vindicte et en faire des boucs émissaires.

VALERIE TRIERWEILER : Mais, elle récupère…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Parler des 35 heures pour les enseignants, franchement, c’est leur dire quoi ? C’est vouloir leur dire de manière subliminale que c’est des fainéants, donc il faudrait qu’ils travaillent davantage ? Je crois qu’il faut aussi avoir le courage de voir la réalité. La réalité, c’est que dans un certain nombre de collèges et de lycées ou de CFA, il y a beaucoup de violences et qu’ils ont de temps en temps beaucoup de difficultés à assurer leurs cours de manière équilibrée parce qu’ils sont confrontés à beaucoup de défis. Je trouve ça, pour un candidat à l’élection présidentielle, je trouve ça honteux de tenir ce genre de propos, vraiment.

VALERIE TRIERWEILER : Monsieur le Ministre, revenons à notre sujet… Justement, quand on voit le sondage de LIBERATION ce matin…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Voilà, parlons du sondage, oui…

VALERIE TRIERWEILER : …sur les classes populaires puisque tout ça nous même à cette réflexion, elle capte beaucoup des voix de cette classe populaire qui ne votait plus. Est-ce qu’au fond ça n’est pas mieux qu’elle les récupère plutôt que Jean-Marie LE PEN ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je crois que…

VALERIE TRIERWEILER : On voit que SARKOZY a d’ailleurs un train de retard dans cette frange de la population…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non…vous savez, j’ai regardé les entrailles de ce sondage et donc il est très divers parce qu’il y a des tas de rubriques où Nicolas SDARKOZY est jugé très supérieur à Ségolène ROYAL pour mettre en place des réformes…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Oui, oui, les Français disent que c’est plutôt de son côté que sont les projets réalisables mais ils disent aussi que du côté des idées neuves c’est Ségolène ROYAL qui l’emporte, c’est important les idées neuves…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, attendez parce que pour le moment elle a eu le champ libre. Pendant tout l’automne, les projecteurs se sont braqués sur elle parce qu’elle était en pré-campagne, donc vous verrez quand la campagne aura commencé dans notre camp…        

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous-mêmes vous venez de dénoncer les idées neuves, ne dites pas qu’elle n’en a pas…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ce n’est pas des idées neuves, ce sont des propos franchement…vraiment je n’aimerais pas que mon candidat…

VALERIE TRIERWEILER : Elles sont neuves pour le Parti socialiste…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Voilà, je n’aimerais pas que mon candidat il les tienne, voilà, et s’il les tenait je lui dirai que je suis en désaccord parce que franchement je pense que dans l’ère du temps actuel il faut être plus solide que ça et il ne faut pas uniquement surfer sur les vagues. Et vous l’avez constaté, je ne vais pas revenir là-dessus, beaucoup de gens se sont exprimés, mais sur la scène internationale il faut faire preuve de responsabilité et quand on est dans une zone de conflit on ne peut pas plaire à chacun, il faut rappeler la position d’un pays, on peut condamner notre propre position, mais vous ne pouvez pas, parce que sinon c’est un grand écart absolument intenable, tenir les propos qu’elle a tenus vis-à-vis des Iraniens, vis-à-vis des Libanais, vis-à-vis des Israéliens, vis-à-vis des Palestiniens. Il y a un moment où les zigzags sont des erreurs stratégiques et mettent parfois d’ailleurs notre pays dans une situation difficile.   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire interdire le nucléaire civil à l’Iran, pour vous c’est totalement irréalisable, y compris si le pays n’accepte pas les contrôles ?    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais c’est une grave erreur politique parce que tout l’objectif est quoi, pour parvenir à la sécurité internationale et à la paix, c’est de faire en sorte que le plus grand nombre des pays du monde à l’exception de cinq d’entre eux n’aient pas et ne disposent pas de l’arme nucléaire. Et donc il faut faire le tri entre ce qui est l’arme nucléaire, dont le traité de non-prolifération, et le nucléaire comme énergie civile. Voilà, donc c’est très, très, très important.    

VALERIE TRIERWEILER : Mais concrètement, est-ce qu’on peut faire le tri ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, bien sûr, c’est le cœur même de la manière si vous voulez de procéder sur ces sujets c’est plus qu’une erreur ce qu’elle a fait, c’est dangereux pour tout simplement la sécurité internationale.  
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, ce que Nicolas SARKOZY a dit à Ségolène ROYAL sur le Hezbollah, “ il ne suffit pas d’être élu(e) pour être respectable, HITLER a été élu ”. Est-ce que ça ne vaut pas a fortiori pour AHMADINEJAD et le régime iranien, c’est-à-dire dès lors qu’on a face à soi un chef d’Etat qui nie l’Holocauste, est-ce qu’on peut ne pas décider de dire “ on ne discute pas, on n’accepte rien, on ne… ”  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, je suis le premier à condamner avec la plus extrême violence toutes celles et ceux qui sont des racistes, des antisémites, qui veulent s’inspirer de principes nazis, par définition je les condamne avec la plus extrême sévérité, mais là on ne parle pas du tout de la même chose, on parle…    
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Vous confiez quand même le nucléaire civil à ces gens-là, vous dites parce que c’est dans les traités ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, attendez, je confie, attendez…la communauté internationale qui n’est pas lâche a décidé d’une stratégie très rigoureuse avec des sanctions et des contrôles à l’appui pour interdire la prolifération nucléaire en tant qu’arme. Et donc il n’y a que cinq pays aujourd’hui dans le monde qui sont autorisés à disposer de l’arme nucléaire.

DOMINIQUE SOUCHIER : Et il y en a un sixième qui s’est déclaré, je crois…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La communauté internationale définit une stratégie pour éviter justement le recours à l’arme nucléaire d’un certain nombre de pays jugés comme dangereux. Eh bien on ne peut pas au hasard d’une phrase remettre en cause cette stratégie qui est essentielle pour la paix. Maintenant, il faut qu’il y ait des contrôles, il faut que le cas échéant des dispositifs de sanction aient lieu et le seul lieu apte à régler ces questions fondées sur le droit c’est l’ONU. Et donc la position qui est la position de mon pays, qui est d’ailleurs une position qui normalement doit rassembler là pour le coup la gauche et la droite républicaine, c’est la position que je vous définie. Donc je trouve que s’échapper de ce genre de position à des fins de campagne électorale je trouve cela dangereux.  

VALERIE TRIERWEILER : Comment vous avez jugé aussi ses propos sur la Turquie, elle s’est exprimée il y a un mois environ en disant que sa position serait celle des Français. L’Union européenne a mis un coup de frein aux négociations en réduisant le champ des articles négociés. Qu’est-ce qu’il faut craindre aujourd’hui de la Turquie ?    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous savez, moi je crois à l’Europe et je veux la rendre populaire, et pour la rendre populaire il faut convaincre nos concitoyens qu’on peut avec un certain nombre de pays progresser ensemble et il y a forcément des étapes et des paliers. Alors il y a l’étape de l’élargissement tel qu’il fonctionne aujourd’hui à 25 et demain à 27 avec la Roumanie et la Bulgarie. Il faut réussir cette étape et on vient de constater avec le référendum en France que ce n’est pas si facile que cela. Donc il faut faire progresser cette Europe que nous avons décidée de constituer et puis s’en tenir à la procédure d’élargissement ultérieur que nous avons déterminée en vérifiant à chaque fois vis-à-vis de tel ou tel pays qui se porte candidat, c’est le cas de la Turquie, qu’il satisfait aux principes, aux valeurs et aux éléments politiques de l’Union européenne. Il y a des retards constatés dans la démarche que devait suivre la Turquie, c’est la raison pour laquelle le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne a suspendu la négociation d’un certain nombre de chapitres du traité d’adhésion. Et puis nous, nous avons été plus loin et donc il y a eu une révision de la Constitution qui est passée pratiquement inaperçue…        

VALERIE TRIERWEILER : Non, nous on a beaucoup parlé…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …et qui a été voulue par le président de la République et par cette majorité qui est de dire que pour les futurs élargissements, notamment la Turquie… 
  
VALERIE TRIERWEILER : Les Français voteraient…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …ce serait le peuple français qui aurait le pouvoir de décision. Je crois que c’était une mesure sage parce que vous voyez bien au fond que dans le monde actuel, c’est d’ailleurs très intéressant, la mondialisation fait craindre à chacun de perdre sa propre culture, sa propre racine, sa propre identité, et que le concept de diversité qui est souhaité il n’est pas facile à mettre en œuvre, il faut en tout cas que l’Europe apparaisse protectrice de cette diversité mais ça c’est un grand projet politique et donc il y a des étapes.   

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, on va vous proposer une photo que vous allez commenter, exceptionnellement nous ne l’avons pas choisie dans l’actualité, elle va vous rappeler quelques souvenirs, si elle arrive sur l’écran, merci de nous envoyer la photo. Voilà, c’est la fameuse promotion Voltaire de l’ENA 1980, vous y étiez…   
 
RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui…

VALERIE TRIERWEILER : Alors on va agrandir la photo parce qu’il y avait aussi…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis un peu en haut à gauche il me semble…

VALERIE TRIERWEILER : Il y avait aussi François HOLLANDE, Ségolène ROYAL, Dominique de VILLEPIN, voilà, vous êtes entouré…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dominique de VILLEPIN est au tout dernier rang, on aperçoit à peine sa tête, et vous, vous êtes juste au-dessus de François HOLLANDE…   

VALERIE TRIERWEILER : Sur qui vous auriez misé vous à ce moment-là en dehors de vous évidemment ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, vous savez, ce qui est extraordinaire c’est qu’on était une collection de tempéraments et que donc les équipages d’aujourd’hui était déjà en préfiguration au moment où on était tous étudiants. C’est-à-dire qu’on était une promotion très politique en fait, qui avait déjà la passion de l’action publique au-delà des carrières administratives, et contrairement à ce que les gens peuvent penser l’ENA ce n’est pas un moule et donc les tempéraments existaient déjà et on s’était repéré entre nous. Ca veut dire que Dominique de VILLEPIN, que François HOLLANDE, que Ségolène ROYAL, que d’autres, que Michel SAPIN, que Frédérique BREDIN, qu’Henri de CASTRIES, un certain nombre de…    

VALERIE TRIERWEILER : Oui parce qu’on ne les a pas tous nommés mais c’est une promotion exceptionnelle…   

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …un certain nombre de gens qui exercent aujourd’hui des responsabilités imminentes on s’était déjà repérés. Et moi je vais vous raconter l’histoire suivante : François HOLLANDE et Ségolène ROYAL et d’autres avaient constitué un syndicat d’étudiants…

VALERIE TRIERWEILER : Très à gauche…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …autonome par rapport à la CFDT mais de gauche. Moi je n’ai évidemment pas adhéré, ce n’était pas mes convictions, j’étais un peu si vous voulez, je ne sais pas comment dire, leur provocateur de droite à l’intérieur de leur bande, je les aimais beaucoup et c’est des gens pour lesquels j’ai des liens qui existent. Et ce qui est très intéressant c’est de voir l’articulation entre Ségolène ROYAL et François HOLLANDE c’est la même qu’aujourd’hui, c’est-à-dire que François HOLLANDE il a une capacité à faire vivre une équipe, à être chef de bande, et Ségolène ROYAL elle était déjà un être à part. Eh bien c’est ce qui s’est produit pour la désignation au sein du Parti socialiste, François HOLLANDE il fait vivre ensemble une équipe, il est le Premier secrétaire du Parti socialiste, il a ce talent de faire vivre les gens ensemble, et puis elle c’est quelqu’un à part.        

VALERIE TRIERWEILER : Dites la vérité aux gens qui nous regardent et qui nous écoutent, est-ce qu’aujourd’hui il y a un espèce de lien entre tous ces gens et que vous pouvez appeler François HOLLANDE, Ségolène ROYAL, les tutoyer, leur demander un service, comment ça se passe vraiment maintenant ?     

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il n’y a pas de complicité clandestine, ça veut dire qu’on a été sur les mêmes bancs d’une école, donc voilà ça craint évidemment des liens, je ne vais pas dire que ça ne crée pas de liens, mais ça ne change rien à la vie politique, on est tous des gens passionnés, on a des convictions, on les défens et si l’on est l’un face à l’autre dans un débat le fait qu’on ait été étudiants ensemble, bon, c’est très bien, on a des souvenirs en commun mais le choc et la confrontation des idées, des passions, etc., voilà, c’est une bonne chose. Je pense que quand même quand il y a eu des liens, parce que là c’était des liens personnels et amicaux, donc je ne serai pas enclin à avoir un comportement vraiment inacceptable sur le plan humain. De toute façon, ce n’est pas ma manière d’être, donc vis-à-vis de quiconque je n’aurai ce genre de pratique. Mais, non, non, sur le plan politique…        

DOMINIQUE SOUCHIER : Il n’y en a pas sur la photo dont vous disiez à l’époque “ s’il y en a un qui sera président de la République ce sera à coup sûr lui ou elle et qui est passé(e) à la trappe ” ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ca arrive parfois, c’est vrai…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, vous savez, moi je pense que…ce à quoi j’attache beaucoup d’importance c’est au caractère, c’est à l’énergie, c’est à la capacité de transformer la réalité, et ça je pense que ça fait que les gens se repèrent entre eux.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous vous étiez repérés…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous avez des gens qui au fond sont parfois comme ça un peu gris face à la vie, bon, c’est leur liberté ou leur manière d’être, et puis vous avez des gens qui sont assez ardents. Oui, ça paraît peut-être bizarre pour vous mais on s’était repéré, oui, ça c’est vrai.         

DOMINIQUE SOUCHIER : Et il y a un romancier, Marc LAMBRON, qui vient de publier un livre sur Ségolène ROYAL qui s’appelle “ Mignonne, allons voir ” et qui dit qu’on ne reproche pas à Ségolène ROYAL d’être énarque alors que, dit-il, “ elle est profondément énarque ”, elle était peut-être la plus…est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?    

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire que c’est une bûcheuse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais je ne sais pas, attendez, on a passé des concours, donc on ne va pas s’excuser d’avoir passé des concours…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non mais…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et par ailleurs le suffrage universel c’est le suffrage universel, c’est ça qui est important, c’est ça qui est intéressant et c’est la possibilité de vouloir convaincre, de transformer les choses, d’avoir ce sacre qui n’est pas celui d’un concours, qui est celui du vote du peuple, c’est la plus belle des vulnérabilités, en tout cas c’est celle qu’on a les uns et les autres choisie.      

VALERIE TRIERWEILER : Alors en même temps il y a un classement dans cette école, vous êtes sorti 50 places devant Ségolène ROYAL et il y a eu un major de cette promotion, donc le meilleur de tous, que personne ne connaît, Jean-Ludovic SILICANI, c’est ça, et sur votre proposition il vient d’être nommé président du conseil d’administration des musées nationaux

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La réunion des musées nationaux, oui…

VALERIE TRIERWEILER : Voilà, donc il y a quand même une petite complicité ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est un esprit brillant, il est conseiller d’Etat…  

VALERIE TRIERWEILER : Alors pourquoi on ne connaît pas le plus brillant de cette promotion brillante, pourquoi on ne le connaît pas ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, ce n’est pas ça, parce qu’il a choisi des fonctions très importantes mais qui sont des fonctions de la haute fonction publique et qui sont moins sous les projecteurs de l’actualité, donc de l’intérêt de la presse, que ne le sont les fonctions politiques.     

VALERIE TRIERWEILER : Et lui vous l’aviez repéré à l’époque ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, bien sûr, oui, oui, bien sûr. Non mais, voilà, ça fait partie des gens qui avaient, oui, beaucoup de tempérament, voilà.   

VALERIE TRIERWEILER : On pourrait rester des heures sur cette photo…

DOMINIQUE SOUCHIER : Oui mais on va regarder le chiffre…

VALERIE TRIERWEILER : On va vous proposer maintenant un chiffre.

DOMINIQUE SOUCHIER : Un chiffre qui est tiré d’une statistique de l’INSEE qui est parue aujourd’hui, en 2030, il n’y aura en France plus qu’une seule région où les moins de 20 ans seront plus nombreux que les plus de 60 ans. Actuellement, il y a 13 régions où c’est le cas…   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire que dans toutes les autres la population aura plus de 60 ans…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais dans 30 ans il n’y aura plus qu’une seule région où ça sera le cas, où les jeunes seront plus importants que les plus de 60 ans c’est l’Ile-de-France. Actuellement, il y a 13 régions qui sont dans ce cas, il y a notamment la vôtre de région mais ça ne sera plus le cas dans 30 ans. Est-ce que ça ça ne vous inquiète pas ? Ca annonce la France de demain, ça annonce une France de vieux, de seniors, c’est eux qui feront la politique de demain parce que c’est eux qui seront majoritaires…        

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais il y a toujours des adaptations. Souvenez-vous des prédictions du Club de Rome il y a 30 ans…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ah non, non, ça c’est…attendez, dans 25 ans, les démographes savent de quoi sera composée la France…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais non, parce que peut-être qu’il y aura eu…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ah vous croyez ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …des immigrations et des mouvements de populations différentes avec d’autres pays de l’Union européenne, qu’il y aura eu une recomposition. Vous savez, les projections ne se trouvent jamais vérifiées, jamais, jamais, jamais. Souvenez-vous au moment du Club de Rome, donc il y a 35 ans, sur les matières premières, qu’on disait par rapport aux matières premières, au pétrole, etc., bon, il y a eu des équilibres, parce que les prix évoluent, parce que les marchés évoluent, il faut faire très attention parce que…            

VALERIE TRIERWEILER : Donc les experts ne savent à rien…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, ce n’est pas ça parce que ça…

DOMINIQUE SOUCHIER : Le papy-boom c’est une réalité démographique…   

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, en ce moment, je reconnais qu’elle est tout à fait confirmée, en tout cas je pense qu’il faudra toujours s’adapter parce qu’il ne faut jamais s’endormir. Mais il ne faut pas être injuste parce que regardez ce qui se passe pour Internet, ça rassemble toutes les générations, bien sûr que vis-à-vis des plus jeunes de nos concitoyens c’est comme s’ils étaient nés avec Internet, ils surfent, ils pianotent, c’est leur vie, leur réalité. Nous, on a déjà été obligé de s’y mettre mais ce qui est sympathique c’est de voir que toutes les générations s’y sont mises et de ce point de vue-là moi ça me rend très optimiste sur la capacité d’évolution et d’adaptation de l’ensemble de la société française.     
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Quand vous avez été nommé ministre de la Culture, vous vouliez faire des auto-écoles pour l’Internet, vous vouliez que dans chaque commune il y ait ?…    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, vous avez bien lu un certain nombre de…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous ne l’avez pas fait et vous avez eu probablement bien tort parce que quand même là aussi les statistiques le prouvent, on en a parlé mardi dernier avec Brice HORTEFEUX, moins d’un Français sur deux est internaute…  

VALERIE TRIERWEILER : 43%…

DOMINIQUE SOUCHIER : C’est moins que dans les autres pays européens.  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, c’est en train de beaucoup évoluer et de ce point de vue-là je trouve que les progressions dans la population sont très importantes, il faut qu’on accompagne le mouvement, c’est ce qu’on a fait dans un certain nombre de domaines, ce qu’on est en train de faire dans le domaine de la télévision avec des nouveaux venus, vous en êtes l’exemple le plus parfait.

DOMINIQUE SOUCHIER : La télévision du futur…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Donc c’est bien parce que ça fait vivre le pluralisme et donc ça c’est quelque chose de très important. Et donc il ne faut pas croire qu’effectivement ces nouvelles technologies soient d’un accès immédiat et donc de temps en temps il faut qu’il y ait un bon apprentissage et pas des espèces de standard où l’on fait taper 2, taper 3, taper 5, taper 18 et puis on a personne au bout du fil et puis finalement, voilà, quand son ordinateur est déréglé, quand sa télé ne marche plus, on a le sentiment qu’on est pommé.      

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous auriez dû les faire vos auto-écoles…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais on ne peut pas tout faire, merci de me donner cette piste pour mon deuxième mandat si j’ai la chance d’en avoir un.  

VALERIE TRIERWEILER : La phrase, vous allez commenter une phrase. Alors nous tenons à signaler, Dominique SOUCHIER et moi-même que nous l’avons censurée : “ il faudrait stériliser la moitié de la planète ”, Pascal SEVRAN, nous n’avons pas mis la suite. Voilà, quelles sanctions vous auriez appliqué vous à Pascal SEVRAN qui travaille sur le service public ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je me suis exprimé dès que j’ai eu connaissance de l’interview…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous vous êtes indigné immédiatement…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  …qu’il avait fait à VAR MATIN qui s’articulait avec des propos d’un livre pour lequel je n’ai vraiment pas envie de faire publicité, donc je ne donnerai pas le titre. Je trouve ça indigne, je trouve ça honteux, je trouve ça grave, parce que la question de la pauvreté, de la famine, du sida, du sous-développement ne peut pas être traitée par ce genre…ce n’est pas de l’invective, de propos barbares. On ne peut pas viser une communauté, en l’occurrence la communauté noire et les Africains, s’en prendre à leur sexualité et dire que cette communauté doit faire l’objet de mesures discriminatoires. Venant d’une personnalité qui a certainement beaucoup de talent, je suis extraordinairement choqué, je suis heureux de constater qu’il a été amené à s’excuser publiquement, je vois les initiatives que FRANCE TELEVISIONS est en train de prendre qui, je pense, sont utiles…      

VALERIE TRIERWEILER : Ca a mis un petit peu de temps tout de même…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Maintenant, il y a une plainte…

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, le PDG de FRANCE TELEVISIONS…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …il y a une plainte qui a été déposée par un certain nombre d’associations, voilà, je ne sais pas quelle sera la décision de la justice, est-ce qu’elle sera recevable, pas recevable, quelle sera l’incrimination, les choses sont en cours de traitement…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Il a reçu un avertissement de FRANCE TELEVISIONS, ça vous paraît suffisant ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis extraordinairement choqué, voilà. Je pense si vous voulez, pour vous dire crûment les choses, que pèse sur les élites une responsabilité particulière. Et quand vous avez la chance et le talent d’être l’animateur d’une grande émission de télévision, pèse sur vos épaules une responsabilité particulière. Pour vous ne tant que journaliste, vous êtes vis-à-vis de nos concitoyens des référents.   

DOMINIQUE SOUCHIERMais alors…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Donc pèsent sur vos épaules par définition des responsabilités supplémentaires. Et je trouve très grave dans la France d’aujourd’hui cette espèce de racisme ordinaire qui est rampant et qui s’exprime parfois de façon extraordinairement choquante.   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire qu’il y a un climat particulier en ce moment ?

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, Renaud DONNEDIEU de VABRES…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : En tout cas, moi je le ressens.

VALERIE TRIERWEILER : On va terminer, on va terminer, pardon.

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, le président de FRANCE TELEVISIONS, Patrick de CAROLIS, s’est prononcé pour qu’on inclut dans les contrats d’animateur des clauses d’éthique…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il a raison de la faire.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous dites il a raison…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Bien sûr.

VALERIE TRIERWEILER : Un mot sur le climat particulier, vous parliez de “ racisme rampant ”, est-ce qu’on est dans une  période particulière ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais si je me bats comme un fou, comme un lion, pour agir concrètement c’est parce que je sens ça à l’état latent, c’est qu’il faut transformer cette réalité, c’est qu’il faut sortir notre pays par le haut, c’est qu’il ne faut pas laisser le chômage prospérer, c’est qu’il faut créer une dynamique positive, parce que sinon on désigne des boucs émissaires. Si dans un immeuble, dans un quartier, dans une ville, l’emploi disparaît et les comportements personnels sont insupportables, les gens désignent des boucs émissaires. Moi je veux qu’on tourne la page de ça, je veux qu’on accueille et qu’on tende la main, ce que j’ai fait au Grand Palais sur les cultures urbaines c’était pour faire en sorte qu’un certain nombre de nos concitoyens exprimant cette diversité française se sente reconnue.

VALERIE TRIERWEILER : Alors disons-le, vous avez fait venir la culture de banlieue dans ce lieu magnifique qu’est le Grand Palais à Paris mais on vous reproche aussi finalement de ne pas amener la “ vraie culture ”, je mets volontairement des guillemets à “ vraie culture ”, en banlieue. Est-ce que ce n’est pas aussi une démarche qu’il faudrait avoir aujourd’hui ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : On est très perfectible sur ce sujet, il y a beaucoup de centres dramatiques, il y a beaucoup de présence culturelle et artistique, il doit y en avoir davantage, il doit y en avoir dans tous les établissements scolaires, moi je considère que chaque lieu doit être une chance, donc on a à faire encore beaucoup de progrès, j’y travaille très activement avec Jean-Louis BORLOO et il y a des initiatives qui sont prises, on doit faire davantage, c’est une évidence, parce que moi je crois aux croisements, c’est-à-dire que je pense bien si vous voulez que si vous aimez BACH ou BRAHMS que vous découvriez qu’il y a le rap et que si vous ne vous projetez que dans la musique électro que vous découvriez aussi que d’ailleurs elle peut être interprétée dans un très beau monument historique, bref, on a cette capacité de diversité, il faut la faire vivre.  

VALERIE TRIERWEILER : Mais soyons réalistes, tout ça ce sont pour des publics différents ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, pas forcément des publics différents, il faut justement ouvrir les esprits, faire en sorte qu’à l’école, dans toutes les écoles, il y ait ce partenariat culturel, c’est dans le projet de l’UMP, c’est dans notre projet, c’est long à mettre en place.    

DOMINIQUE SOUCHIER : Monsieur le Ministre, un des pouvoirs les plus importants du ministre de la Culture c’est de procéder à des nominations. Par exemple, de désigner celui qui va diriger le théâtre de l’Odéon ou celui qui va diriger l’Opéra de Paris. Et là vous venez de procéder à deux nominations…

VALERIE TRIERWEILER : Et vous avez l’air content…

DOMINIQUE SOUCHIER :  …qui ont surpris parce que vous avez nommé des personnalités qu’on n’attendait pas. Vous avez nommé à la tête de l’Odéon Olivier PY qui est un homme de théâtre d’une quarantaine d’années, qui est aussi auteur, puis vous avez nommé pour l’Opéra de Paris celui qui dirige le théâtre, le Capitole de Toulouse, Nicolas JOËL. Pourquoi cela et surtout expliquez-nous comment vous arrivez, comment on fait lorsqu’on est ministre de la Culture pour désigner des personnalités à des fonctions extrêmement importantes parce qu’elles engagent…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est une responsabilité très difficile et pour laquelle j’ai beaucoup consulté, j’ai beaucoup écouté, et puis ensuite j’ai fait à mes patrons que sont le Premier ministre et le président de la République une proposition pour chacun des deux lieux. Et la question était différente parce que pour l’Opéra de Paris Gérard MORTIER arrivera en 2009 au terme de son mandat et donc ce n’était pas un problème de savoir si je prolongeais ou pas sa fonction, je ne pouvais pas le faire, donc il fallait qu’il y ait un successeur. J’ai véritablement réfléchi et j’ai proposé Nicolas JOËL dont la connaissance et le rayonnement international…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Il y avait d’autres choix possibles…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : .. et il y avait un autre candidat par exemple qui est Laurent BAYLE, qui est le patron de la Cité de la Musique, que j’aurai pu proposer au président mais auquel je viens de confier la mission de créer un nouvel auditorium à la Villette, bref, il était très occupé…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et Stéphane LISSNER qui est un…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il fait rayonner la musique à Milan à la Scala…

DOMINIQUE SOUCHIER : Donc vous ne vouliez pas le…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …donc c’est l’esprit européen, je n’allais pas piquer aux Italiens une personnalité qui a beaucoup de talent mais qui pour le moment se consacre…  
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Et pour Olivier PY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et pour Olivier PY la question était très différente parce qu’il y a un très grand artiste qui dirige actuellement le théâtre de l’Odéon qui est Georges LAVAUDANT, qui le dirige depuis…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et qui aurait bien aimé rester…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …qui le dirige depuis 11 ans. Et la question était de savoir si on provoquait un renouvellement sans pour autant interrompre les possibilités de carrière de Georges LAVAUDANT. Donc Georges LAVAUDANT sera soutenu par l’Etat…

VALERIE TRIERWEILER : On est dans le débat d’initiés là…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, mais Georges qui était le patron du théâtre de l’Odéon, mais ce n’est pas uniquement un débat d’initiés parce que ce sont des lieux qui doivent être ouverts à tous les publics. Et donc il pourra continuer à faire un certain nombre de mises en scène dans un certain nombre de lieux bénéficiant du concours de l’Etat et je lui ai donné aussi un certain nombre de perspectives européennes. Et puis voilà, j’ai choisi et proposé au président…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous êtes fort parce qu’il n’y a pas eu de cabale là, ça aurait pu pour les deux ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …un jeune artiste qui est à la fois un auteur, un metteur en scène et un acteur, qui va régner sur deux lieux, l’Odéon et les Ateliers BERTHIER, qui va les ouvrir et les faire marcher j’espère 365 jours sur 365, parce que là-dessus je suis très exigeant. Vous savez, il y a eu effectivement comme vous l’avez indiqué tout à l’heure la crise des intermittents du spectacle, je crois que les artistes ont besoin de lieux pour travailler et donc moi je souhaite que tous les lieux qui existent soient ouverts au maximum d’artistes et que ça ouvre aussi au maximum de public différent. Voilà, je n’accepte pas qu’un lieu géré ou financé par l’Etat, même si chacun a droit à des congés et à des repos, soit fermé, on doit pouvoir trouver des systèmes pour que le rayonnement soit permanent.   

VALERIE TRIERWEILER : Revenons à la présidentielle, on y revient toujours, quelle place pour la culture dans cette campagne parce qu’on a l’impression qu’au fond ça sera un débat très secondaire ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, c’est le débat politique central, moi je ne dis pas par rapport…

VALERIE TRIERWEILER : C’est ce que vous souhaitez…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, regardez la question de l’identité, la question de la diversité, la question de la fierté, la question de la religion, la question de l’attractivité, tout ça sont des questions éminemment culturelles. Les questions culturelles seront absolument au centre de la campagne électorale. Je pense que ça sera moins les débats sur la fiscalité ou sur les charges sociales, même s’il faut dans ce domaine éviter un retour en arrière qui serait catastrophique avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, je pense que les questions qui sont aujourd’hui dans les esprits, dans l’ébullition française, ce sont des questions culturelles au sens large du terme. Diversité, pas diversité française, comment protéger nos racines, notre identité, notre patrimoine ? Comment s’ouvrir à la création ? Comment s’ouvrir à l’autre quel qu’il soit ?  

VALERIE TRIERWEILER : Alors est-ce que sur tous ces sujets il y a une différence entre la droite et la gauche aujourd’hui ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, dans la pratique et dans le courage, oui. Je prends l’exemple d’une question culturelle qui était très complexe, qui était celle du droit d’auteur, vous l’avez évoquée tout à l’heure, il y a celles et ceux qui ont eu le courage de parler de la rémunération et du travail des artistes, qui ont eu le courage de dire que la gratuité absolue ça ne permettait pas toujours la rémunération des artistes, en tout cas c’était à eux de le décider, et ceux qui ont surfé là-dessus sur la démagogie.

DOMINIQUE SOUCHIER : Alors précisément qu’est-ce que vous allez donner, parce que vous dites que vous allez le faire, peut-être que vous l’avez fait, alors vous allez nous dire ce que vous avez écrit au procureur de la République sur l’application de la loi, vous avez fait voter sur Internet, vous avez dit “ je vais dire au procureur de la République, j’imagine avec le Garde des Sceaux, Pascal CLEMENT quelles sanctions on va prendre contre les internautes qui ne respectent pas la loi. Qu’est-ce qu’il va y avoir dans cette circulaire ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’étais et je suis pour la différenciation des sanctions. C’est-à-dire que l’entreprise qui fait de l’argent pour casser et pirater et casser le système de protection des droits d’auteur, il faut qu’elle soit lourdement sanctionnée, avec des amendes très lourdes et, le cas échéant, d’ailleurs, des peines d’emprisonnement Pour…

DOMINIQUE SOUCHIER : Y compris la prison pour eux…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Pour l’internaute ordinaire, qui télécharge une œuvre occasionnellement, la sanction, c’est une amende et ça ne peut pas être la prison.

DOMINIQUE SOUCHIER : Ca, c’est vous qui le dites. Mais le juge, il peut en décider autrement parce que la loi n’est pas aussi précise que ça.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La loi l’était…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et elle ne l’est plus…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La gauche a fait un recours devant le Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel a cassé une disposition de différenciation. Le garde des Sceaux et moi sommes en train de travailler à une circulaire qui sera donc envoyée à tous les procureurs et dans laquelle il y aura cette différenciation. Elle est juste, elle est équitable, donc elle est nécessaire.

VALERIE TRIERWEILER : On voit aussi que dans cette campagne – moi, j’y reviens toujours, pardon – qu’il y a une véritable chasse à l’artiste du côté des candidats, chacun veut ses artistes, SARKOZY…

DOMINIQUE SOUCHIER : Valérie veut des noms là ! Pour le coup, des noms…

VALERIE TRIERWEILER : … Et Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL. Non, pas forcément d’abord des noms… Mais est-ce que ça sert à quelque chose ? Est-ce que vous, vous serez dans ce rôle-là ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce que vous serez un rabatteur pour Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non.

VALERIE TRIERWEILER : Non, vous ne lui ramenez pas d’artistes ?
 

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais ce n’est pas ça…

VALERIE TRIERWEILER : Vous en voyez à longueur de journée…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est un concept qui me paraît choquant. Si un artiste veut s’engager, bienvenue à bord. C’est magnifique de voir des artistes qui acceptent de s’engager pour un combat politique, je trouve ça très bien. Mais le côté dénombrement, etc, ce n’est certainement pas la manière de faire. Moi, au contraire, j’essaye de faire en sorte, en tout cas dans ma fonction de ministre de la Culture et de la Communication, de les respecter, de ne jamais utiliser leur image et de faire en sorte justement qu’ils se sentent libres. Donc, je ne vais pas faire, je ne vais pas chercher à les immatriculer, je les respecte et il faut les respecter dans leur liberté. S’ils croient et s’ils veulent s’engager, c’est très bien. J’ai été très heureux, par exemple, au moment du débat européen, que des artistes s’engagent pour la Constitution européenne parce qu’ils considéraient que c’est quelque chose de très important. Mais c’est eux qui l’ont déterminé. Je pense qu’il faut leur donner la première place. Lors de cette préparation du débat européen, j’avais organisé à la Comédie française un grand débat où il y avait des artistes des vingt-cinq pays. Nous, les ministres, les vingt-cinq ministres de la Culture qui étaient présents, on s’est un peu effacés pour que ce soit eux qui s’expriment librement. Les artistes, moi, je les respecte, je ne veux pas les utiliser. S’ils veulent nous rejoindre dans le combat politique, avec joie et oui, bien sûr. Mais on ne va pas commencer les espèces de comparaison d’équipage, c’est méprisant vis-à-vis d’eux.

DOMINIQUE SOUCHIER : Juste une dernière question, Renaud DONNEDIEU de VABRES, avant qu’on termine. Si un jour vous deviez choisir, si vous étiez contraint de choisir entre une fonction ministérielle et la fonction de maire de Tours ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’agis avec passion comme ministre de la Culture et de la Communication, j’aime beaucoup ma ville, donc ce serait un débat absolument redoutable. Est-ce que cette règle sera en vigueur au moment où la question se posera ? Je ne sais pas. On verra.

VALERIE TRIERWEILER : Oui, elle le sera, il va falloir choisir, non, non, il faut choisir, il nous faut une réponse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il faut choisir, il faut choisir… J’aime bien ma ville, voilà, donc…

VALERIE TRIERWEILER : Voilà, donc ce sera Tours…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et puis, vous savez, il y a – je dis ça avec humour – il y a déjà vingt personnes à droite et vingt personnes à gauche qui sont certaines de me succéder. Alors, on verra.

DOMINIQUE SOUCHIER : En tout cas, on vous remercie d’avoir été le dernier invité politique de cette année. Puisque mardi prochain, pour le dernier “ Grand 8 ” de l’année, on invitera exceptionnellement un intellectuel, Thierry de MONTBRIAL, qui dirige l’IFRI, avec lequel on fera le bilan de cette année et on parlera aussi des perspectives de l’année prochaine. Et puis, ne quittez pas DIRECT 8, dans un instant, “ Dites-moi tout ”, avec Elisabeth TORDJMAN, et on ne va pas quitter la politique puisqu’elle reçoit ce soir Edith CRESSON. Monsieur le Ministre, merci beaucoup.

Inauguration de la médiathèque d’Antibes

11 décembre 2006

Monsieur le Ministre, Cher Christian Estrosi,

Monsieur le Député Maire d’Antibes-Juan les Pins, cher Jean Leonetti,

Mesdames, Messieurs les élus,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles, cher Jean-Luc
Bredel,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous, dans cette magnifique ville
d’Antibes, où j’avais eu la chance de célébrer la Nuit des musées, l’année
dernière, au musée Picasso. Ville à la fois secrète et ouverte, ancrée dans
le passé de ses remparts et tournée vers la mer, l’avenir, ville dense et
légère à la fois, alternant la paix de l’ombre et l’euphorie de la lumière, ville
des artistes, de Picasso, bien entendu, mais aussi de Nicolas de Staël, qui
y passa les dernières années de sa vie, Antibes demeure le coeur intact,
envié et aimé de la Côte d’Azur.

Je dédie l’inauguration de cette médiathèque aux populations de l’autre rive
de la Méditerranée, victimes de la violence et du fanatisme. Je pense à ce
grand pays qu’est le Liban.

Au coeur d’Antibes, au carrefour de la vie de la cité, se dresse aujourd’hui
cette nouvelle médiathèque. Il fallait rajeunir, recentrer l'offre de lecture
publique, déjà présente dans la ville, mais qui souffrait d’un éclatement
excessif. Par cette nouvelle médiathèque, à l’architecture claire et
harmonieuse, Antibes affirme la modernité et l’ambition de sa politique du
livre et de la lecture.

Cette inauguration est d’autant plus émouvante que c’est l’une dernières
réalisations de Pierre Riboulet, ce très grand architecte qui était aussi un
grand humaniste, qui concevait l’architecture comme une mission, afin que
le public se sente à l’aise, comme chez lui, heureux dans le bâtiment qu’il
avait dessiné. Une bibliothèque n’est-elle pas, ainsi que le dit joliment
Tahar Ben Jelloun, « une chambre d’amis » ?. Et je souhaite saluer
l’architecte Bruno Huerre qui a su poursuivre son oeuvre.

Pierre Riboulet était non seulement un grand architecte, mais aussi un
amoureux des livres, soucieux, par dessus tout, de les mettre en valeur ; il
a merveilleusement oeuvré, tout au long de sa vie, pour l’édification de
médiathèques qui sont devenues des exemples, des fleurons de notre
pays ; et l’on sent, ici, d’étage en étage, de palier en palier, dans la fluidité,
l’aisance de la circulation, chacun de ses pas, chacune de ses pensées ; il
savait concilier, comme il le fait merveilleusement dans cette médiathèque,
mobilité et esthétique, élégance et efficacité, subtilité et utilité, avec cet
atrium central qui semble représenter, contenir la lumière de son souvenir.

Il savait qu’une médiathèque, de nos jours, doit être l’incarnation, la
meilleure preuve, le signe le plus évident de la démocratisation de la
culture. Oui, la médiathèque est « un lieu clos, ouvert sur le monde »,
comme le disait Pierre Riboulet.

C’est pourquoi le service d’actualité et d’information proposé ici jouera un
rôle capital. Une médiathèque est aussi un lieu d’animation, et son
équipement, notamment par le biais de l’auditorium, permettra, je
l'espère, de très nombreuses rencontres, des débats, des échanges
fructueux pour l'harmonie de la cité. Sa fonction, sa vocation est d’être
ouverte à tous, de faire se rencontrer tous les âges, toutes les
sensibilités, toutes les époques, tous les modes d’expression. Et je
remarque avec plaisir combien sont atténuées ici les éventuelles
séparations entre les sections et entre les supports. Pas d’espace
strictement réservé et clos, sauf celui consacré aux fonds rares et
précieux, et ceci – je m’en félicite – grâce au rapatriement du fonds local
et patrimonial à la médiathèque. Chacun ici doit se sentir accueilli et
accueillir c’est donner l’esprit de découverte.

Elle disposera aussi d’un équipement informatique conséquent. On ne
peut rêver meilleure alliance de l’ancien et du moderne, du respect du
passé et des moyens de l’avenir.

Antibes est aussi, par excellence, la ville de la Musique avec le festival
de jazz, bien sûr, mais aussi le festival d’Art lyrique, « musiques au
coeur », le festival du jeune Soliste et le Conservatoire. La médiathèque
s’en fera l’écho, en réunissant nombre de documents sonores, et une
salle d’écoute collective. Tous les arts se trouvent donc réunis, et nous
sommes là pour écouter, ensemble, cette polyphonie.

Cette médiathèque représente un projet extrêmement ambitieux. Et sa
réalisation correspond parfaitement à cette ambition. C’est un beau navire,
confié à la capacité d’initiative, à l’imagination et au souci constant du bien
public de Marie-Hélène Cazalet, qui dirigera cet établissement, à la tête
d’une équipe sûre et dévouée. Ce beau navire vous doit tant, Monsieur le
Député Maire, vous qui en avez fait l’une des réalisations majeures de votre
programme culturel, et l’on sait combien Antibes est, grâce à vous, tout
entière baignée de culture ; vous avez veillé à la construction de ce
magnifique vaisseau, mais aussi, et surtout, comme président de la
communauté d'agglomération, vous avez pris soin de l’équiper et de le faire
naviguer dans les meilleures conditions. Le ministère de la Culture et de la
Communication a pleinement rempli son rôle de soutien et
d’accompagnement en apportant environ un tiers du financement de cette
belle réalisation, portée également par la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur et le Conseil Général. Cette nouvelle médiathèque est le fruit de
l’addition des énergies de tous.

Tous les soutiens financiers n’ont de sens que par la volonté, le goût,
l’ardeur des hommes, en l’occurrence des élus et de la population de votre
agglomération, auxquels je souhaite désormais de jouir pleinement du
nouveau bâtiment et de son offre culturelle.

D’autres projets sont à l’étude dans le département, notamment la
rénovation du Musée Picasso. Je peux vous annoncer que l’Etat sera votre
partenaire. C’est mon 346ème déplacement en 32 mois en France et je peux
vous assurer que je reviendrai chaque fois que nécessaire pour jalonner le
parcours des projets.

Je vous remercie.

Communiqué

8 décembre 2006

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et delacommunication, a proposé à Olivier Py de prendre la directionduThéâtre National de l’Odéon

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, a proposé à Olivier Py, 41 ans, actuellement à la tête du centre dramatique national d’Orléans, de prendre la direction du Théâtre National de l’Odéon à Paris. Nommé par décret du Président de la République, il succèdera à Georges Lavaudant, dont le troisième mandat arrive à échéance le 28 février 2007.

Olivier Py, 41 ans, dirige depuis 1998 le centre dramatique national d’Orléans. Dès 1990, il entame une aventure parmi les plus riches et les plus singulières du théâtre français, créant des oeuvres engagées et fortes (« La servante », « Le soulier de satin », « Les vainqueurs »…). A la fois auteur et metteur en scène, souvent acteur, il unit autour de son nom toute une génération d’artistes parmi les plus talentueux. Héritier affirmé de la décentralisation théâtrale, ses épopées savent enthousiasmer un public fervent et nombreux qui retrouve à travers lui le sens du théâtre populaire. Fort d’une expérience internationale grâce à ses mises en scène de théâtre et d’opéra au Festival d’Edimbourg, au Grand théâtre de Genève, au Bam de New-York etc., il est également traduit et joué dans de nombreux pays.

De l’Odéon, un théâtre dans la cité, Olivier Py veut faire une « cité du théâtre » ouverte aux poètes d’une Europe élargie aux rives de la Méditerranée et aux frontières orientales. Il y établira un dialogue renforcé et généreux entre écrivains, penseurs, interprètes, metteurs en scène à la tête de compagnies ou d’institutions, accueillis dans la grande salle de l’Odéon ou aux ateliers Berthier, en fonction de leur projet artistique.

Au cours de sa carrière et au terme de ses onze années de responsabilité à l’Odéon, Georges Lavaudant a contribué au renouveau de la scène théâtrale française. Il a accompagné la restauration du Théâtre de l’Odéon, dont la programmation bénéficie de deux salles depuis la décision du Ministre de lui attribuer définitivement les Ateliers Berthier.

Le Ministre a indiqué à Georges Lavaudant qu’il continuerait de bénéficier d’un important soutien de l’Etat pour prolonger et développer son aventure artistique en France et au-delà de nos frontières. Il lui a également proposé de mettre son talent et son expérience internationale au service du rayonnement du théâtre français en Europe et de contribuer à la réflexion sur la permanence théâtrale européenne en Avignon.

Remise des insignes d’officier dans l’Ordre national du mérite à Jean-Luc Bredel

7 décembre 2006

Cher Jean-Luc Bredel,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois, pour honorer en vous un
haut fonctionnaire, dont l’engagement et l’enthousiasme quotidiens au service de la culture
et de l’intérêt général font figure d’exemple.

Vos études d’allemand, couronnées d’une agrégation, ont fait de vous un parfait bilingue.

Vous faites en effet partie de cette camarilla de DRAC germanistes, qui fut particulièrement
bien représentée à mon cabinet par Didier Deschamps. Je rends également hommage
aujourd’hui à un authentique musicien : à vous avez été élève de la Musikhochschule de
Vienne, où vous avez suivi les classes de luth Renaissance et de guitare classique. Et si
vous avez voué votre carrière au service public, vous n’avez jamais cessé d’exercer votre
art, tissant votre vie de cette double passion, de cette double vocation.

Après avoir enseigné pendant trois ans à Rouen, vous vous envolez pour l’université de Kiel,
en tant que lecteur. Vous devenez alors, pour trois années, délégué culturel de l’Ambassade
pour le Schleswig-Holstein. Vous approfondissez ensuite votre expérience et votre
exploration de notre réseau culturel en Europe, à la tête des Instituts français d’Heidelberg
tout d’abord, puis d’Innsbruck et de Vienne. Vous poursuivez votre activité d’enseignement
au sein des universités de ces villes, ainsi qu’à l’Académie diplomatique de Vienne.

Vous forgez, en parallèle, votre culture et votre pratique musicales. Premier prix de guitare
classique du Conservatoire du Havre en 1968, premier prix d’histoire de la musique du
conservatoire national de région de Rouen en 1978, vous exercez, en tant qu’interprète et
musicologue, une importante activité de concertiste. Vous vous produisez dans de
nombreuses émissions radiophoniques et télévisées et participez, dans une quinzaine de
pays, à des concerts de renom.

De retour en France, en 1991, vous décidez de mettre vos compétences au service d’une
grande collectivité territoriale qui parie, avec succès, sur la culture pour relancer son
développement et son rayonnement, et vous devenez directeur général de la culture,
secrétaire général adjoint, de la ville de Lille. En poste jusqu'à 1997, à la tête d’un service de
400 agents, vous assurez, pour la ville, la tutelle des structures prestigieuses du monde de la
culture lilloise, comme le Festival de la Ville, l’Aéronef, l’Orchestre national de Lille, ou
encore le Festival Fest’Africa.

Vous créez et gérez la saison « Musique et Patrimoine » à l’hospice Comtesse, et vous
assurerez également le suivi technique et financier du chantier de rénovation et d’extension
du musée des Beaux-arts, qui vous mobilisera particulièrement.

Parallèlement à votre mission de serviteur de l’Etat, vous vous investissez directement et
personnellement dans l’action culturelle, créant en 2001 l’Action culturelle en milieu scolaire
en Alsace, avec Marc Debène, alors Recteur de l’Académie, structure que vous présiderez
jusqu’en 2004.

Depuis 2002, vous siégez également, en qualité d’administrateur à l’Observatoire des
Politiques culturelles de Grenoble. Vous participez au groupe national de suivi des
protocoles de décentralisation culturelle jusqu’en 2003, et enfin, vous présidez la
commission Culture de la conférence du Rhin Supérieur en 2004.

Fort de votre expérience à l’étranger, vous avez joué un rôle précieux, et pionnier, dans
l’élaboration des tout premiers éléments de coopération culturelle décentralisée, avec l’une
des premières conventions Villes-Association Française d’Action Artistique. Vous créez,
avec Jean Digne, alors Directeur de l’Association, le « club AFAA-Collectivités territoriales »
qui donnera ensuite naissance aux conventions « CulturesFrance-Conseils régionaux-DRAC
».

A l’issue d’un nouveau séjour outre-Rhin, durant lequel vous dirigez l’Institut français de
Cologne, vous rejoignez le ministère de la Culture et de la Communication, pour prendre la
tête de la direction régionale des affaires culturelles d’Alsace, région dont l’histoire et la
culture sont particulièrement en adéquation avec votre formation et votre expérience. Vous y
passerez, comme vous le dites vous-même, six années de travail et de bonheur.

L’année 2004 vous verra faire un grand écart géographique puisque vous êtes nommé, dès
le lendemain de mon arrivée au ministère, à la direction régionale des affaires culturelles de
la région Provence Alpes Côte d’Azur.

Vous voici donc face à de multiples et passionnants acteurs de la culture et des arts, dans
une région au tissu culturel dense, réparti dans six départements, siège des très prestigieux
festivals d’Aix-en-Provence, d’Avignon, de Cannes ou encore de la Roque d’Antheron. Une
région où les visites ministérielles, pour fréquentes et nécessaires qu’elles soient, ne sont
pas toujours des parties de plaisir ! Mais je me réjouis de vous y retrouver dès lundi, pour
l’inauguration de la médiathèque d’Antibes.

La richesse exceptionnelle du patrimoine antique est l’une des autres particularités de cette
région, que vous appréhendez à travers le «Plan pour le patrimoine antique », en partenariat
avec les collectivités.

Votre mandat vous conduit, dans le domaine des musées, à suivre le démarrage effectif du
Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, qui traduit
l’engagement du gouvernement en faveur de grands investissements structurants en région.

Mélomane et musicien, professeur et haut fonctionnaire, passionné de poésie et d’histoire,
ouvert à toutes les rencontres, à toutes les cultures, à toutes les expériences et toutes les
découvertes, vous êtes l’illustration même de cette magnifique phrase de ce poète que vous
admirez tant, Rainer Maria Rilke : « Toute une constellation d'événements est nécessaire
pour une seule réussite. »

Jean-Luc Bredel, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont
conférés, nous vous faisons Officier dans l’Ordre national du Mérite.

DINER DU CRIF REGION CENTRE

7 décembre 2006

Monsieur le Président national du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher Roger Cukierman,
Monsieur le Président régional du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher François Guguenheim,
Chers Amis,

En remerciant votre président, François Guguenheim, pour son invitation, je souhaite vous exprimer tout d’abord, en même temps qu’un message personnel de chaleureuse affection, où se mêlent l’émotion, l’amitié et le cœur, mon profond regret de ne pouvoir être présent parmi vous ce soir, pour cette grande première – pour notre ville de Tours et pour notre région – le dîner annuel régional du Conseil Représentatif des Institutions juives de France. Je suis retenu en ce moment même à Paris, par mes obligations de ministre en charge de la Communication, auprès du Président de la République, pour le lancement de la chaîne France 24.

J’ai entendu votre message, vos inquiétudes et vos espoirs, et je souhaite vous adresser ces quelques mots.

Le gouvernement de Dominique de Villepin a fait de la lutte contre l’antisémitisme une priorité, et un combat de tous les jours. Parce que l’antisémitisme est la négation même de l’esprit républicain, parce qu’il est un véritable fléau, insupportable, enfanté dans la peur et la haine, grandi dans la bêtise et l’ignorance, et qui menace non seulement la sécurité, mais la vie même de nos concitoyens. Les actes antisémites doivent être combattus sans relâche et punis avec la plus grande sévérité. Personne, en France, ne doit pouvoir être agressé à cause de son origine ou de sa religion. Dans la patrie des droits de lHomme, comme partout ailleurs, personne ne doit souffrir pour ce quil est. Tous nos compatriotes, doù quils viennent, quelles que soient leur histoire ou leurs croyances, ont leur place dans cette maison commune quest la République française.

Parce que la lutte contre l’antisémitisme est un devoir moral, celui d’une République du vouloir vivre ensemble, elle doit impliquer la société toute entière, les familles, mais aussi les enseignants, les élèves, les agents publics, les associations, les entreprises, les salariés. C’est une mobilisation des esprits.

L’histoire des Juifs de France est elle-même intimement liée à celle de la défense de l’esprit républicain et de ses principes universels. Et c’est un devoir de mémoire, un devoir républicain, qui nous engage tous, que de le rappeler, de le célébrer, de mieux le faire savoir. Une mémoire dont le CRIF a fait, à juste titre, une priorité. C’est mon devoir, en tant que ministre en charge des célébrations et des commémorations nationales. Cette année nous commémorons le centenaire de la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, qui marque particulièrement le lien indéfectible qui unit les Juifs de France et le destin de la République.

C’est aussi mon devoir, en tant que ministre chargé du Patrimoine, que de partager, de mieux faire connaître l’héritage précieux que nous a légué la culture juive. Vous le savez, il y a trente ans, nous découvrions, par hasard, à Rouen, sous la dalle du Palais de justice, les vestiges de la plus ancienne école talmudique d’Europe, la « Maison sublime ». Les recherches ont permis de déterminer quil sagissait du plus vieux monument juif de France et de la seule école rabbinique médiévale au monde dont on ait conservé des vestiges.

C’est un patrimoine inestimable, qui montre combien votre histoire est la nôtre, depuis des temps ancestraux. Je crois que ces monuments, cet héritage, parce qu’ils sont tangibles, parce qu’ils suscitent admiration et réflexion, sont à même de véhiculer les valeurs essentielles que nous souhaitons partager. Le respect envers une culture et un culte qui font pleinement partie de l’histoire de notre pays, la fraternité d’un destin partagé. C’est pourquoi nous devons nous mobiliser afin de mieux le faire connaître, de mieux le faire vivre, de mieux le transmettre aux générations futures. J’ai ainsi demandé à mes services, en concertation avec les élus et les associations concernées, d’étudier la possibilité d’ouvrir l’école de Rouen aux visiteurs.

Je suis intimement persuadé que pour lutter contre l’ignorance, la méfiance, la peur qui entretiennent toutes les haines, nous devons encourager tout ce qui permet la découverte et la connaissance des cultures qui ont forgé, et continuer de construire notre pays, notre identité. En hébreu, la France ne se dit-elle pas Tsarfat, le creuset de l’orfèvre ? Et dans ce creuset de notre République laïque, toutes les cultures, toutes les religions ont leur place, dans le respect de chacune. C’est notre richesse, c’est notre force, c’est notre devoir.

Nous savons combien l’art, le patrimoine, la culture, la création, ont un rôle essentiel à jouer pour construire une nouvelle harmonie fondée sur le dialogue. Dialogue des cultures, dialogue des religions, dialogue des civilisations, qui enjambent les siècles et les mers, dépassant les frontières hérissées par les obscurantismes et les violences.

Oui, vivre ensemble, c’est se donner les outils pour comprendre les autres, autant que sa propre identité, et créer les moyens d’un projet de vie en commun, au sein comme en dehors de nos frontières.

C’est pourquoi nous devons lutter, également, contre les appels à la haine et à l’intolérance. Je me suis personnellement investi, vous le savez, pour obtenir non seulement l’interdiction en France de la chaîne Almanar, qui bafoue un certain nombre de principes élémentaires pour nos démocraties, mais surtout pour obtenir le soutien de l’Europe dans cette bataille, et notamment la révision de la directive Télévision sans frontières. Au niveau national comme au niveau européen ou international, il est de notre responsabilité d’intervenir pour faire interdire ces dérives, surtout si elles se drapent dans le principe de la liberté d’expression. Parce qu’elles se réclament de cette dernière, elles sont d’autant plus susceptibles d’en entamer la légitimité. La mondialisation de nos moyens de communication doit nous rendre d’autant plus vigilants face aux discours et aux images de haine et de violence, face aux intégrismes qui trouvent, eux aussi, malheureusement, dans les nouvelles technologies, de formidables relais. Cela vaut naturellement aussi pour tous les autres vecteurs de haine que vous avez cités.

Nous le savons, les enjeux nationaux et internationaux sont de plus en plus intimement liés. Comme l’a déclaré le Président de la République, en août dernier, lors de louverture de la XIVème Conférence des ambassadeurs : « le Moyen-Orient interpelle la conscience universelle. En quelques jours, nous avons vu le Liban dévasté, son peuple meurtri, quinze années defforts réduites à néant. Au même moment, Israël vivait lépreuve de la vulnérabilité, qui a fait resurgir danciennes hantises. Quelques semaines plus tôt, cest le peuple palestinien sur qui se refermaient les portes de lespoir. Dans les deux cas, des provocations irresponsables, et les réactions parfois excessives quelles ont engendrées, ont conduit la région entière au bord du gouffre. »

Israël aspire à la sécurité, le Liban a soif de liberté, le peuple palestinien crie justice. Les crises sadditionnent. Linstabilité en Irak, les tensions dans le Golfe, comme les déclarations inconsidérées et menaçantes de certains responsables iraniens,  diffusent leurs effets dans tout le Proche-Orient. Des groupes radicaux veulent exercer un droit de veto sur la paix. Riche de sa diversité, le Liban concentre sur lui les coups que les protagonistes nosent mutuellement sinfliger. Au-delà de ces affrontements se profile un danger majeur, celui du divorce entre les mondes, Orient contre Occident, islam contre chrétienté, riches contre pauvres.

La France sest mobilisée pour arrêter lescalade des violences. La résolution 1701, élaborée largement à son initiative et adoptée à lunanimité par le Conseil de sécurité, a permis de mettre un terme aux combats. Ce texte offre également le cadre dune solution durable fondée sur la sécurité dIsraël et la souveraineté du Liban sur la totalité de son territoire.

Cette crise dune nature sans précédent est le produit dautres impasses. Le conflit israélo-palestinien cristallise toute lincompréhension entre les mondes. Pourtant, un consensus existe, y compris entre Israël et les Palestiniens, sur la coexistence de deux Etats vivant en paix et en sécurité. Mais en vérité, et cest le plus grave, chacun a perdu confiance en lautre.

Le défi, cest de rétablir cette confiance afin de relancer laction diplomatique et de poser les conditions d’une paix juste et durable. La France s’y emploie, en agissant auprès de tous les peuples de la région.

Intransigeante sur l’antisémitisme qui met en jeu lessentiel, la France lest également pour affirmer le droit absolu dIsraël à vivre en paix et en sécurité au sein de sa région.

Cette exigence nest pas seulement celle que commande le droit international, qui a donné à lEtat dIsraël sa pleine légitimité lors du partage du mandat de Palestine. Elle va bien au-delà ; elle touche à la reconnaissance incontestable du droit du peuple juif à un Etat, après tant de siècles de dispersion et de malheurs.

"Un tel pays, observait déjà Lamartine, repeuplé dune nation jeune et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil de tropique, produisant de lui-même toutes les plantes nécessaires ou délicieuses à lhomme, serait encore la terre de promission aujourdhui si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté".

Cest cette même conviction qui conduisit la France à prendre une part active à la fondation de l’Etat d’Israël et à lui apporter un appui résolu dans sa phase de construction. Fidèle à cet héritage dont elle est fière, cest cette même conviction, inébranlable, qui lanime aujourdhui.

Les prochaines années sont riches d’échéances capitales. Pour la France, bien évidemment, qui choisira son Président, puis ses députés, pour un nouveau mandat ; pour la communauté juive de France, également, et particulièrement pour le CRIF, cher Roger Cukierman, qui assurez, avec tant de talent et d’énergie, la lourde tâche dêtre, avec les autorités religieuses, le porte-parole du judaïsme français ; année capitale aussi, parce que ce sera celle de la célébration de la réunion du grand  Sanhédrin qui préfigura la création du consistoire de Paris, chargé d’organiser le culte pour une communauté forte alors de 3 500 âmes, aujourd’hui proche du demi-million ; pour la paix, enfin, une paix juste et durable, qu’il nous appartient tous de construire.