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DINER DU CRIF REGION CENTRE

Monsieur le Président national du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher Roger Cukierman,
Monsieur le Président régional du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher François Guguenheim,
Chers Amis,

En remerciant votre président, François Guguenheim, pour son invitation, je souhaite vous exprimer tout d’abord, en même temps qu’un message personnel de chaleureuse affection, où se mêlent l’émotion, l’amitié et le cœur, mon profond regret de ne pouvoir être présent parmi vous ce soir, pour cette grande première – pour notre ville de Tours et pour notre région – le dîner annuel régional du Conseil Représentatif des Institutions juives de France. Je suis retenu en ce moment même à Paris, par mes obligations de ministre en charge de la Communication, auprès du Président de la République, pour le lancement de la chaîne France 24.

J’ai entendu votre message, vos inquiétudes et vos espoirs, et je souhaite vous adresser ces quelques mots.

Le gouvernement de Dominique de Villepin a fait de la lutte contre l’antisémitisme une priorité, et un combat de tous les jours. Parce que l’antisémitisme est la négation même de l’esprit républicain, parce qu’il est un véritable fléau, insupportable, enfanté dans la peur et la haine, grandi dans la bêtise et l’ignorance, et qui menace non seulement la sécurité, mais la vie même de nos concitoyens. Les actes antisémites doivent être combattus sans relâche et punis avec la plus grande sévérité. Personne, en France, ne doit pouvoir être agressé à cause de son origine ou de sa religion. Dans la patrie des droits de lHomme, comme partout ailleurs, personne ne doit souffrir pour ce quil est. Tous nos compatriotes, doù quils viennent, quelles que soient leur histoire ou leurs croyances, ont leur place dans cette maison commune quest la République française.

Parce que la lutte contre l’antisémitisme est un devoir moral, celui d’une République du vouloir vivre ensemble, elle doit impliquer la société toute entière, les familles, mais aussi les enseignants, les élèves, les agents publics, les associations, les entreprises, les salariés. C’est une mobilisation des esprits.

L’histoire des Juifs de France est elle-même intimement liée à celle de la défense de l’esprit républicain et de ses principes universels. Et c’est un devoir de mémoire, un devoir républicain, qui nous engage tous, que de le rappeler, de le célébrer, de mieux le faire savoir. Une mémoire dont le CRIF a fait, à juste titre, une priorité. C’est mon devoir, en tant que ministre en charge des célébrations et des commémorations nationales. Cette année nous commémorons le centenaire de la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, qui marque particulièrement le lien indéfectible qui unit les Juifs de France et le destin de la République.

C’est aussi mon devoir, en tant que ministre chargé du Patrimoine, que de partager, de mieux faire connaître l’héritage précieux que nous a légué la culture juive. Vous le savez, il y a trente ans, nous découvrions, par hasard, à Rouen, sous la dalle du Palais de justice, les vestiges de la plus ancienne école talmudique d’Europe, la « Maison sublime ». Les recherches ont permis de déterminer quil sagissait du plus vieux monument juif de France et de la seule école rabbinique médiévale au monde dont on ait conservé des vestiges.

C’est un patrimoine inestimable, qui montre combien votre histoire est la nôtre, depuis des temps ancestraux. Je crois que ces monuments, cet héritage, parce qu’ils sont tangibles, parce qu’ils suscitent admiration et réflexion, sont à même de véhiculer les valeurs essentielles que nous souhaitons partager. Le respect envers une culture et un culte qui font pleinement partie de l’histoire de notre pays, la fraternité d’un destin partagé. C’est pourquoi nous devons nous mobiliser afin de mieux le faire connaître, de mieux le faire vivre, de mieux le transmettre aux générations futures. J’ai ainsi demandé à mes services, en concertation avec les élus et les associations concernées, d’étudier la possibilité d’ouvrir l’école de Rouen aux visiteurs.

Je suis intimement persuadé que pour lutter contre l’ignorance, la méfiance, la peur qui entretiennent toutes les haines, nous devons encourager tout ce qui permet la découverte et la connaissance des cultures qui ont forgé, et continuer de construire notre pays, notre identité. En hébreu, la France ne se dit-elle pas Tsarfat, le creuset de l’orfèvre ? Et dans ce creuset de notre République laïque, toutes les cultures, toutes les religions ont leur place, dans le respect de chacune. C’est notre richesse, c’est notre force, c’est notre devoir.

Nous savons combien l’art, le patrimoine, la culture, la création, ont un rôle essentiel à jouer pour construire une nouvelle harmonie fondée sur le dialogue. Dialogue des cultures, dialogue des religions, dialogue des civilisations, qui enjambent les siècles et les mers, dépassant les frontières hérissées par les obscurantismes et les violences.

Oui, vivre ensemble, c’est se donner les outils pour comprendre les autres, autant que sa propre identité, et créer les moyens d’un projet de vie en commun, au sein comme en dehors de nos frontières.

C’est pourquoi nous devons lutter, également, contre les appels à la haine et à l’intolérance. Je me suis personnellement investi, vous le savez, pour obtenir non seulement l’interdiction en France de la chaîne Almanar, qui bafoue un certain nombre de principes élémentaires pour nos démocraties, mais surtout pour obtenir le soutien de l’Europe dans cette bataille, et notamment la révision de la directive Télévision sans frontières. Au niveau national comme au niveau européen ou international, il est de notre responsabilité d’intervenir pour faire interdire ces dérives, surtout si elles se drapent dans le principe de la liberté d’expression. Parce qu’elles se réclament de cette dernière, elles sont d’autant plus susceptibles d’en entamer la légitimité. La mondialisation de nos moyens de communication doit nous rendre d’autant plus vigilants face aux discours et aux images de haine et de violence, face aux intégrismes qui trouvent, eux aussi, malheureusement, dans les nouvelles technologies, de formidables relais. Cela vaut naturellement aussi pour tous les autres vecteurs de haine que vous avez cités.

Nous le savons, les enjeux nationaux et internationaux sont de plus en plus intimement liés. Comme l’a déclaré le Président de la République, en août dernier, lors de louverture de la XIVème Conférence des ambassadeurs : « le Moyen-Orient interpelle la conscience universelle. En quelques jours, nous avons vu le Liban dévasté, son peuple meurtri, quinze années defforts réduites à néant. Au même moment, Israël vivait lépreuve de la vulnérabilité, qui a fait resurgir danciennes hantises. Quelques semaines plus tôt, cest le peuple palestinien sur qui se refermaient les portes de lespoir. Dans les deux cas, des provocations irresponsables, et les réactions parfois excessives quelles ont engendrées, ont conduit la région entière au bord du gouffre. »

Israël aspire à la sécurité, le Liban a soif de liberté, le peuple palestinien crie justice. Les crises sadditionnent. Linstabilité en Irak, les tensions dans le Golfe, comme les déclarations inconsidérées et menaçantes de certains responsables iraniens,  diffusent leurs effets dans tout le Proche-Orient. Des groupes radicaux veulent exercer un droit de veto sur la paix. Riche de sa diversité, le Liban concentre sur lui les coups que les protagonistes nosent mutuellement sinfliger. Au-delà de ces affrontements se profile un danger majeur, celui du divorce entre les mondes, Orient contre Occident, islam contre chrétienté, riches contre pauvres.

La France sest mobilisée pour arrêter lescalade des violences. La résolution 1701, élaborée largement à son initiative et adoptée à lunanimité par le Conseil de sécurité, a permis de mettre un terme aux combats. Ce texte offre également le cadre dune solution durable fondée sur la sécurité dIsraël et la souveraineté du Liban sur la totalité de son territoire.

Cette crise dune nature sans précédent est le produit dautres impasses. Le conflit israélo-palestinien cristallise toute lincompréhension entre les mondes. Pourtant, un consensus existe, y compris entre Israël et les Palestiniens, sur la coexistence de deux Etats vivant en paix et en sécurité. Mais en vérité, et cest le plus grave, chacun a perdu confiance en lautre.

Le défi, cest de rétablir cette confiance afin de relancer laction diplomatique et de poser les conditions d’une paix juste et durable. La France s’y emploie, en agissant auprès de tous les peuples de la région.

Intransigeante sur l’antisémitisme qui met en jeu lessentiel, la France lest également pour affirmer le droit absolu dIsraël à vivre en paix et en sécurité au sein de sa région.

Cette exigence nest pas seulement celle que commande le droit international, qui a donné à lEtat dIsraël sa pleine légitimité lors du partage du mandat de Palestine. Elle va bien au-delà ; elle touche à la reconnaissance incontestable du droit du peuple juif à un Etat, après tant de siècles de dispersion et de malheurs.

"Un tel pays, observait déjà Lamartine, repeuplé dune nation jeune et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil de tropique, produisant de lui-même toutes les plantes nécessaires ou délicieuses à lhomme, serait encore la terre de promission aujourdhui si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté".

Cest cette même conviction qui conduisit la France à prendre une part active à la fondation de l’Etat d’Israël et à lui apporter un appui résolu dans sa phase de construction. Fidèle à cet héritage dont elle est fière, cest cette même conviction, inébranlable, qui lanime aujourdhui.

Les prochaines années sont riches d’échéances capitales. Pour la France, bien évidemment, qui choisira son Président, puis ses députés, pour un nouveau mandat ; pour la communauté juive de France, également, et particulièrement pour le CRIF, cher Roger Cukierman, qui assurez, avec tant de talent et d’énergie, la lourde tâche dêtre, avec les autorités religieuses, le porte-parole du judaïsme français ; année capitale aussi, parce que ce sera celle de la célébration de la réunion du grand  Sanhédrin qui préfigura la création du consistoire de Paris, chargé d’organiser le culte pour une communauté forte alors de 3 500 âmes, aujourd’hui proche du demi-million ; pour la paix, enfin, une paix juste et durable, qu’il nous appartient tous de construire.

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