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Installation avec Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères et Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, du Comité d’honneur du 50e anniversaire de la signature du Traité de Rome

Monsieur le Ministre d’Etat, cher Maurice Faure,

Monsieur le Ministre, cher Philippe Douste-Blazy,

Madame la Ministre, chère Catherine Colonna,

Messieurs les Ministres,

Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Ma présence parmi vous est d’abord liée à cette conviction, que Milan Kundera a exprimée
de façon lapidaire : « l’ambition européenne est avant tout une ambition culturelle ». Et
d’ajouter cette définition – que je ferais volontiers mienne – de l’identité de l’Europe : « le
maximum de diversité dans le minimum d’espace ».

L’unité et la diversité sont depuis l’origine les deux fondements de la construction
européenne, et ce sont des fondements dont nous savons aujourd’hui qu’ils sont d’abord
culturels.

Pourtant, pour les experts des affaires communautaires que vous êtes, il peut sembler
paradoxal de vouloir mettre ainsi en avant la culture à l’occasion des cérémonies
commémoratives du Traité de Rome, alors qu’elle n’y figure en aucune façon. Mais le
ministre de la culture est aussi celui de la mémoire et la commémoration du Traité de Rome
est une célébration nationale.

Et si vous me permettez d’ajouter un mot plus personnel, vous
comprendrez que le fait que le ministre en fonction au moment de cette célébration, et au
moment où nous en sommes de l’histoire de l’Europe, soit aussi le fils de celui qui négocia le
Traité, aux côtés de vous-même, Monsieur le Ministre d’Etat, et avec vous, Messieurs les
Ministres, chers Jean-François Deniau et Jean François-Poncet, ainsi qu’avec Robert
Marjolin, disparu il y vingt ans, revêt une signification particulière, qui n’est pas que
symbolique. Car l’action accomplie alors par ces pionniers, par ces précurseurs, dans une
atmosphère de scepticisme quasi généralisé, après l’échec du traité relatif à la Communauté
européenne de défense, que certains d’entre vous ont racontée, comme l’action accomplie
depuis lors, est assurément un héritage commun. Un héritage qu’il nous appartient, non
seulement de faire vivre, mais aussi de conquérir, pour le transmettre à nouveau à nos
concitoyens.

Cet héritage est donc d’abord un projet. S’il est vrai qu’à l’époque où a été
signé le Traité de Rome il était clair que la culture ne pouvait être en aucun cas une
compétence de la future Europe à construire, tant était ancrée l’idée que la culture se
rapporte à l’identité de chaque nation ; s’il est vrai qu’il fallut attendre le Traité de Maastricht,
pour qu’une place soit officiellement dévolue à la culture dans la construction européenne,
avec l’introduction d’un article spécifique ; il est non moins vrai que la culture doit aujourd’hui
devenir une dimension essentielle du projet européen.

Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, nous avons devant nous une nouvelle
étape de la construction européenne, une étape majeure, dont il appartient à notre
génération d’inventer les formes et de réaliser les solidarités concrètes.

Le référendum sur la constitution de 2005, en France comme aux Pays-Bas, a montré
combien nos concitoyens ont le sentiment de voir leur identité diluée dans la mondialisation.

Cela veut dire que pour aller de l’avant, pour s’ouvrir à l’autre, il faut que les peuples
européens se sentent rassurés dans leurs racines nationales et comprennent que l’Europe
peut les aider à conserver leur identité face aux risques de l’uniformisation du monde.

L’Europe est une force.

Il y a donc un lien direct entre cette nouvelle étape de la construction européenne et la
victoire que nous avons remportée grâce à la détermination de la France et à la mobilisation
de l’Europe, avec l’adoption, en moins de deux ans, à la quasi-unanimité de la communauté
internationale, de la Convention sur la diversité culturelle.

Je me rends demain à Bruxelles, accompagné de deux grands artistes, une Française, un
Européen, pour assister à la remise des instruments de ratification de la Communauté
européenne et de douze Etats membres – auxquels s’ajoutent la Roumanie et la Bulgarie,
soit un majorité de 14 Etats membres au 1er janvier 2007 – au Directeur général de
l’UNESCO. Cette cérémonie, qui se déroulera en présence du Président de la Commission
européenne marque une étape essentielle, et que je n’hésite pas à qualifier d’historique, du
point de vue du rôle de la culture dans les relations internationales : l’affirmation en droit
international du droit des Etats et de la Communauté européenne à soutenir les politiques
culturelles face aux règles nécessaires du libre-échange.

José-Manuel Barroso, par sa
présence, montre ce dont nous nous sommes à plusieurs reprises entretenus : c’est par la
culture que nous donnerons une âme à l’Europe, c’est par elle que nous cultiverons la
conscience partagée d’appartenir à une même communauté de destin.
Il s’agit bien de permettre à chacun, peuples et citoyens, de comprendre de façon intime que
notre solidarité politique repose sur des racines culturelles communes.

Nous ne sommes
heureusement plus à l’époque où l’enjeu central de la construction européenne était
d’assurer une paix durable sur notre continent. Nous ne sommes plus à l’époque
extraordinaire de l’unification économique et monétaire : ce sont des acquis aujourd’hui, qui
ont été magnifiquement réalisés et qu’il convient de faire vivre. Nous sommes à une époque
où nous devons donner à 500 millions d’Européens et 27 Etats membres des raisons de
penser qu’ils sont plus proches les uns des autres que de n’importe quelle autre
communauté humaine et que ces raisons ne reposent pas seulement sur l’intérêt bien
compris, mais sur une volonté partagée de vivre ensemble, sur un esprit de famille, qui sont
les conditions mêmes de l’existence d’une Nation.

Voilà pourquoi, en hommage à la mémoire des négociateurs du traité de Rome qui auront
laissé une trace incroyable dans l’histoire du continent européen, je souhaite ardemment, et
j’appelle tous les artistes et tous les homes et femmes de culture à soutenir cette idée, que la
Déclaration de Berlin, qui sera adoptée par le Conseil européen à l’occasion du
Cinquantième anniversaire du Traité de Rome, affirme haut et fort la volonté de donner au
projet politique européen une ambition culturelle.

Oui, vive l’Europe de la culture ! Mais ne nous y trompons pas : il ne s’agit évidemment pas
de suivre la voie de l’intégration communautaire, comme pour l’agriculture ou la monnaie. La
subsidiarité et la coopération ouverte doivent être les maîtres-mots de notre action culturelle
commune. C’est pourquoi je plaide pour des coopérations appuyées par la Commission
européenne autour de projets concrets : nous en avons lancés, comme la Bibliothèque
numérique européenne et comme le label européen du patrimoine, que je souhaite voir se
mettre en place en mars 2007, avec en tête de liste des monuments aussi prestigieux pour
l’histoire européenne que l’Acropole et le Capitole. C’est la France, avec André Malraux, qui
a lancé à l’UNESCO, avec le succès que l’on sait, l’idée du patrimoine mondial de
l’humanité.

C’est la France aujourd’hui qui doit faire réussir l’idée d’une liste commune du
patrimoine européen. Oui, une Europe des projets culturels est capable de parachever dans
les esprits et les coeurs l’unité de l’Europe. C’est grâce à la culture que nous pourrons
fédérer l’énergie des Européens, pour que rayonnent dans le monde nos valeurs de paix, de
démocratie et d’universalité.

Je vous remercie.

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