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Conférence de presse avec Simone Veil, ancien Ministre, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, présentant L’hommage que le Président de la République rendra au nom de la Nation aux Justes de France le 18 janvier 2007, en présence d’Agnès Varda, cinéaste et créatrice de l’installation

Madame le Ministre d’État, Madame la Présidente de la Fondation pour la
Mémoire de la Shoah, chère Simone Veil,

Chère Agnès Varda,

Mesdames, Messieurs,

C’est la mémoire qui nous rassemble aujourd’hui, dans ce ministère en charge du
patrimoine et des commémorations nationales, où je suis heureux de vous
accueillir, pour vous présenter, aux côtés de Mme Simone Veil, et au nom du
Président de la République, un événement tout à fait exceptionnel : l’hommage
que le Président de la République rendra au nom de la Nation aux Justes de
France, au Panthéon, le jeudi 18 janvier 2007, à 18 heures.

Cet hommage a été proposé au Président de la République par la Fondation pour
la Mémoire de la Shoah. Avant de céder la parole à Mme Simone Veil, qui, le 18
janvier, accueillera les participants à la cérémonie, et se recueillera, aux côtés du
Président de la République, devant l’inscription qui sera apposée dans la crypte,
afin que la mémoire des Justes de France puisse y être célébrée, au même titre
que celle des grands hommes dont les cendres y sont inhumées, permettez-moi
de rappeler la genèse et l’esprit de cet événement.

Notre histoire nationale est celle des heures sombres et des heures glorieuses. La
mémoire ne se divise pas. Elle forme un tout, avec ses zones d’ombres et de
lumières. Elle est donc plus qu’un devoir qui s’impose ; elle est un travail qu’il nous
revient de mener à bien, de façon continue, pour la perpétuer et la transmettre.

C’est ce qu’a rappelé le Président de la République, en reconnaissant
officiellement, dès le 16 juillet 1995, le rôle de l’État français, dans l’horreur de ces
heures noires qui « souillent à jamais notre histoire ».

Souvenons-nous de la voix de Malraux, lors du trentième anniversaire de la
Libération des camps, devant les rescapées : « là, pour la première fois, l’homme
a donné des leçons à l’enfer ».

Entendons aussi votre voix, Madame, lors du soixantième anniversaire, dans le
froid mordant d’Auschwitz : « ce que je sais, c’est que je pleure encore chaque fois
que je pense à tous ces enfants et que je ne pourrai jamais les oublier ». Nous
n’oublierons jamais qu’un quart des Juifs de France ont péri dans les trains et
dans les camps.

Et je pense à ces documents que m’a remis solennellement la
maison d’Izieu, l’an dernier, pour les conserver dans les collections nationales. Le
combat quotidien contre l’oubli, c’est, bien sûr, celui des archives pour la
transmission de la mémoire, qui donne tout leur sens aux travaux de conservation
et de commémoration dont la puissance publique et le ministère de la Culture et
de la Communication sont investis. C’est une oeuvre dont nous percevons chaque
jour la nécessité pour l’éducation des générations présentes et futures.

Mais, si les
archives sont tout, elles ne sont rien sans les hommes et les femmes, sans leurs
récits, sans leurs témoignages.

Et l’hommage du 18 janvier prochain est d’abord le témoignage de la France.

Comme l’avait déclaré le Président de la République, dès le 16 juillet 1995, lors
des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 au
Vélodrome d’hiver : « Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a
une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France,
droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais
été à Vichy. Elle n'est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les
sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres,
incarnée par le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le
coeur de ces Français, ces "Justes parmi les nations" qui, au plus noir de la
tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l'écrit Serge Klarsfeld, les
trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce
qu'elle a de meilleur ».

A Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, le 2 novembre 1997, puis le 8 juillet
2004, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, – cas exceptionnel de remise à
titre collectif d’une médaille des Justes – en ces lieux emblématiques de l’action
de celles et ceux qui, conformément à la maxime inscrite sur la médaille des
Justes, « en sauvant une vie, ont sauvé l’Univers tout entier », le Président de
la République a honoré ces hommes et ces femmes de France qui « ont fait le
choix de la tolérance, de la solidarité et de la fraternité ».

2725 Justes, de toutes régions, de tous milieux, de toutes convictions, ont été
identifiés en France, à ce jour, grâce aux témoignages de ceux qui leur doivent
la vie, et reconnus par le Mémorial de Yad Vashem. Comme l’a déclaré le
Premier Ministre, en inaugurant le « Mur des Justes » au Mémorial de la
Shoah, le 14 juin dernier, « leur souvenir constitue pour nous une consolation
mais aussi une exigence ».

La loi du 10 juillet 2000, votée à l’unanimité par le Parlement, a officialisé le
terme de Justes dans notre législation, en instituant une « journée nationale à
la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et
d’hommage aux Justes de France qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril
de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes
menacées de génocide ».

Au Panthéon, haut lieu de mémoire de la Nation et de la République, dans la
grande nef qui sera à nouveau ouverte gratuitement au public dans les jours
qui suivront, grâce aux importants travaux qui y ont été réalisés, en présence
de nombreux Justes et des personnes que ces femmes et ces hommes de
coeur et de courage ont contribué à sauver, le Président de la République
rendra l’hommage solennel de la France.

Cet hommage éclairera ainsi la part de lumière qui brille en chacun de nous et
qui est tout simplement notre part d’humanité.

La cérémonie sera diffusée en direct sur France 2. Elle sera marquée par une
création d’Agnès Varda, commande publique du ministère de la Culture, dont
vous nous direz un mot tout à l’heure, Madame ; mais aussi par l’interprétation,
par le choeur de chambre Accentus, sous la direction de Laurence Equilbey, de
la cantate a capella « Figure humaine », composée en 1943 par Francis
Poulenc sur des poèmes de Paul Eluard, qui se termine sur le fameux
« Liberté ».

Cet événement sera accompagné d’une programmation exceptionnelle sur les
antennes de France Télévisions et de France Culture.

La scénographie et les écrans diffusant l’oeuvre d’Agnès Varda resteront en
place du vendredi 19 au dimanche 21 janvier pendant l’ouverture gratuite au
public du Panthéon.

Je suis ému et fier de passer à présent la parole à Mme Simone Veil.

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