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REMISE DES INSIGNES DE CHEVALIER DES ARTS ET DES LETTRES A HENRIETTE GENEST

Chère Henriette Genest,

Je suis très heureux de vous distinguer aujourd’hui dans notre belle ville de Tours, dont vous contribuez à préserver et à faire vivre les riches traditions, l’excellence des savoir-faire et de la fierté du patrimoine qui en sont l’âme.

C’est ici, rue Georges Courteline, que vous avez débuté, comme apprentie Lingère-Repasseuse de fin. Vous avez ensuite exercé votre habileté, votre précision et votre soin en atelier de repassage, chez Madame Guiller, rue d’Entraigues, dont vous avez pris la succession après la guerre. Quelques années plus tard, l’atelier déménage rue Barillet-Deschamps. L’amour du travail bien fait, la patience et l’adresse, vertus de ce métier qui inspira notamment Edgar Degas, vous les avez très tôt mis au service de votre véritable passion, la broderie de Touraine, et surtout la restauration des bonnets régionaux.

C’est en 1966 que la Directrice de la Croix-Rouge de Tours, où votre fille était élève infirmière, fait appel à vos talents pour remettre en état des costumes et des bonnets traditionnels, afin que ses élèves accueillent les participants d’un Congrès International d’Infirmières en costume régional. Vous vous prenez au jeu, et vous vous lancez dans des recherches approfondies sur les bonnets tourangeaux, aidée par votre ami de toujours, Roger Lecotte.

Un article sur la qualité de votre travail, dans la presse régionale, attire de nombreux curieux et passionnés dans votre atelier. Vous confectionnez un authentique costume de tourangelle et restaurez un bonnet pour une jeune fille de Vouvray, vous coiffez les reines de cette ville pour le passage du Tour d’Indre-et-Loire cycliste, et vous offrez aux vigneronnes les bonnets de leurs aïeules pour la Fête de leur Saint Patron, Saint Vincent. De fil en aiguille, vous tissez votre toile dans toute la région.

Cette virtuosité, ce savoir-faire exceptionnel, que vous avez acquis petit à petit, auprès notamment des doyennes de la broderie du Vouvrillon, vous avez souhaité les transmettre, les partager, et les faire vivre, et vous avez monté pour cela, bénévolement, en 1987, un atelier de restauration de broderie de Touraine et de dentelle faite au fuseau. Ce lieu de création, d’application, d’imagination, est aussi un lieu de vie, de rencontres, un lieu chaleureux et convivial, où se croisent des petites mains de tous les âges.

L’association que vous avez créée, et présidée, pour la défense de la broderie de Touraine et de ses dérivés, a pris une telle ampleur qu’elle est rapidement devenue un Conservatoire, animé par deux « Meilleurs Ouvriers de France ».

L’une des brodeuses de cette association, Sylvie Lezziero, a un jour pris contact avec Yves Sabourin, Inspecteur de la Création artistique, chargé de mission pour le Textile et l’Art contemporain au ministère de la Culture et de la Communication, pour attirer son attention sur l’extraordinaire richesse de cet art tourangeau.

De là est née la rencontre avec Jean-Michel Othoniel, artiste actuel majeur, qui a imaginé avec vous une œuvre somptueuse, mêlant les techniques les plus traditionnelles et l’inspiration la plus contemporaine, la dentelle de Valenciennes et la mousseline de soie. L’ouvrage, réalisé par Sylvie Lezzerio, a été présenté en 1998, dans le cadre de l’exposition « Métissages », au Musée du Luxembourg. Depuis, il parcourt le monde, et met merveilleusement en lumière l’excellence des savoir-faire et de la création françaises en Californie, au Japon, au Pérou, en Bolivie, au Mexique, au Brésil, en Roumanie et en Pologne.
 
Tout comme la très belle collection de bonnets tourangeaux, confectionnés de 1815 aux années trente, que vous avez entamée dès 1966, et qui est aujourd’hui un véritable trésor de notre patrimoine. Vous l’avez présentée dans plusieurs expositions, en Touraine, notamment à la Bibliothèque municipale et au Château de Tours, mais aussi dans de nombreuses villes en France, en Belgique et en Allemagne.

Je tiens aujourd’hui à saluer votre dévotion à cet art extraordinaire, la générosité et l’énergie avec lesquelles vous œuvrez pour sa défense, pour sa préservation, mais aussi pour son renouvellement et sa notoriété, grâce aux inspirations les plus contemporaines.

Chère Henriette Genest, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

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