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Le développement durable : Urbanisme & Construction

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Vice-Président du Conseil général,
Monsieur le Premier Président de la Cour dappel,
Monsieur le Bâtonnier,
Monsieur le Président du COBATY Tours,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre invitation.Cest avec un grand plaisir que je vous rejoins à Tours, au terme d’une semaine où une part de mes activités ministérielles ont été consacrées à la création et à l’avenir. J’étais tout à l’heure auprès du Premier ministre, au siège d’une entreprise de jeux vidéos, pour annoncer le plan du Gouvernement en faveur de la création numérique. Mercredi, j’ai présenté en conseil des ministres une communication sur la création artistique et culturelle et fait le point des mesures que nous avons prises pour relancer la création et la replacer au cœur de nos politiques culturelles. Un pays qui crée, qui innove, surtout quand il a un patrimoine aussi riche que le nôtre, est un pays qui va de l’avant, s’adresse à son temps et au reste du monde. Oui, la création, c’est l’avenir de notre pays, de notre région, de notre ville. Vous êtes, vous aussi, des créateurs, des concepteurs, des bâtisseurs, des constructeurs, des aménageurs de nos bâtiments, de notre territoire, de notre cadre de vie. Mais aussi de valeurs, d’éthique, d’avenir. Tel est bien le sens de votre réunion et de vos débats d’aujourd’hui. Je sais la somme de compétences, de connaissances, d’expériences et de qualités professionnelles que vous représentez. Vous allez évoquer les multiples enjeux juridiques, techniques, scientifiques, économiques du développement durable dans les domaines de l’urbanisme et de la construction.

Je tiens à vous dire combien je compte sur vos travaux, votre réflexion, votre force de proposition, pour nourrir mon action et mes projets d’élu et de responsable politique. Car les enjeux qui sont devant nous sont à la fois difficiles, exigeants et passionnants. Ils sont aussi culturels et politiques. « Satisfaire les besoins de la génération actuelle, sans priver les générations futures de la possibilité de satisfaire leurs propres besoins » : oui, si l’on retient cette fameuse définition de Gro Harlem Brundtland, qui servit de socle au premier Sommet de Rio, le développement durable, c’est d’abord « notre avenir à tous ». Il nous concerne tous, que nous soyons responsables politiques, économiques, entrepreneurs, experts ou hommes de l’art, citoyens, engagés ou non, dans notre cité, dans notre région, citoyens d’un monde de plus en plus conscient des défis planétaires que nous avons à relever, non pas demain, mais aujourd’hui, pour vivre ensemble, c’est-à-dire pour habiter cette terre, notre seule planète, que selon le proverbe amérindien, « nous empruntons à nos petits-enfants ».

Il faut agir et il faut agir maintenant. Bien sûr, tout changement dans nos habitudes ou dans nos façons de faire entraînera des coûts supplémentaires. Mais aussi l’émergence de nouveaux savoir-faire, de nouvelles compétences, de nouvelles performances, de nouveaux marchés. Je suis convaincu des gisements d’activités, d’emplois, du potentiel de commandes, qu’apporteront les réponses et les solutions techniques que vous imaginez pour rendre notre ville, notre cadre de vie du futur, durable. C’est pourquoi je n’oppose pas environnement et croissance. Le temps de l’utopie de la « croissance zéro » est révolu.

Le développement durable comporte trois piliers et chacun d’entre eux assure la solidité de l’ensemble de l’édifice :

  • un pilier économique, qui vise des objectifs de croissance et d’efficacité. Les services que vous offrez ou inventez sont d’abord des résultats, même s’ils sont le plus souvent rémunérés en fonction de ce qu’ils dépensent et non de ce qu’ils permettent d’économiser ;
  • un pilier social, et je dirais aussi culturel, pour satisfaire les besoins des hommes et renforcer la cohésion de nos sociétés ; les besoins de racines, d’identité, d’éducation, mais aussi d’expression et de création, ne sont pas les moindres de ces besoins ; en adoptant la convention sur la diversité culturelle, à l’Unesco, le 20 octobre dernier, la communauté internationale a reconnu leur importance et leur spécificité ;
  • un pilier environnemental, naturellement, pour préserver, améliorer et valoriser l’environnement et les ressources naturelles sur le long terme. Tel est l’objectif d’une écologie humaniste, qui replace l’homme au cœur de notre projet de société et de notre ambition politique. Faut-il rappeler que le mot « écologie » a été forgé sur la racine grecque « oïkos » et que la biodiversité est celle des espèces vivantes, mais aussi de leurs « habitats » naturels ? Et, dans ce domaine particulièrement, comme l’a écrit avant-hier mercredi le Président de la République dans son message à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se clôt aujourd’hui même à Montréal, « les coûts de l’action – pour considérables qu’ils paraissent – demeurent très inférieurs à ceux du laisser-aller. » La catastrophe qui a dévasté la Nouvelle-Orléans, où j’étais, il y a un mois, jour pour jour, venu au nom du gouvernement, témoigner de la solidarité et du soutien de la France, montre assez combien, la facture des dérèglements climatiques pourrait vite devenir insupportable, si nous ne nous retroussons pas tous nos manches. Quelle que soit la prise de conscience nécessaire de la communauté internationale, où vous savez que la France joue un rôle pionnier, quelles que soient les impulsions que doit donner le gouvernement et je vais y revenir dans un instant, chaque décideur, chaque acteur local, chaque citoyen doit y prendre part, car c’est sur les comportements collectifs et sur les actions individuelles qu’il faut agir. La tâche est immense. Beaucoup a déjà été fait, sur le plan national, depuis 2002. Un plan climat national existe, et le Premier ministre a montré l’importance qu’il accorde à ses objectifs, en intervenant lui-même, le 15 novembre dernier, au premier rendez-vous « Climat 2005 », pour exprimer la volonté du Gouvernement de « passer à la vitesse supérieure ».

Car les réalisations effectives en France, à léchelle dune ville ou dun quartier entier, sont encore trop peu nombreuses et nous nen sommes même pas au stade de lexpérimentation significative. Même en Europe, lexemple de Fribourg reste exceptionnel.

Il y a bien, au départ, un problème de culture dans notre façon daborder le territoire. Comme la ressource en énergie, lespace a longtemps été considéré comme inépuisable et nous avons du mal à le penser avec économie, en faisant rimer économie et écologie urbaines.
Puisque le développement durable, c’est d’abord une projection dans le long terme, il doit intégrer non seulement linvestissement immédiat, mais aussi la maintenance et le coût de fonctionnement de nos ouvrages, équipements ou édifices.

Bien sûr, linvestissement immédiat respectueux des cibles de la Haute qualité environnementale est plus important que dans une construction ordinaire, mais ce calcul à court terme doit prendre en compte lamortissement à moyen terme.

Réduire la consommation dénergie des bâtiments par quatre, à lhorizon 2050, impose de reconsidérer bien des habitudes, pour permettre aux concepteurs de projeter de nouveaux bâtiments efficaces, dun coût de construction maîtrisé. Cest bien en associant plus étroitement les entreprises, lindustrie, les architectes et les ingénieurs que nous pourront trouver des solutions constructives et architecturales satisfaisantes.

"Moins desthétique, plus déthique" disait-on à la Biennale darchitecture de Venise. Regardons cette architecture émergente, les exemples existent, tels le siège de la région Alsace des architectes Chaix et Morel…

Jai bien conscience du rôle essentiel que doivent jouer les élus territoriaux, pour progresser avec vous.

Ainsi a-t-on pu calculer que du fait des décisions d’équipement qu’elles prennent en matière d’aménagement, d’urbanisme, de transports, du fait du patrimoine qu’elles gèrent (les bâtiments, les éclairages publics, les flottes de véhicules) et du fait des activités pour lesquelles elles assurent une compétence de gestion (les transports, les déchets, la distribution d’énergie notamment via les chauffages urbains), les collectivités interviennent directement sur environ 12% des émissions de gaz à effet de serre.

L’Etat ayant donné l’impulsion en créant un Plan Climat national, il faut à présent que l’action soit relayée de manière forte au niveau des villes, des départements, des régions. Il nous faut, je crois, du « concret » : nous ne relèverons pas le défi de la lutte contre le changement climatique si nous ne le traduisons pas par des actions très concrètes au niveau local.

Réaliser un Plan Climat Territorial, c’est, pour une collectivité locale, le moyen de montrer une volonté politique et de structurer son action.

Pour aider et accompagner les collectivités dans cet objectif, un guide, intitulé « Un Plan Climat à l’échelle de mon Territoire », a été élaboré par ma collègue Nelly Olin, ministre de l’écologie et par l’ADEME, dont je souhaite qu’il soit largement diffusé.

Seuls les maires et les élus locaux peuvent maîtriser, sur un territoire donné, lensemble des dispositifs opérationnels en coordonnant les différents acteurs. Ils peuvent et doivent agir :

  • par la planification urbaine ; ainsi les documents durbanisme, ne peuvent se limiter à la répartition des droits à construire ; ils doivent intégrer désormais la complexité, jusquà la gestion de leau pluviale, de la production dénergie, des transports collectifs, de la collecte et du traitement des déchets ;
  • par des opérations programmées damélioration de lhabitat, avec lAgence nationale damélioration de lhabitat (ANAH) en milieu urbain ou rural, et des opérations programmées damélioration technique des bâtiments, avec lAgence de lenvironnement et la maîtrise de lénergie (ADEME) ;
  • par la mise en œuvre des normes de haute qualité environnementale quand c’est possible, et, lorsque ce n’est pas possible, de haute performance énergétique – qui permettent une économie de 8% au moins par rapport à la réglementation thermique en vigueur.
  • par l’attention portée à la formation continue des professionnels, je pense en particulier aux artisans et aux entreprises du bâtiment, pour adapter leurs savoir-faire aux nouvelles techniques ;
  • par l’ambition, la vision, mais aussi lanimation et la gouvernance locale d’un projet qui doit être élaboré et débattu avec les habitants pour réussir. Le ministre en charge de l’architecture rejoint ici aussi l’élu municipal et je ne manque pas, à chacune de mes interventions devant les architectes, d’insister sur le dialogue nécessaire et constant entre le maître d’œuvre, le maître d’ouvrage et les usagers.

En tant que ministre, je suis les chantiers qui ont été engagés par le gouvernement et je compte prendre des initiatives.

Je suis fier des incitations fiscales fortes qui ont été mises en place . Les mesures nouvelles prises cette année par le gouvernement permettent aux propriétaires dalléger la facture de leurs investissements, quil sagisse du taux de la TVA pour les interventions faites sur les constructions existantes, ou du crédit dimpôt pour les acquisitions déquipements, de matériels et d’appareils destinés aux économies dénergie ou aux énergies renouvelables, par exemple.

Toutefois, je tiens tout particulièrement au dispositif fiscal découlant de la loi Malraux sur la restauration immobilière, car il permet dengager de véritables politiques de valorisation des centres anciens et nourrit une part importante de lactivité des entreprises locales, dans les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Jai ainsi transmis au Premier Ministre et au ministre chargé du budget une proposition de texte pour le projet de loi de finances 2006 destiné à préserver cet instrument essentiel pour le développement durable de nos quartiers anciens.

Je sais les difficultés que vous pouvez rencontrer dans larticulation des politiques de maîtrise de lénergie et de valorisation du patrimoine architectural et urbain dans les quartiers anciens. Nous avons besoin de rapprocher vos compétences et toutes celles des professionnels et, pour favoriser lémergence de solutions satisfaisantes pour tous, je convierai les responsables des directions ministérielles concernées, de lADEME et de lANAH, notamment, pour engager un véritable travail commun fondé sur lanalyse de démarches expérimentales et de bonnes pratiques.

Après la réforme de lenseignement de larchitecture, je suis destiné à donner toute sa place au développement durable, dans la formation initiale des architectes, certes, mais aussi dans les cycles supérieurs des diplômes de spécialisation et dapprofondissement comme dans la recherche, sans oublier la formation continue des architectes tout au long de leur vie professionnelle. Je sais, à cet égard, les attentes des instances professionnelles et des syndicats. Aussi demanderai-je par conséquent à privilégier les actions concrètes destinées à créer une culture commune, architecturale et technique.

Cette action et cette volonté collectives porteront leurs fruits. Parce qu’elles sont issues d’une volonté politique ambitieuse. Parce qu’elles modèlent nos futurs modes de vie dans nos territoires, ruraux ou urbains. Parce que les investissements faits ici forment un patrimoine, un cadre de vie qui ne peut être délocalisé. Parce que nous répondrons aux demandes de formations des professionnels de toutes nature, ouvriers, concepteurs, agents administratifs, artisans, industriels.

Oui, en mobilisant toutes les intelligences, toute votre créativité et toute votre expérience, nous inventerons et préparerons ensemble la ville de demain.

Je vous remercie.

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