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Mission d’information sur les métiers artistiques de l’Assemblée Nationale

Je suis heureux de me retrouver devant vous – et de
pouvoir, d’emblée, saluer le travail important que vous
accomplissez, la contribution qu’à travers vous la
représentation nationale entend apporter à une meilleure
reconnaissance du rôle que jouent, pour le rayonnement
de notre culture et de notre pays, les métiers artistiques. A
ce titre, l’attention que nos concitoyens et leurs
représentants portent aux conditions de travail des artistes
et techniciens va au-delà d’un seul sujet de solidarité
sociale ou professionnelle ; il s’agit d’un enjeu majeur de
politique culturelle.

Rappel des actions engagées

Dès ma prise de fonctions, avec l’appui du gouvernement
de Jean-Pierre Raffarin et, plus particulièrement, le
concours de Jean-Louis Borloo et de Gérard Larcher, je
me suis mobilisé pour créer les conditions d’une solution à
la crise du régime d’assurance-chômage des artistes et
techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de
l’audiovisuel, provoquée par la conclusion de l’accord du
26 juin 2003, mais dont les causes sont beaucoup plus
profondes et anciennes.

Mon objectif politique est en effet de conforter le régime de
l’intermittence, au sein de la solidarité interprofessionnelle.
Je n’ai pas pour perspective ni souhait de supprimer
l’intermittence : elle est adaptée aux besoins et aux
spécificités de l’emploi culturel.

Je me suis employé à renouer les fils du dialogue entre
toutes les parties prenantes : j’ai réuni à trois reprises le
Conseil national des professions du spectacle – et je le
réunirai encore le 17 décembre prochain -, j’ai accéléré la
mise en place de conseils régionaux pour l’emploi et les professions du spectacle (j’ai participé le 25 octobre à
celui de Besançon), je suis allé à la rencontre, dans tous les festivals
et dans tous les spectacles auxquels j’ai assisté, des artistes et
techniciens, pour parler avec eux, pour comprendre leurs conditions
de travail et de vie – pour leur montrer que leur Ministre est à leurs
côtés pour améliorer l’exercice de leur métier et leur permettre
d’exprimer leur talent.

A chaque étape, depuis le mois d’avril, le Gouvernement s’est
attaché à faire face aux situations de plus grande précarité.
L’UNEDIC a accepté, pour les années 2004 et 2005, un retour à la
situation antérieure pour les congés de maternité (ils sont assimilés à
des jours travaillés, sur la base de 5 heures par jour, et comptent
ainsi pour le calcul des 507 heures).

Le Gouvernement a créé un fonds spécifique provisoire, financé par
l’Etat, dont l’organisation a été définie par Michel Lagrave, Conseiller-
Maître honoraire à la Cour des Comptes. Géré par l’UNEDIC, pour
rester dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, ce fonds est
destiné à prendre en charge l’indemnisation des artistes et
techniciens qui effectuent leurs 507 heures en 12 mois mais n’y
parviennent pas dans les 11 mois prévus pour 2004 par le nouveau
protocole. Ce fonds prend également en charge l’indemnisation des
personnes en congé de maladie pour une durée supérieure à 3 mois.

Ce fonds est opérationnel depuis le 1er juillet 2004.

Au 19 novembre, dernier état connu, 2110 demandes ont été
présentées, 1078 décisions d’admissions et 717 décisions de rejet
ont été prononcées, 315 dossiers demeurent en attente de traitement
ou ont été classés sans suite.

Ces chiffres ne correspondent pas aux prévisions qui avaient été
faites lors de la mise en place du fonds et varient inexplicablement
d’une semaine sur l’autre.

Sous la conduite de Michel Lagrave, je souhaite diligenter, avant de
préciser les modalités de renouvellement de ce fonds pour 2005, une
mission d’inspection conjointe des finances, des affaires sociales et
des affaires culturelles, afin de vérifier les conditions de
fonctionnement du fonds en 2004, et nous aider à comprendre les
difficultés nombreuses actuellement signalées comme l’inexplicable
variabilité des chiffres d’une semaine sur l’autre.

Surtout, sans attendre, le Gouvernement s’est engagé dans le
traitement résolu des problèmes de fond.

La lutte contre les abus, sous l’égide de la DILTI, s’est
considérablement accrue, la progression du nombre d’entreprises
contrôlées est permanente, comme celles des procédures pénales
qui font suites à ces contrôles.

Dans l’audiovisuel, public ou privé, la mobilisation des diffuseurs se
poursuit et a permis, d’ores et déjà, d’obtenir des résultats significatifs
en termes de réduction du recours non justifié à l’intermittence.

Les textes permettant le croisement des fichiers sont déjà sortis
(décret du 7 mai pour le croisement des fichiers employeurs et
salariés) ou en cours de publication (décret sur le croisement des
fichiers et des organismes sociaux, qui a reçu l’aval du Conseil d’Etat
et de la CNIL).

J’ai confié à Jacques Charpillon, chef du service de l’inspection
générale de l’administration des affaires culturelles, une mission de
propositions pour mieux délimiter le périmètre des métiers et des
secteurs d’activité dont les spécificités justifient le recours à
l’intermittence. Son rapport, largement débattu, donne des
orientations et des pistes pour rendre le périmètre incontestable.

Il appartient aux partenaires sociaux, j’y reviendrai, dans le cadre de
la négociation de conventions collectives, de reprendre à leur compte
tout ou partie des propositions de délimitation du périmètre
présentées par Jacques Charpillon. A leurs côtés, l’Etat veillera à la
légitimité incontestable des métiers et des secteurs retenus, fondés
sur des spécificités objectives. Le Gouvernement s’opposera à
l’extension de conventions collectives qui n’auront pas traité
sérieusement la question du périmètre.

Plus largement, j’ai confié à Jean-Paul Guillot, la mission d’expertise
destinée à aider l’ensemble des acteurs concernés à construire un
système pérenne de financement de l’emploi dans les secteurs du
spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, et tout
particulièrement du système d’indemnisation du chômage des artistes
et des techniciens.

Il vient de me remettre son rapport, qui vous sera distribué d’ici la fin
de la matinée.

Ce rapport va être soumis à un large débat. Il alimentera le débat d’orientation qui se tiendra devant votre
Assemblée le 9 décembre prochain.

Il sera examiné par le Conseil national des professions du spectacle
que je convoque, spécialement à cet effet, le 17 décembre.
Un débat d’orientation doit également avoir lieu au Sénat, au mois de
janvier prochain.

La conclusion de Jean-Paul Guillot est claire. Aujourd’hui, quelles que
soient les appréciations que l’on peut porter sur les dispositions en
cours du régime d’assurance chômage, il est temps d’élargir le
spectre, de braquer les projecteurs, de mobiliser les énergies et les
volontés vers une politique ambitieuse de l’emploi culturel plutôt
qu’exclusivement sur les règles d’indemnisation du chômage.

Mon objectif est de créer les conditions d’un accord sur un système
pérenne du financement de l’emploi dans le secteur – et sur la place
que doit y prendre le régime d’assurance-chômage. Il nous faut sortir
de la logique qui a démontré, depuis une vingtaine d’années, de crise
en crise, de déficit en déficit, son inefficacité et qui consiste à
s’acharner sans résultat sur la définition des règles du régime
d’assurance-chômage.

Il faut passer d’un protocole d’accord contesté entre les partenaires
sociaux interprofessionnels, portant seulement sur l’assurancechômage,
à un protocole d’accord portant sur l’emploi culturel (une
sorte « d’Accords de Valois »), impliquant l’Etat, les collectivités
territoriales, les organisations du secteur et les confédérations, où
chacun doit prendre les engagements correspondant à ses
responsabilités, et où l’assurance-chômage sera progressivement
ramenée à son vrai rôle.

Compte tenu de la précarité qui s’est développée ces 15 dernières
années (80 % des intermittents ont un revenu annuel de leur travail
inférieur à 1,1 smic et 54 % d’entre eux déclarent moins de 600
heures travaillées), une politique de l’emploi adaptée aux
caractéristiques de ce secteur doit avoir pour objectifs de relever la
part des emplois permanents et des structures pérennes, d’accroître
la durée moyenne de travail annuel rémunéré et des contrats des
intermittents.

Je suis prêt à recevoir, de manière bilatérale, dès le début du mois de
janvier prochain, les partenaires sociaux du secteur et les
confédérations, les représentants des collectivités territoriales, pour
débattre avec eux de la politique d’emploi culturel.

Sans attendre l’ouverture de ces discussions, que je veux proposer à
chacun des partenaires concernés, je suis déterminé à engager sans
délai les actions qui dépendent directement de l’Etat et qui
correspondent à ces objectifs – et je suis prêt à accompagner les
démarches des collectivités territoriales qui s’orienteront dans cette
direction.

Ces actions s’organisent autour de 4 axes :

1. Renforcer l’efficacité des contrôles

Les actions déjà engagées doivent être poursuivies avec ténacité et
continuité ; elles commencent à produire leurs effets et la mobilisation
des services concernés doit demeurer entière : au-delà du
croisement des fichiers, il faut accélérer les travaux de construction
d’un système d’information économique et sociale sur l’emploi dans
le secteur, il faut encourager les principaux donneurs d’ordre dans
leurs efforts en cours pour intégrer, dans leurs contrats de soustraitance,
les incitations à une meilleure pratique du recours à
l’intermittence.

2. Orienter les financements publics vers l’emploi

Les financements publics, qu’ils émanent de l’Etat ou des
collectivités, à destination des structures ou projets culturels doivent
davantage tenir compte du volume et de la durée des emplois
générés par l’activité ainsi soutenue.

Des fonds spécifiques, pour lesquels l’Etat serait prêt à accompagner
les efforts des collectivités, permettraient d’aider à la
« permanentisation » de l’emploi ou à l’allongement significatif de la
durée des contrats.

3. Accélérer et systématiser la conclusion de conventions
collectives

Il importe de structurer le champ des conventions collectives et
d’aider les employeurs et les salariés à assurer une couverture
exhaustive du secteur, sans empiètements ou incohérences entre les
différentes conventions collectives.

Dans leur contenu, ces conventions collectives doivent traiter de la
question du périmètre légitime de l’intermittence et prévoir des
dispositions incitatives à la déclaration de tout le travail effectif
(préparation, répétitions…). En particulier les rémunérations prévues
pourront être fortement différenciées selon la durée des contrats,
pour encourager à l’allongement de leur durée.

Ces conventions collectives devront également permettre d’utiliser
toutes les possibilités juridiques ouvertes par les CDD d’usage.

4. Accompagner les efforts de professionnalisation des
employeurs et des salariés

Cet accompagnement passe par :
– l’encouragement aux dispositifs régionaux de mutualisation et de
structuration des employeurs du secteur du spectacle vivant.
– l’inscription, dans le projet de loi sur l’Education, du principe de
l’intervention des artistes dans les écoles et les établissements
scolaires : Il s’agit à la fois d’oeuvrer pour l’élargissement des publics
par la sensibilisation des jeunes scolarisés aux diverses formes
d’expression artistique et d’étendre les possibilités – et donc la durée
-d’emploi pour les artistes.
– le développement volontariste de l’apprentissage dans certains métiers
du secteur
– une meilleure maîtrise de l’offre de formation professionnelle, initiale et
continue, dans le secteur : en liaison avec la CNEFP-SV, inscrire
dans les schémas prévisionnels des formations des régions et dans
les PRDF un volet sur la formation professionnelle des artistes et
techniciens ; mieux maîtriser le dispositif d’habilitation des diplômes
universitaires dans le secteur ; définir, en liaison avec les professions,
un dispositif de « labellisation » d’une offre de formation privée qui
attire des jeunes sans leur offrir de débouchés ni une formation de
qualité ; s’assurer que l’offre de formation permet bien de concourir
aux projets de réorientation professionnelle pour des artistes et des
techniciens qui ne souhaitent pas – ou ne parviennent pas – à rester
dans le secteur
– un soutien aux artistes et aux techniciens dans leurs démarches de
recherches d’emplois, dans et hors le secteur, de logements, de
financements,…notamment à travers les futures Maisons de l’Emploi,
une mobilisation plus intense des ANPE Spectacle,…

En attendant la négociation nécessaire d’un autre protocole, un
fonds transitoire de préfiguration pour 2005
Toutes ces actions seront engagées dès le début de l’année 2005.

Elles créeront les conditions d’une meilleure négociation pour un
nouveau protocole d’assurance chômage des artistes et techniciens,
parce qu’elles montreront que l’on cesse de faire reposer sur la seule
assurance chômage toute la structuration de l’emploi dans le secteur.

En attendant ce nouveau protocole, j’ai indiqué qu’il n’y aurait pas
d’espace vide et que l’Etat prendrait ses responsabilités. Le
Gouvernement a donc décidé de renouveler, jusqu’à la conclusion
d’un nouveau protocole, le fonds spécifique provisoire qui a été mis
en place au 1er juillet 2004, selon les axes définis par Michel Lagrave
– et dont les modalités pourront être précisées à l’issue de la mission
d’inspection évoquée précédemment.

Ce fonds permet de définir, à compter du 1er janvier 2005, une
période de référence, pour l’ouverture des droits, de 12 mois (au lieu
des 10,5 ou 10 mois, qui correspondent à la durée définie pour 2005
par le protocole de 2003) avec date anniversaire. En cela, je le dis
clairement, je souhaite qu’il préfigure une règle qui devrait être
retenue par les partenaires sociaux pour un système pérenne, parce
que cette durée d’un an correspond au rythme annuel de l’activité du
secteur et permet aux salariés comme aux employeurs de mieux
programmer leur travail.

Ce fonds permet également de prendre en compte les congés de
maladie de plus de 3 mois – et donc des situations de grande
fragilité.

J’ai bien noté – et je comprends – les autres demandes qui se sont
exprimées pour qu’un nouveau système en 2005 préfigure davantage
les éléments nécessaires d’un système pérenne, destinés à
encourager un allongement de la durée du travail et à réduire les
situations de précarité.

Il me paraît légitime de laisser aux partenaires sociaux la
responsabilité d’en débattre et de décider la suite qu’ils veulent
réserver à ces propositions, dans le cadre du rendez-vous de fin
d’année qu’ils ont prévu.

Dans la mesure où ces propositions vont dans le sens souhaité pour
accompagner la politique de l’emploi que je veux mettre en place
pour le secteur, je ne suis pas fermé à ce que tout ou partie de ces
propositions, sous réserve d’examen plus précis, soit pris en charge
par le fonds transitoire de 2005, financé par l’Etat.

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