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Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre national du Mérite à Philippe Entremont

Cher Philippe Entremont,

Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois. Vous êtes de ces
artistes d’exception qui portent haut les couleurs et l’excellence de la
France, sur les scènes du monde entier.

La musique a toujours été présente dans votre vie. Votre père était
directeur de l’orchestre du Grand Théâtre de Reims, votre ville natale, et
votre premier professeur de piano ne fut autre que votre mère. Elle fut donc
également la première à découvrir votre don.

Elle confia à Rose Aye, professeur de piano à Reims, le soin de développer
cette virtuosité précoce. Mais – à élève d’exception, professeur
exceptionnel – lorsque celle-ci prit conscience que vous étiez réellement
surdoué, elle vous présenta à Marguerite Long, la dédicataire du Concerto
en sol de Maurice Ravel. La grande dame du piano accepta de vous
préparer, avec succès, au concours d’entrée du Conservatoire, et fut la
première figure tutélaire de votre parcours.

La répétitrice de Jean Doyen en fut une autre, qui vous transmit la maîtrise
technique, prélude à toute grande carrière. Mais vous comprenez très tôt
que votre meilleur professeur, c’est vous-même, et vous volez rapidement
de vos propres ailes.

Vous volez très vite, et très haut, remportant rapidement une longue liste
de récompenses et de distinctions. A l’âge de 15 ans, vous obtenez votre
premier prix de piano au Conservatoire National Supérieur de Paris. Vous
êtes finaliste du prestigieux Concours de la Reine Elisabeth de Belgique, et
lauréat du deuxième Prix du Concours Long-Thibault. Surtout, vous
remportez, aux États-Unis, la Harriet Cohen Piano Medal, qui vous permet
d’entamer une carrière de l’autre côté de l’Atlantique, en 1953.

Vous donnez, au Carnegie Hall de New York, la première américaine du
Concerto pour piano de notre grand compositeur André Jolivet. Votre
carrière nationale et internationale prend un essor immédiat, et vous jouez
sous la direction des plus grands, Igor Stravinski, Darius Milhaud, ou
encore Leonard Bernstein. En 1967, vous vous lancez vous-même dans la
direction d’orchestre.

En plus de cinquante ans de carrière, globe-trotter virtuose, vous avez
enchanté les cinq continents, avec plus de 5.000 concerts et récitals.

Vous
avez fait une place de choix à la musique française, et vous êtes en cela un
passeur exceptionnel, au-delà de nos frontières et des Océans, de la
musique de Saint Saëns, Debussy, Ravel, ou encore Satie, Roussel, et
Milhaud.

Directeur musical de l’Orchestre de chambre de Vienne, président de
l’Académie internationale de musique Maurice Ravel, à Saint-Jean-de-Luz,
directeur musical de l’Orchestre philharmonique de La Nouvelle-Orléans, de
l’Orchestre philharmonique de Denver, chef principal de l’Orchestre
Colonne, de l’Orchestre de chambre de Hollande, de celui d’Israël, et,
aujourd’hui, principal chef invité de l’orchestre de la radio de Shanghaï, et
de l’Orchestre symphonique de Munich, vous êtes un magnifique
ambassadeur de la musique, ce langage universel, dans le monde entier.

Vous avez pris, il y a douze ans, la direction du Conservatoire de la
prestigieuse Académie américaine de Fontainebleau, où Camille Saint-
Saëns, Emmanuel Chabrier ou encore Maurice Ravel furent professeurs.

Par votre talent, votre patience, vos qualités pédagogiques, vous vous
révélez le digne successeur de Nadia Boulanger, et de Gaby et Robert
Casadesus.

Je sais que les bilans ne vous intéressent pas, vous qui, malgré votre
carrière extraordinaire, avouez avoir le trac comme à vos débuts, avant un
concert. Permettez-moi donc aujourd’hui de rendre hommage à votre
magnifique carrière, qui fait de vous l’un de nos plus grands pianistes, mais
aussi, et surtout, à vos projets, aux « souvenirs à venir », comme vous
appelez joliment ces instants uniques d’émotion que vous continuerez à
partager longtemps avec nous.

Philippe Entremont, au nom du Président de la République, et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Commandeur dans
l’Ordre national du Mérite.

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