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Remise officielle d’un chef d’oeuvre de l’art Dogon acquis par l’Etat grâce au mécénat du Groupe AXA pour le musée du quai Branly

Monsieur le Président du Groupe AXA,

Monsieur le Président du Musée du Quai Branly,

Madame la Directrice des Musées de France,

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir rue de Valois, pour un moment d’une rare
émotion : la présentation d’une oeuvre majeure, d’une oeuvre unique, qui, grâce à la loi du
1er août 2003 sur le mécénat et grâce au mécénat d’Axa, va rejoindre les collections du
musée du Quai Branly.

Ce chef-d’oeuvre, le voici. Il nous invite au voyage et d’abord dans le temps. Les analyses au
Carbone 14 le datent du Xe ou du XIe siècle, ce qui en fait l’une des plus anciennes statues
en bois du continent africain, dans une région où les Dogons et leurs prédécesseurs, se sont
établis sur la falaise de Badiangara, qui surplombe la boucle du Niger.

Nous sommes bien
en face de l’un des tout premiers exemples de sculpture figurative issue du continent noir qui
ait traversé le temps.

Jacques Kerchache ne s’était pas trompé lorsqu’il avait insisté pour présenter des oeuvres
Dogon au Pavillon des Cessions du Louvre. Leur ancienneté témoigne de l’importance des
civilisations de ce continent.

Et l’une des seules faites de ce matériau qui exprime à la fois la force et la sève de la vie.

Elle a survécu aux climats, aux termites, aux migrations, aux guerres, qui expliquent la rareté
des effigies très anciennes en bois qui ont pu parvenir jusqu’à nous.

Son origine précise demeure une énigme, un mystère, que je laisserai le soin aux
spécialistes ici présents de lever pour nous. L’une des hypothèses concernant son histoire
est qu’elle est l’héritage d’un peuple qui migre pour préserver ses racines spirituelles face à
l’extension de l’Islam. Mais je compte sur les conservateurs du Musée pour satisfaire une
partie de notre curiosité. Et je ne puis que vous inviter à suivre les traces jadis ouvertes par
Marcel Griaule et à lire l’ouvrage de référence d’Hélène Leloup sur la statuaire Dogon.

Cette sculpture, ce sont d’abord les signes de cette histoire. Des signes qu’il ne m’appartient
évidemment pas de décrypter. Mais ce sont aussi des signes chargés d’émotion et créateurs
d’émotion – une émotion que nous ressentons tous aujourd’hui – un véritable choc
esthétique. Au-delà de la qualité plastique de cette oeuvre, nous ressentons en effet devant
elle cette force mystérieuse, d’une culture, qui est, comme le disait André Malraux, «
l’attitude fondamentale d’un peuple en face de l’univers », et qui fait aujourd’hui partie du
patrimoine universel de l’humanité. Nous sommes d’emblée frappés par l’allure de cette
statue dressée comme un trait d’union entre la terre et le ciel, et qui est à la fois homme et
femme.

Cette représentation ancestrale, transmise depuis tant de générations jusqu’à nous, exprime
aussi la fécondité de cultures trop longtemps méconnues du grand public et dont la
rencontre s’impose aujourd’hui, tant pour découvrir leur ancienneté et leur génie, que pour
comprendre et dialoguer avec les hommes qui en sont les représentants.

Oui, nous voyons aujourd’hui combien le musée du Quai Branly sera un lieu magique, un
lieu d’exception, sans équivalent dans le monde, où les perspectives et les transparences de
l’architecture, de l’art et de la science, mettront en relation, en continuité et en intelligence
des collections extrêmement riches, venues pour l’essentiel du laboratoire d’ethnologie du
musée de l’homme et du musée des arts d’Afrique et d’Océanie, mais aussi des acquisitions
comme celle-ci.

Cette pièce exceptionnelle complètera ces collections pour le plus grand bonheur du grand
public, mais aussi des chercheurs, du monde entier, qui s’intéressent aux arts d’Afrique,
d’Océanie, d’Asie et des Amériques.

Cher Jacques Friedmann, je sais le rôle essentiel qui a été le vôtre dans cette aventure.

Vous avez accepté le poste de Président du Conseil d’Orientation du Musée du Quai Branly.

Votre détermination y fait merveille. Votre engagement personnel est toujours sans faille.

Vous l’aviez déjà montré lorsque vous avez accompagné pendant de nombreuses années la
programmation artistique du Musée du Jeu de Paume. Soyez-en chaleureusement remercié.

Cher Stéphane Martin, je dois vous le dire, si je comprends et si je partage votre
attachement à cette magnifique entreprise, la contemplation de cette oeuvre unique ne fait
que renforcer mon impatience – que vous savez partagée – de voir ce musée ouvrir ses
portes dès 2006.

Vos équipes sont, je le sais, très engagées dans leur travail d’inventaire, de réhabilitation, de
présentation. C’est un travail considérable qui a été accompli avec enthousiasme et
professionnalisme : je suis reconnaissant à l’ensemble des personnes qui travaillent à mettre
en oeuvre ce projet. J’ai peut-être, si vous me le permettez, une attention particulière pour
Madame Martine Aublet, votre responsable du mécénat.

En effet, c’est, je l’ai dit, grâce au mécénat et à la loi du 1er août 2003 que l’Etat a pu
acquérir ce chef d’oeuvre. C’est la première fois qu’un objet venu des civilisations hors
d’Europe bénéficie de cette loi.

Je connais l’enthousiasme de Monsieur Claude Bébéar auquel je tiens à rendre hommage.

Et je remercie tout particulièrement, avant de lui céder la parole, le Président du groupe
AXA, Monsieur Henri de Castries, pour avoir accepté d’apporter un financement, sans lequel
cette statue n’aurait pu trouver sa place dans les collections du Quai Branly.

Madame la directrice des Musées de France, je veux enfin remercier toutes les personnes
qui ont avec vous rendu possible cette acquisition remarquable. Je tiens à vous féliciter pour
la vigilance exemplaire de la Direction des Musées de France qui a évité l’exportation de
cette pièce majeure. Le Comité des Trésors Nationaux et le Conseil Artistique des Musées
de France, dont je salue les présidents Monsieur Michel David-Weill et Monsieur Edmond
Honorat ont montré toute l’importance de ces instances.

Je veux enfin rendre hommage à la compétence de tous les spécialistes, les conservateurs,
mais aussi tous ceux que la passion a attirés vers ces civilisations que le musée du Quai
Branly nous permettra de découvrir, et où cette statue trouvera bientôt, selon les mots de
Guillaume Apollinaire, cet « asile unique, à la fois musée, temple, bibliothèque et laboratoire
».

Je vous remercie.

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