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Inauguration du Centre national du théâtre

Lieu de rayonnement, lieu de décloisonnement, lieu de nouveaux liens, lieu de transmission, lieu de dialogue et de rencontre exemplaire de la place des arts de la scène au coeur de la culture et de la cité : tels sont les voeux, telles sont les ambitions, que je forme en ce début d’année, pour 2005 et pour les années qui viennent, pour le Centre national du théâtre… Madame la Ministre, Madame la Député-Maire, Chère Françoise,
Monsieur le Président, Cher Michel Dubois,
Monsieur le Directeur, Cher Jacques Baillon,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis du théâtre,

Je suis très heureux, en ce début d’année, puisqu’il est encore temps, de vous présenter à tous mes voeux les plus sincères et les plus chaleureux, en inaugurant avec vous ce nouveau lieu où s’installe le Centre national du théâtre. Un nouveau lieu pour de nouveaux liens.

Cher Jacques Baillon, vous venez d’évoquer la fonction tribunitienne du théâtre. Oui, les praticiens du théâtre et de la chose publique savent que l’un et l’autre s’appuient sur la parole et le geste. Et en présentant la déclaration du gouvernement sur le spectacle vivant, à l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier, en exposant mon ambition de replacer la culture et les artistes au coeur de la cité, j’ai fait observer aux députés que c’est un même mot, celui de représentation, que la démocratie et la culture ont en partage. Un même lieu : depuis la Grèce, l’hémicycle est commun au théâtre et à l’assemblée des citoyens. Un même bien commun, enraciné dans une longue histoire, que vous connaissez si bien, cher Jacques Baillon, et que vous venez d’éclairer à la lumière de votre expérience, mais aussi de votre savoir de philosophe.

Merci, d’avoir situé d’emblée votre propos dans l’enthousiasme et dans l’énergie de cette perspective, en rappelant ce paradoxe du spectacle vivant, éminemment éphémère, fatalement périssable, mais nécessairement transmissible, grâce au travail des acteurs, des auteurs, des metteurs en scène, des techniciens, et de tous les métiers qui permettent de créer cette rencontre entre le théâtre et son public, cette convergence entre le texte, la parole, le geste, la scène.
La scène, que Mallarmé décrivait comme « le foyer évident des plaisirs pris en commun, aussi et tout bien réfléchi, la majestueuse ouverture sur le mystère dont on est au monde pour envisager la grandeur, cela même que le citoyen, qui en aura l’idée, fonde le droit de réclamer à un Etat, comme compensation de l’amoindrissement social » (Crayonné au théâtre).

Oui, ce lieu se situe dans le cadre de cette ouverture au monde, de cet échange qui demeure, plus que jamais aujourd’hui, dans la nature du théâtre.
Ce lieu sera, vous l’avez dit, un lieu d’invention de l’avenir du théâtre, ce « bureau de liberté », de la « prospective et de l’utopie » : j’ai beaucoup aimé cette expression, que j’ai ressentie autant comme une référence aux penseurs qui vous inspirent, que comme un appel à vos collaborateurs, aux journalistes, au public, aux amateurs et aux professionnels qui tous, sont appelés, à un titre ou à un autre, à venir ici vous consulter, vous interroger, et que vous allez accompagner pour un bout de leur chemin.

Car la vocation de ce lieu, et le sens de son ouverture, c’est aussi le décloisonnement, le franchissement des murs et des frontières : entre le théâtre public et le théâtre privé, j’y suis très sensible ; entre le théâtre et les autres expressions artistiques du spectacle vivant, je pense en particulier aux relations avec des institutions, comme le Centre national de la danse, ou le Centre Hors les murs, dédié aux arts de la rue et aux arts du cirque. Le décloisonnement, au sein même du monde du théâtre, c’est ce brassage, que vous allez organiser ici, en un « tumulte ordonné » (Louis Jouvet).

C’est d’abord le brassage des idées, de la réflexion sur la matière théâtrale, de la rencontre avec toutes les intelligences utiles au théâtre. Je vous fais confiance pour faire de votre centre un lieu où les idées fourmillent, où les informations circulent, où les expériences s’échangent.

Hölderlin, pour lequel les fleuves, les flux, sont la métaphore de la pensée et de la création, écrit que le fleuve est un « éveilleur du matin » et qu’il emplit « jusqu’aux ombres glacées, la maison d’enthousiasme ». Votre Centre sera plus qu’un centre de ressources, il sera le Centre de mille sources, où pourront venir puiser, tous les professionnels, et tous ceux qui se destinent aux métiers du théâtre. J’ai été très sensible à votre souci des jeunes compagnies et des générations émergentes du théâtre.

Vous savez que ce thème, et celui de la formation, est l’un de ceux que j’ai proposés au Conseil national des professions du spectacle, pour structurer son travail de cette année, qui doit aboutir, avec le concours de tous nos partenaires, à la consolidation d’un système pérenne, pour la reconnaissance durable de tous les métiers du spectacle vivant et de l’audiovisuel dans notre pays. Le développement de l’emploi culturel, vous le savez, est l’une de mes préoccupations principales. Je souhaite que votre Centre soit le lieu de valorisation des formations et de l’emploi dans les métiers du théâtre, dans l’esprit de cette véritable bible, de ce guide annuaire du spectacle vivant qui est le livre, sinon de chevet, du moins de bureau, de tout professionnel et bien sûr, du ministre y compris.

Ce lieu de décloisonnement sera un lieu créateur de liens. Il n’est rien de plus précieux dans l’univers actuel du spectacle vivant que la continuité des liens forgés au cours de votre histoire et des liens nouveaux que vous créerez ici, des liens gardiens de la mémoire des lieux, des idées et des gens, riches des trésors, des expériences accumulées, transmises de générations en générations de professionnels. L’innovation ne surgit pas d’une table rase. La transmission des savoirs sur les savoirs et les savoirfaire du théâtre est au coeur de votre mission.

Vous l’avez évoqué, et je veux y revenir un instant. Longtemps, le théâtre s’est installé dans les marges, il s’est parfois disséminé dans des lieux peu exposés à la vue des médias, hors des circuits marchands. Tant mieux, en un sens, puisque le théâtre n’est pas une marchandise. Evidemment. Je souscris à cela, et mon action le montre chaque jour. Mais vous avez évoqué l’audiovisuel, en touchant là, vous le savez, un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Baudrillard et Virilio ont raison, lorsqu’ils montrent que le théâtre, tout comme la danse, a ceci d’exceptionnel dans l’art, qu’il n’est possible que par le travail du corps. Le mythe d’Antigone est d’abord le corps d’Antigone. Et au sein d’une réalité qui devient de plus en plus virtuelle, le théâtre aura toujours cette puissance qui lui permet, au sens propre, d’incarner les mythes. Mais il faut réfléchir, lorsque l’on veut replacer les artistes au coeur de la cité, à l’érosion symbolique qui menace l’art des marges. Je compte beaucoup à cet égard sur vos réflexions, sur vos propositions, et, dès la semaine prochaine, je vous donne rendez-vous, pour approfondir cette question essentielle des relations entre le théâtre et l’audiovisuel, au théâtre de l’Athénée pour le débat que vous organisez. Je sais que vous donnez ici l’exemple en rendant accessible à tous un fonds remarquable de films de théâtre.

Cette question est essentielle au rayonnement de votre art. Dans le monde d’aujourd’hui, ce rayonnement est aussi européen et international. Je sais l’importance que vous attachez aux échanges internationaux. Le théâtre, parce qu’il fait partie du patrimoine de l’humanité, est exemplaire de la diversité des expressions artistiques et de la diversité culturelle. Le théâtre est au coeur de notre action pour la protéger, pour la défendre, pour aider à son épanouissement et promouvoir les échanges et la coopération internationale, afin de faire vivre le dialogue des cultures si nécessaire à notre temps. Cette année, la communauté internationale doit adopter à l’automne la Convention internationale sur la diversité culturelle, qui créera une base juridique nouvelle, qui légitimera le droit des Etats de mener des politiques culturelles, selon des règles spécifiques, différentes de celles de l’Organisation mondiale du commerce et de l’accord général sur le commerce et les services.

En rejoignant l’Institut international du théâtre, organisation associée à l’Unesco, qui fédère un très grand nombre d’institutions théâtrales et d’artistes du monde entier, le Centre national du théâtre apportera une contribution importante à ce combat décisif.

Lieu de rayonnement, lieu de décloisonnement, lieu de nouveaux liens, lieu de transmission, lieu de dialogue et de rencontre exemplaire de la place des arts de la scène au coeur de la culture et de la cité : tels sont les voeux, telles sont les ambitions, que je forme en ce début d’année, pour 2005 et pour les années qui viennent, pour le Centre national du théâtre.

Je vous remercie.

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