- Renaud Donnedieu de Vabres - https://www.rddv.fr -

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à David Puttnam

Posted By admin2011 On 12 décembre 2006 @ 14:33 In Discours 2006 | No Comments

Cher David Puttnam,

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourd’hui, pour honorer
en vous un véritable visionnaire, un producteur de grand talent, passionné,
engagé, audacieux. Oui, la passion, l’engagement et l’audace sont les
maîtres mots de votre carrière dans le cinéma, une carrière jalonnée de
magnifiques succès, une carrière que vous avez passée à défendre, sans
relâche, le cinéma britannique, aux côtés de réalisateurs prestigieux, qui
nous ont livré parmi les plus beaux chefs-d’oeuvre du septième art.

Cette très belle carrière, vous l’avez commencée dans l’image, dans la
publicité tout d’abord, puis dans la photographie, notamment aux côtés du
célèbre photographe David Bailey. Curieux, ouvert et avide de nouvelles
découvertes, chaque succès vous a poussé à conquérir de nouveaux
horizons. Et c’est assez vite que vous avez rejoint le secteur
particulièrement périlleux mais ô combien passionnant de la production
cinématographique.

Votre premier film en tant que producteur fut un moyen métrage de David
Mingay, Peacemaking 1919, en 1971. La même année, vous produisez
votre premier long métrage, Melody de Waris Hussein, un réalisateur dont
la carrière s’est ensuite poursuivie avec succès, notamment à la télévision.

Il fut le premier d’une longue liste de cinéastes qui, grâce à votre talent, à
votre courage, à votre intuition, ont pu réaliser leur rêve de cinéma. Vous
avez en effet produit beaucoup de premières oeuvres, soucieux de donner
leur chance à de nouveaux talents prometteurs.

Cette intuition, ce discernement, vous ont en effet permis très tôt non pas
de parier, mais de croire en des réalisateurs aujourd’hui cultes, et
d’apporter ainsi votre soutien à des oeuvres grandioses, qui ont connu
d’immenses succès dans votre pays, mais aussi en France et dans le
monde entier : Les duellistes de Ridley Scott en 1977, Midnight Express
d’Alan Parker en 1978, avec 6 millions d’entrées dans les salles
françaises, Les chariots de feu de Hugh Hudson en 1981, La déchirure en
1984, puis Mission en 1986, de Roland Joffé. Autant d’oeuvres magistrales
qui ont remporté les plus grandes récompenses internationales et
profondément marqué l’histoire du cinéma contemporain.

Grâce à vous, la création britannique a connu un véritable nouveau souffle,
et puisé dans des sujets souvent sensibles, l’inspiration d’un cinéma
engagé, militant, humaniste.

Permettez-moi d’avoir une tendresse particulière pour le film de Bill
Forsyth que vous avez produit en 1983, Local Hero, avec notamment
Burt Lancaster. C’est un film d’une grande sobriété, sur les rapports que
nouent les habitants d’un petit village d’Ecosse et des représentants
d’une multinationale américaine qui veulent y implanter un complexe
pétrolier, mais c’est aussi une fable d’une efficacité redoutable sur les
liens complexes qui unissent l’Europe et les États-Unis.

Il est vrai que vous avez éprouvé la complexité de ces liens, de manière
très personnelle, lorsque vous avez quitté votre Grande-Bretagne natale
pour devenir Président-Directeur général des films Columbia et vice-président
exécutif de Columbia Pictures Industries à Los Angeles, de
1986 à 1988.

Pour donner une idée de la rapidité des bouleversements qui ont touché
l’industrie du film, et de la faculté d’oubli des acteurs de ce secteur, vous
aimez raconter cette anecdote, du comédien Jack Benny. Un jour, alors
qu’il passait devant les Studios Warner Bros, celui-ci dit au gardien, à
l’entrée : « Vous savez, j’ai fait un film ici, qui s’appelait The Horn blows
at midnignt. Vous l’avez vu ? » Le gardien lui répondit : « Comment ça
« vu » ? Je l’ai produit ! »

Et si vous avez, vous aussi, mis un terme à vos activités dans la
production, vous pouvez être certain que la longue liste des chefsd’oeuvre
que l’on vous doit restera, pour toujours, dans toutes les
mémoires.

L’engagement qui était le fil rouge des oeuvres que vous avez produites,
vous l’avez mis en pratique en rejoignant, en 1997, la Chambre des
Lords, pour le Labour. Vous avez également mis votre passion et votre
enthousiasme au service de la transmission et de l’éducation, en veillant
à la formation des jeunes talents du cinéma et de la télévision, en tant
que président de la National Film and Television School, où vous avez
eu la chance de compter parmi vos élèves Nick Park, le créateur des
désopilants Wallace et Gromit.

Vous avez ensuite présidé l’Université de Sunderland, dans le comté de
Tyne and Wear, au Nord-Est de l’Angleterre, pendant dix ans, et vous
venez de devenir Président de l’une des plus grandes universités au
monde, l’Open University, basée à Milton Keynes dans le
Buckinghamshire, mais qui compte des étudiants dans le monde entier,
grâce notamment à l’Internet.

Oui, vous êtes un homme engagé, et votre sincérité, votre générosité
vous ont valu d’être nommé président de l’UNICEF britannique en 2002.
Je suis très heureux d’honorer aujourd’hui en vous un producteur de
grand talent, un découvreur de génie, un passeur précieux d’art et de
savoir auprès de toutes les générations amoureuses de cinéma et de
culture, mais surtout un authentique humaniste.

David Puttnam, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.


Article printed from Renaud Donnedieu de Vabres: https://www.rddv.fr

URL to article: https://www.rddv.fr/2006/12/12/remise-des-insignes-de-commandeur-dans-l-rsquo-ordre-des-arts-et-des-lettres-agrave-david-puttnam/

Copyright © 2012 Renaud Donnedieu de Vabres. All rights reserved.