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Réunion avec les présidents des associations de protection du patrimoine

Posted By admin2011 On 18 décembre 2006 @ 14:53 In Discours 2006 | No Comments

Madame, Messieurs les Présidents,

Je suis ravi de vous retrouver aujourd’hui après notre rendez-vous manqué
le 14 septembre dernier. Mais vous vous souvenez, j’avais de bonnes
raisons, puisque j’accompagnais le Premier Ministre à Amiens, où il a
annoncé l’affectation au Centre des Monuments Nationaux de 25 % du
produit de l’impôt sur les droits de mutations, soit 70 M- annuels, destinés à
financer des travaux de restauration sur des monuments de l’Etat. Je dois
dire que je suis particulièrement heureux du soutien de mes collègues du
gouvernement, à commencer par le premier d’entre eux, et de celui du
Premier Ministre, qui nous a permis progressivement de maintenir, puis de
conforter voire d’améliorer les perspectives de financement des
monuments nationaux.

La situation des monuments n’appartenant pas à
l’Etat s’en trouvera également améliorée et les récentes mesures adoptées
dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007 ouvrent là aussi des
perspectives prometteuses. Cela a été un long travail et une aventure
collective, où chacun à son niveau, a eu un rôle à jouer. Je me réjouis de
l’important travail de coordination de la Direction de l’architecture et du
patrimoine en direction des services déconcentrés du Ministère et des
acteurs de terrain que vous représentez. Les rendez-vous réguliers, et le
dialogue que vous entretenez avec ce ministère sont à cet égard du plus
grand intérêt et je tenais à vous le redire.

Vous le savez, dès mon arrivée au ministère de la Culture et de la
Communication, j’ai manifesté un intérêt très fort pour l’ensemble des
questions liées au patrimoine. Je me suis attaché à nouer et à entretenir
des relations solides, durables et fécondes avec toutes celles et tous ceux
qui oeuvrent chaque jour, sur tout notre territoire, pour préserver et faire
vivre ce patrimoine. Et l’un de mes premiers objectifs a été d’associer
davantage les collectivités publiques et les acteurs privés par un meilleur
partage de responsabilités, qui tienne compte des réalités du terrain.
Notre patrimoine, c’est la mémoire, l’âme de nos villes et de nos régions.

Etroitement lié à la diversité de nos paysages, il porte la force, l’identité, la
singularité de chacun de nos territoires, de ses traditions, du tempérament,
de l’histoire, de la vie et des espoirs des hommes qui l’ont habité, et
l’habitent aujourd’hui encore. La restauration, la conservation, et la mise en
valeur du patrimoine répondent bien évidemment à des objectifs culturels,
de connaissance, de transmission et de partage. Mais elles portent
également des enjeux économiques, puisqu’elles constituent de véritables
filières, des sources d’emplois, de dynamisme et de richesses, à part
entière, en aval des décisions de politique culturelle. Oui, la culture est un
capital d’avenir, qu’il convient non seulement d’identifier, mais surtout de
mieux valoriser dans la compétition internationale, notamment parce qu’elle
participe pleinement à la stratégie d’attractivité globale de la France.

C’est pourquoi, dans ce domaine comme dans les autres, je crois
profondément en l’addition des énergies.

J’ai donc tenu à ce que les associations nationales reconnues d’utilité
publique soient associées de près à tous ces débats, dans le cadre de
cette instance de concertation, dont je salue le travail. Grâce à vous,
nous avons pu aboutir à un accord de fond sur plusieurs sujets
importants. J’ai également veillé à une meilleure représentation des
associations sur le terrain, notamment au sein des différentes
commissions, dont la commission régionale du patrimoine et des sites
(CRPS), ainsi que la commission nationale des monuments historiques
(CNMH). Je sais que c’est un point auquel vous êtes particulièrement
sensible.

L’heure n’est pas encore au bilan, mais néanmoins, en quelques mots,
je souhaitais rappeler quelques unes des avancées les plus
significatives de ces dernières années.

Un premier ensemble de réformes a pour objet l’entretien et la
restauration des monuments (1), d’autres actions concernent les abords
et les paysages (2).

1. L’entretien et la restauration des monuments

Le point de départ de toutes les réformes que nous avons menées à
bien dans ce domaine essentiel a été de considérer le propriétaire
comme le maître d’ouvrage naturel de la restauration de son monument.

Partant de ce principe, il était légitime qu’il puisse choisir son architecte
et que ses rapports avec l’administration soient simplifiés. C’est ce que
nous avons proposé par l’ordonnance du 8 septembre 2005 sur laquelle
vous avez, je le sais, beaucoup travaillé. Nous en sommes aujourd’hui à
la rédaction des décrets, le travail avance, mais je ne développerai pas
davantage parce que nous en avons déjà beaucoup parlé. Je reste à
votre écoute, bien entendu, pour traiter tel ou tel point particulier si vous
le souhaitez.

Je tiens en revanche à bien préciser à nouveau notre situation
budgétaire et à tenter une présentation claire des chiffres, après les
décisions importantes qui ont été prises et qui aboutissent à un nouveau
mode de financement des monuments de l’Etat.

J’insiste sur deux points importants :

1. je l’ai dit et répété : le niveau de consommation des crédits est resté
constant tout au long de ces quatre dernières années : soit environ 320
M- par an pour quelque 4000 chantiers.

2. Entre la loi de finances initiale 2006 et la réalité des crédits consommés,
il y a eu un différentiel de 43 M- supplémentaires, preuve s’il en est de la
bataille que nous avons menée pour obtenir des dégels de crédits et des
ajustements en cours d’année.

Après quelques épisodes houleux, nous avons ainsi réussi à maintenir
le cap et à éviter des catastrophes. La ténacité et l’acharnement dont nous avons tous fait preuve a permis une prise de conscience de
l’importance de la protection et de la valorisation de notre patrimoine,
non pas seulement à des fins culturelles, mais aussi à des fins
économiques, puisque le patrimoine, je le rappelle, génère un peu plus
de 500 000 emplois directs et indirects au plan national.

Pour 2007, le montant des crédits dédiés à l’action 1.1 du programme
patrimoine est de 378 M- : soit 220 M- de crédits de paiement, 18 M- de
fonds de concours et 140 M- affectés au Centre des monuments
nationaux. On atteint là un niveau qui devient satisfaisant et dont la
structuration au plan budgétaire, notamment par l’affectation de crédits
au Centre des monuments nationaux, devrait nous garantir une certaine
pérennité.

Monsieur de Lambertye, vous aviez procédé à une enquête auprès de
vos membres et des DRAC qui concluait que le montant des
subventions de l’Etat pour l’année 2003 avoisinait les 8%, soit 21 M-.

Nous serons bientôt en mesure, grâce à la mise en place d’un nouveau
logiciel, de permettre une lecture plus fine de nos financements et de
distinguer les travaux effectués par catégorie de propriétaires. Sur cette
base, je m’engage, pour ma part, à tendre vers les 10% du budget
attribué aux directions régionales des affaires culturelles en faveur des
propriétaires privés.

Pour en terminer avec la question des moyens et avant d’aborder la
deuxième partie de mon propos, je voulais rappeler qu’ont été votées en
faveur des propriétaires privés un certain nombre de mesures fiscales,
avec, dernier succès en date, l’extension du régime fiscal du mécénat
aux dépenses de conservation et d’entretien des monuments privés.

C’est une belle victoire qui, je l’espère, donnera lieu à de beaux projets.

Enfin, la possibilité d’avoir recours à des publicités sur les
échafaudages, à l’instar de ce qui se pratique en Italie, devrait aussi
lever des financements supplémentaires pour la restauration des
monuments, sur autorisation de la DRAC et sous réserve de certaines
conditions, que j’ai demandé à mes services de présenter de façon
claire.

La richesse du patrimoine, c’est aussi ce capital humain
d’entrepreneurs, d’artisans, et de professionnels du bâtiment, dont il faut
absolument préserver les savoir-faire, transmis de générations en
générations. Nous oeuvrons en ce sens, et nous avons obtenu que soit
créé un baccalauréat professionnel d’intervention sur le patrimoine bâti,
qui, je l’espère, suscitera de nombreuses vocations. Nous avons bien
entendu d’autres projets en matière de formation professionnelle, dont je
vous parlerai lorsqu’ils auront abouti.

Dans le même ordre d’idée, Monsieur Fontaine, je sais que ces sujets
vous tiennent à coeur, nous avons, dans le cadre de la loi relative au
développement des territoires ruraux, obtenu la réouverture des petites
carrières. L’arsenal réglementaire est enfin arrivé à son terme et je sais
que vous avez suivi de très près la préparation des mesures législatives
et réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre.

Dans le cadre de la convention qui nous lie à l’association française de
normalisation, l’AFNOR, nous nous efforçons de faire entendre la
spécificité du patrimoine bâti ancien. Il y a là des enjeux très importants
pour l’avenir de la restauration en France, dans un monde de plus en
plus concurrentiel, où il nous faut demeurer extrêmement vigilants sur
toute tentative de banalisation d’un secteur très spécifique.

2. Les abords et les paysages

Pour tout ce qui relève de la politique des abords et des paysages au
sens large, nous disposons actuellement de trois niveaux de gestion des
espaces protégés dans notre pays : les périmètres de protection
adaptés ou modifiés, les ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine
Architectural, Urbain et Paysager) et les secteurs sauvegardés.

La logique d’intervention dans ce secteur veut que les acteurs locaux
puissent prendre leurs responsabilités et disposer de davantage de
latitude pour agir. C’est le sens des réformes que nous avons
accomplies en ce domaine.

C’est désormais au maire qu’il revient de créer des ZPPAUP avec
l’accord des Préfets. Concernant les secteurs sauvegardés, il convient
d’en relancer la dynamique en créant des conditions d’association plus
étroites entre les communes et l’Etat. Déjà et en accord avec le
ministère de l’équipement, le plan de sauvegarde et de mise en valeur
sera conjointement élaboré par l’Etat et la collectivité concernée. C’est
aux services départementaux de l’architecture et du patrimoine, sous
l’autorité de la DRAC, et en lien avec les Préfets de départements, qu’il
appartient de suivre tout le processus de création et d’y apporter leur
expertise.

Enfin, nous avons assoupli le dispositif de définition des périmètres de
protection, afin qu’il puisse s’adapter plus finement à la réalité des
situations.

Sur tous ces sujets, nous travaillons étroitement, bien sûr, avec le
ministère chargé de l’équipement, mais l’urbanisme étant une
compétence décentralisée, les collectivités territoriales jouent désormais
un rôle essentiel pour la mise en oeuvre de ces dispositifs.

Sur la question des abords et des paysages, nous nous situons dans le
cadre d’un travail interministériel. Il en est ainsi de la question des
éoliennes, qui est du ressort du ministère de l’écologie et du
développement durable. Je rappelle que le protocole de Kyoto engage la
France, qui a joué un rôle précurseur dans ce domaine, sous l’impulsion
du Président de la République, à respecter ses engagements
internationaux en matière de développement des énergies
renouvelables. Je suis conscient des limites des dispositions juridiques
du code du patrimoine pour certains projets d’éoliennes situés aux
abords de monuments.

Le Sénateur Ambroise Dupont a rédigé un
rapport tout à fait pertinent et utile sur cette question. Je tiens à ce que
les services départementaux de l’architecture et du patrimoine soient
particulièrement attentifs à l’instruction de ces dossiers et qu’ils
accompagnent les collectivités locales qui ont désormais l’initiative de la
définition des zones de développement éolien. Les situations sont à examiner au cas par cas, je suis intervenu personnellement dans
certaines situations critiques auprès des préfets de département. Dans
un proche avenir, le ministère de la culture pourrait proposer, en lien
avec le ministère de l’écologie et le ministère de l’équipement, d’intégrer
dans la procédure de création des éoliennes le souci du paysage par la
prise en compte de cônes de visibilité dans l’élaboration des documents
d’urbanisme. J’ai d’ores et déjà demandé à mes services de faire des
propositions en ce sens.

Enfin pour en terminer et sans avoir eu le temps d’aborder l’ensemble
des sujets, mais nous pourrons en débattre, je souhaitais revenir sur un
point, sur lequel vous m’avez personnellement saisi, qui concerne
l’avenir de l’ancien magasin aux vivres de la marine de la ville de
Rochefort-sur-Mer. Je suis heureux de vous annoncer que la
Commission régionale du patrimoine et des sites a statué favorablement
en faveur de la protection du bâtiment. Il appartient au Préfet de prendre
désormais un arrêté de protection correspondant. Aucun permis de
construire n’a été déposé à ce jour, l’architecte des bâtiments de France
reste très vigilant sur cette affaire.

Avant de vous céder la parole, je tiens à vous exprimer une nouvelle fois
mes remerciements pour le travail que vous accomplissez. Oui, j’en suis
convaincu, c’est tous ensemble, pouvoirs publics, associations,
collectivités, que nous ferons avancer les questions relatives à cette
richesse essentielle à l’avenir de notre pays, à ce capital de culture et
d’attractivité, notre patrimoine.

Je vous remercie.


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