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Donnedieu en confession

Le ministre de la Culture a géré avec doigté le dossier des intermittents. Il compte étendre son action… «Il sen sort bien parce quil était prêt, quil possède le métier», résume Jean-François Copé, ministre délégué au Budget… Il se souvient très bien, ce contrôleur du TGV Sud-Ouest, du jour où il rencontra Renaud Donnedieu de Vabres, alors simple député, muni… dune photocopie de son billet de train. Ayant évoqué devant lui la question des pensions de veuvage, il reçut peu après la vidéocassette dune émission où «RDDV» avait soulevé le problème. Pour le ministre de la Culture et de la Communication, la politique est un métier de chaque instant. «Il faut plonger dans leau froide», aime-t-il répéter. Leau froide, il ny était pas comme un poisson, le 1er avril dernier, au lendemain de sa nomination Rue de Valois. Haletant, geste fébrile et regard en dedans, il témoignait par sa distraction et son effroi dune vraie conscience républicaine: pas de morgue, mais de la panique face aux responsabilités.

Le 9 décembre, cest plein dassurance quil est sorti du débat dorientation parlementaire sur lemploi culturel. «Il sagissait de voir si les députés de la majorité étaient derrière lui, explique Dominique Paillé, UMP investi dans le dossier des intermittents. Or nous étions plus nombreux que prévu et cinq fois plus représentés que lopposition.» Cette semaine apporta dautres bonnes nouvelles à Donnedieu, dont un budget pour la chaîne dinformation internationale hissé à 30 millions deuros pour 2005. «Il a su tirer les arbitrages à son profit, même si on la aidé», confie-t-on dailleurs à lElysée. Le ministre, lui, se veut gourmand: «Je ne réclame pas comme mes prédécesseurs 1% du budget national: je suis plus ambitieux. Je me mets sous toutes les gouttières et Bercy sait que je serai un éternel mendiant!»

Avec le spectre du milliard deuros de déficit pour le régime des intermittents, la culture continuera néanmoins à fâcher le contribuable, et ce dossier à ombrager laction du ministre. «Il a été nommé dans les pires conditions, concède lUDF Hervé Morin. Les images, au début, étaient terribles, mais il a toujours dit quil fallait être cabossé en politique; alors, il va au devant des coups.» «La semaine qui a suivi sa nomination, le bouche-à-oreille nétait pas très bon, confirme lElysée. Mais il a retourné la situation, car il sait que lon ne peut pas être ministre contre sa clientèle.» Aujourdhui, la réforme radicale du régime des intermittents est morte. «Lintermittence est une nécessité absolue!» clame le ministre, qui a rétabli les 507 heures sur douze mois – et non onze – pour 2005. «Si la CFDT et le Medef rechignent, il sait que la majorité laidera à passer par la loi», confirme Paillé.

Cest au contact des intermittents en colère que Donnedieu est vraiment devenu ministre, effaçant Jean-Jacques Aillagon. «Jai pris lhabitude de toutes les aubades», évoque-t-il en vétéran dune retraite en ordre menée dans les rues de Chalon-sur-Saône, à Avignon ou sous le chapiteau des Entretiens du spectacle vivant. Alors quun député dopposition lançait: «La question politique est de savoir si Donnedieu est un leurre», il fit son entrée dun sonore: «Le leurre est là!»

Après les errements de la «bande à Léo»

Sil a réglé en huit mois le problème du leurre et de largent du leurre, cest aussi parce quil connaît par cœur ce ministère où il servit François Léotard en 1986, découvrant de lautre côté des colonnes de Buren, à la Comédie-Française, Roch-Olivier Maistre, devenu depuis conseiller culturel à lElysée. «Il sen sort bien parce quil était prêt, quil possède le métier», résume Jean-François Copé, ministre délégué au Budget. De plus, RDDV a survécu aux errements de la flamboyante «bande à Léo» et aux affaires politico-financières, avec une mise en cause qui lui coûta après six semaines, en juin 2002, un premier maroquin, aux Affaires européennes.

Ce métier, Renaud Donnedieu de Vabres arrivera-t-il à le réinventer? Tous ceux qui le décrètent meilleure surprise, avec Xavier Bertrand à lAssurance-Maladie, du remaniement de mars 2004 livrent leur scepticisme: «Il est passé du provisoire au transitoire sur les intermittents; il en a jusquau début de 2006, puis ce sera la présidentielle», calcule Paillé. «Va se poser la question de son empreinte», reconnaît lun de ses amis. Rêvant d «accords de Valois», Donnedieu refuse dêtre «M. Vieilles Pierres» ou «M. Cerise sur le gâteau», se voulant «M. Création dactivités, demplois et de rayonnement». «Cen est fini des complexes de la droite face au monde culturel», se réjouit-il. Fini? Dans le TGV Sud-Ouest, le contrôleur se souvient: «Un autre jour, Jack Lang était dans le train. Il sest assis au bar. Les gens passaient le voir; il les renseignait. Cétait incroyable.» Leau est encore froide.

par Christophe Barbier

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