Archives de 2003

Une vraie pédagogie du sens de la laïcité était nécessaire… Le Président s’y engage !

30 décembre 2003

A lexposition sur la Bible, à Tours, une femme me lance:  » En fait, il faut que les chrétiens se taisent, pour que les musulmans naient pas la parole… » Diable!…    À lAssemblée Nationale, le mercredi 3 décembre, dans la salle de réunion du groupe UMP que nous avions prêtée pour la circonstance, plusieurs associations dont « Citoyenneté et Démocratie » commémoraient les 20 ans de la marche des Beurs. Avec son Président Hassan Ben M’Barek, bourré de malice et dintelligence, nous avons un vrai « palmarès » de contacts très directs de terrain : Alain Juppé dans le « 93 », Dominique de Villepin à Argenteuil et moi-même à Gennevilliers le soir de lentrée en guerre des États-Unis contre lIrak…

Dans ce lieu de débats parlementaires aussi rituels qu’éternels, lair était électrique. Latmosphère vive et stimulante. Celle des grands soirs, des meetings authentiques. Dans les premiers rangs, quelques personnes très voilées… Du coup, quelques hommes avaient revêtu leurs kippas symboliques… Seul le Père Delorme, magnifique figure de légalité des droits entre tous les citoyens quelle que soit leur origine, était en tenue totalement civile ! ! !

En arrivant et en retrouvant de nombreux amis avec lesquels nous avions organisé –  dans l’ombre – cette rencontre, jai tout de suite compris que la soirée allait être « chaude », tant les impatiences, les frustrations et les injustices étaient fortement ressenties.Et très perceptibles.

Claude Bartolone, lancien ministre PS de la ville, et Patrick Braouezec, pour le PC, nont pas honoré de leur présence la table ronde qui devait clôturer les témoignages des principaux acteurs de la marche, contrairement à ce qu’ils avaient promis. Sans prévenir quiconque… Une attitude désinvolte et méprisante à limage de l’ échec de la politique dintégration de 2 septennats socialistes de François Mitterrand et du quinquennat matignonesque de Lionel Jospin…

Tous les courants de pensée et dexpression des Français de religion musulmane étaient réunis, pour interpeller parfois très « directement » le seul élu de la Nation, du coup, que jétais ce soir-là. Avec dailleurs, à la sortie, un sentiment de fierté davoir rempli mon devoir, et davoir réussi à tenir le choc des passions qui sont béantes et vives.

À de nombreuses reprises, jai compris que la différenciation religieuse nétait au fond quun prétexte pour exprimer et clamer le ras-le-bol de l’injustice sociale. Les portes fermées pour un jeune diplômé apparaissent encore plus brutales lorsque la couleur de la peau ou la consonance du nom permettant facilement d’imaginer quil sagit en fait dune exclusion à caractère raciste, xénophobe… Avancer le fait que le chômage touche également des garçons et des filles, Français depuis des générations et bardés de diplômes ne sert strictement à rien, tant le parcours du combattant est plus rude lorsque lon vient « des quartiers » comme on dit pudiquement…

« Je suis un citoyen musulman, qui… » Ai-je entendu à de très nombreuses reprises avec une volonté forcenée de signifier que lappartenance religieuse était un étendard plus flamboyant que le drapeau national !

Jai, à chaque fois, essayé de répliquer avec pédagogie mais fermeté que la religion ne serait jamais une origine nationale en France et que c’était le sens même de notre volonté de remettre à lhonneur les principes de laïcité.

Dans ces échanges parfois polémiques et délicats, est survenu un incident qui a détendu latmosphère. Un jeune dans lassistance a posé à un brillant intellectuel français, de religion juive, partageant sa vie entre Jérusalem et Paris coiffé de sa kippa, une question en lappelant : « Monsieur le Rabbin ». L’intéressé a réagi avec humour en enlevant aussitôt sa kippa et en expliquant quil nétait qu’ universitaire ! Les caméras de France 2 étaient malheureusement parties…

Cette scène illustre au fond assez bien que les signes religieux sont faits pour les enceintes religieuses… Sinon s’instaure une certaine confusion entre le laïc et le religieux ! ! ! Sic…

En tout état de cause, parler religion en cette journée de commémoration de lirruption dans lactualité politique et sociale il y a 20 ans des jeunes Français issus de limmigration, cest pour eux ostensiblement refuser de considérer avec attention la réalité de leur vie quotidienne. Évoquer  l’Islam, stipuler l’égalité nécessaire entre lhomme et la femme sont considérés comme une sorte dabus choquant où lon cherche délibérément à nier l’injustice et linégalité en mettant artificiellement en avant les clivages confessionnels.

Ce ressentiment est particulièrement exacerbé chez les fondamentalistes musulmans qui cherchent eux-mêmes à utiliser la misère et la détresse humaine pour embrigader dans leurs rangs les plus faibles et les plus démunis.

« L’heure est à la réparation des injustices subies, des exclusions pérennisées, des discriminations juridiquement proscrites mais pratiquement tolérées ». Ce cri du cœur, avec de multiples exemples à la clé, a retenti avec éclat tout au long de nos discussions. LAssemblée, dans le calme dune soirée où les députés avaient déjà regagné leur circonscription, grondait dans son sous-sol dune revendication quil faut considérer et traiter avec intelligence et activisme. Comme la entrepris avec talent et générosité Jean-Louis Borloo, résolu à « réduire » la fracture territoriale que lui a laissée la gauche soi-disant solidaire et généreuse.

Malgré limpérieuse nécessité de rétablir concrètement une vraie égalité entre tous les Français, quelle que soient leur origine, leur couleur de peau, leur religion, et dagir méthodiquement pour y parvenir, il reste urgent de donner un coup darrêt à toutes les dérives racistes, xénophobes, antisémites, islamophobes, qui souillent quotidiennement lactualité française. De stopper lutilisation de la religion comme une arme politique de guerre intérieure.

Cest à notre honneur, même s’il est déjà tard pour le faire, de rappeler à lordre des valeurs républicaines ceux qui sont tentés de sen soustraire. A charge pour cette République de donner sa chance à chacun

Il est des lieux, des dates, des circonstances où cest un exercice redoutablement difficile. Mais la désertion reste la pire des lâchetés !

***

Tours. Samedi 6 décembre. Sous le péristyle de lHôtel de ville, où était inaugurée une exposition sur la Bible, censée aux yeux du maire très prudent « équilibrer » celle consacrée à lhistoire de la Franc-Maçonnerie il y a un an !

Une femme d’une cinquantaine dannées s’approche de moi pour parler laïcité, loi, voile, signes religieux ostentatoires etc. Elle me lance, avec la force d’un missile ultra-sophistiqué : « EN FAIT, IL FAUT QUE LES CHRETIENS SE TAISENT POUR QUE LES MUSULMANS N’AIENT PAS LA PAROLE ». Elle résumait par cette phrase lapidaire ce qu’en profondeur de nombreux chrétiens ressentent sans toujours oser l’exprimer avec cette sincérité blessée et avouée. Autant dire que, dans leurs rangs, il était inenvisageable de supprimer le lundi de Pentecôte – jour férié sans motif religieux mais utilisé concrètement à certaines cérémonies – et doctroyer deux jours de congé pour la fête de Kippour et de l’Aïd-el-Kebir. Cette interpellation, en forme de tir de semonce, annonciatrice vraisemblablement d’un ras-le-bol profond voire dune véritable explosion, est laboutissement de toute une série de « dénis de justice » vécus comme tels par de très nombreux chrétiens.

Si personne ne conteste le devoir dintégration au sein de la communauté nationale des « nouveaux français », beaucoup refusent que soit pour autant gommée, niée la part chrétienne de notre patrimoine, de notre culture, de notre identité. Il en est de même pour lEurope, dont lhéritage chrétien a fait lobjet de vifs débats, notamment lorsquil fut question de la rédaction du préambule de la Constitution.

Chacun sent bien, dans cet ordre didées, que la perspective de ladhésion de la Turquie à lUnion européenne crée un front du refus, fondé sur le non-dit du périmètre chrétien de lEurope.

Le retour sous les feux de la rampe du thème de la laïcité est détourné par certains de son objectif profond, de sa mission « civilisatrice ».

Lorigine étymologique du mot laïcité est en elle-même une ambition : le terme grec, Laos, désigne lunité dune population, considérée comme un tout indivisible. L’unité du Laos est donc simultanément un principe de liberté et un principe dégalité.

Ce nest malheureusement pas lanalyse communément répandue.

Les musulmans se sentent désignés comme cibles, comme boucs-émissaires des tensions sociales et culturelles; les chrétiens craignent un retour au négationnisme religieux, rappelant à leurs yeux les pires heures du laïcisme agressif du début du siècle dernier.

La Conférence des Evêques de France considère comme injuste lesprit de symétrie, où, pour ne pas viser exclusivement l’Islam, sont mises sur une sorte de pied dégalité toutes les religions monothéistes.

Le contexte international, marqué par le terrorisme, lintégrisme et le fanatisme, renforce cette exacerbation des passions et lesprit de défensive de chaque communauté.

Le rappel des règles de la laïcité est donc vécu par certains croyants comme une guerre faite à la religion, comme une idéologie partisane qui prône la religion de l’irréligion.

La garantie absolue de la liberté de conscience, du droit fondamental à pouvoir librement croire ou ne pas croire doivent figurer au fronton de nos devises républicaines avec clarté et force. Pour éviter de rouvrir des plaies qui étaient solidement cicatrisées. Il faut dailleurs, aller plus loin, et veiller à lécole à ce que soient réellement enseignés lhistoire et le contenu de toutes les religions. La connaissance de lautre, du différent, de lailleurs génère tolérance, respect, unité, compréhension mutuelle. On y contribue…

Nayons pas peur dans cette période tumultueuse et agitée de faire face à notre responsabilité politique. Laffirmation des principes fondamentaux de la personne humaine, des droits de lhomme et du citoyen, la supériorité de la loi de la République sur la pratique coutumière ou sur des préceptes religieux sont les socles de notre civilisation et de notre culture, les piliers de notre sagesse, le principe même de l’Etat de droit. Même sil faut naturellement reconnaître que la morale laïque nest pas sans lien avec certaines maximes religieuses. Une sorte de mariage mixte !

***

La question « sacrilège » , sil en est, est celle de la pratique naturellement légitime de la religion musulmane dans une terre, un pays, un Etat marqués par la tradition chrétienne et imprégnés de la culture juive.

Quelle géographie de la religion ? Quelle fécondation entre le spirituel et le temporel ? Quelle interaction entre la norme légale et la maxime religieuse ?

Ces questions rituelles et banales prennent évidemment une dimension, particulièrement sagissant de l’Islam, parce quil est en France une religion nouvelle. Et surtout parce que de nombreuses dérives intégristes font irruption, déniant le rôle de l’Etat. Pour Tarik Ramadan ou  ses proches, « l’Islam touche autant lespace public que la sphère privée, il est religion et État, foi et loi, doctrine et mode de vie ». Lorganisation de la conférence islamique rappelait dailleurs récemment dans un colloque à lUnesco que « lIslam constitue davantage quune religion au sens occidental du terme… Il lie de manière insécable le profane et le sacré, le spirituel et le temporel ».

Le rapport Stasi met en lumière cette nouvelle diversité religieuse française :  «  notre pays a connu en un siècle une mutation radicale. Il est devenu pluriel sur le plan spirituel. Autrefois appelée  » Fille aînée de lEglise « , forte dune tradition protestante diversifiée, la France rassemble la première communauté juive dEurope occidentale. Au cours des dernières décennies, de nouvelles religions se sont développées. LIslam, issu principalement de populations originaires du Maghreb, dAfrique et du Moyen-Orient, est représenté par la communauté la plus importante de lUnion européenne.  » « La France d’ aujourdhui est parmi les pays européens les plus diversifiés. Cette rupture majeure dans son histoire lui donne ainsi la chance de senrichir du libre dialogue entre ces différentes composantes « .
De ce fait  » la laïcité d’aujourdhui est mise au défi de forger lunité tout en respectant la diversité de la société « .

La question du port du voile et de son interdiction à l’école, mal vécue par nombre de Français de religion musulmane tout à fait sincères, prend dans ce contexte un sens particulier. Elle n’est pas, en fait, religieuse mais politique. Cest en cela quelle peut-être un trouble à lordre public.

Lorsquil ne sagit pas dune démarche libre et uniquement spirituelle, dun simple signe religieux inoffensif en lui-même mais de la première escarmouche, délibérément provoquée et conduite par les tenants dun islam radical, dans la lutte sans merci quils entendent mener contre les valeurs de la démocratie et de la modernité, le problème change de nature.

Les états dâme que lon peut avoir sur latteinte portée aux droits de lindividu par linterdiction du port du voile sestompent. Cest une question de « légitime défense », de protection du socle de valeurs républicaines et humanistes qui fondent la fraternité française. Les mouvements féministes turcs et tunisiens ne sy trompent dailleurs pas lorsquils défendent le maintien des lois prescrivant ou limitant le port du hidjab à lécole ou dans la fonction publique.

Pour être équitable, et ne pas dénoncer exclusivement lintégrisme musulman, rappelons que chaque religion connaît ses extrémismes, ses commandos, ses fanatiques. Qui doivent être tous combattus vigoureusement.

Caroline Fourest et Fiammetta Venner, dans « Tirs Croisés », un livre remarquable sur « la laïcité à lépreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman », rappellent en avant-propos la définition que Voltaire faisait des fanatiques dans son Dictionnaire philosophique : « des gens persuadés que lEsprit Saint qui les pénètrent est au-dessus des lois »

Pour ne pas être hypocrite, il faut souligner de surcroît – et cela renforce malheureusement la susceptibilité et la nervosité générales – que lactualité internationale, quon le veuille ou non, que ce soit injuste ou non, pèse sur le débat interne. La dimension religieuse de certains actes terroristes crée un amalgame forcément fâcheux faisant craindre dans une religion totalement pacifique des dérives monstrueuses, qui ne sont le fait que dune poignée criminelle de véritables fous. Sans aucun lien avec l’écrasante majorité des Français issus du sud de la Méditerranée, qui  naspirent quà réussir dans une grande démocratie de la rive Nord, devenue leur patrie ! Et qui vivent comme une vraie blessure linformation malheureusement tragique concernant les attentats « au nom de Dieu ».

***

Cest dire que ce contexte ne rendait pas aisé lexercice de synthèse républicain quil appartenait au Président de la République de faire comme il sy était engagé le 14 juillet.

Traiter les questions « chaudes » sans farder la réalité ni attiser les peurs et jouer avec le feu, rétablir légalité nécessaire entre tous les citoyens sans créer de nouvelles discriminations réputées positives, permettra à chacun de pratiquer sa religion tout en respectant nos lois et nos valeurs, célébrer nos traditions en faisant preuve douverture d’esprit et prenant en compte les diversités nouvelles, tels étaient quelques-uns des défis quil fallait relever !

Sans compter l’analyse faite à létranger du concept de laïcité, qui apparaît parfois incongru et même « blasphématoire »… Certains tenants de lIslam arguent leur hostilité à la laïcité du fait quelle est fondée sur des lois et donc des principes auxquels ils nont pas été associés en tant que religion.

De plus, en Arabe le mot laïcité se traduit par lâdînî. Lexpression séculier nexistant pas, celle qui été choisie initialement pour en exprimer le contenu comportait une négation ambiguë. Littéralement, lâdînî  veut dire : non religieux ou antireligieux.

Cest la raison pour laquelle la décision du Président de la République a déchaîné de vives réactions chez certains grands chefs religieux dans le monde arabe :

. Le mufti de Syrie, cheikh Ahmad Kaftara, affirme que “ la nation musulmane voit dans le voile un des fondements de sa religion ».

. Le mufti sunnite du Liban, cheikh Mohammad Rachid Qabbani, évoque notre « haine pour l’Islam »

. Le mufti d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, estime que «  le voile est un devoir religieux et pas un simple signe ».

Le frère du fondateur des Frères musulmans rejette, lui, totalement cette argumentation : « le voile nest pas une obligation. Ni le Coran. Ni le Hadith ( les dires du prophète Mohamet) nimposent pas à la femme de porter le voile. Le port ou non du voile sinscrit dans le cadre du débat sur les mœurs et non sur les obligations religieuses » déclare Gomal al-Bonna.

Pour l’archevêque de Canterbury , chef spirituel de lEglise anglicane, Rowan Williams, la décision française est « provocatrice et destructrice ». « Ce nest pas tout à fait surprenant dans un environnement séculaire qui ne considère la religion pas seulement avec suspicion ou incompréhension mais avec peur ».

« Historiquement cela sexplique, hélas, que la foi religieuse a trop souvent été le langage des puissants, lexcuse à loppression, l’oublie à latrocité. Or, cela renaît avec la menace de la terreur semée au nom de la religion alors que les représentants de cette religion ont, à tout niveau, sévèrement condamné une telle attitude incompatible avec la foi ».

« La foi n’est ni une perversion humaine, ni une excentricité marginale et privée ».

***

Dans ce concert de passions et dincompréhensions en France et à létranger, trancher nétait pas facile.

Certains pensent que point n’était besoin douvrir une telle confrontation. Quil y avait trop de risques à le faire. Ils ont tort car la situation sur le terrain, à lécole, dans certains quartiers de nos villes, exige une clarification, une sortie par le haut pour que chacun ait vraiment droit de cité. Avec à la clé le rappel du « contrat social », où les droits se « disputent » avec les devoirs.

Le Président de la République a prononcé un puissant discours, empreint dhumanisme et de force. Le 17 décembre est une date importante.

Peut-on espérer que cela crée un vrai élan, une fraternité réellement refondée ?

Certaines réactions dans lopposition politique ou syndicale ont été dune consternante médiocrité. Dénonçant déjà le manque de moyens pour la politique de la ville et celle de léducation. Caricaturant à loisir le parfait point déquilibre proposé. Amnésiques de leurs propres impuissances.

Je lai vécu en direct sur Europe 1 où je réagissais avec mon « homologue » du PS, Julien Dray, qui narrivait pas à faire un geste. Simple. Beau. Urgent : Dire oui à la République, à la laïcité du 21e siècle, à la liberté religieuse, au respect absolu des droits de lhomme et du citoyen, à légalité entre hommes et femmes, avec sur de tels sujets le souci prioritaire du rassemblement non partisan et de l’unité nationale. En se donnant concrètement la possibilité d’y parvenir. Enfin !

Je suis fier que le Président ait eu le courage et la lucidité de nous engager sur le chemin dune telle réforme. À charge pour nous den faire partager les enjeux.

À bon entendeur, salut, pour les déserteurs et les grincheux de tout poil !

L'Europe réunifiée peut fonctionner à des rythmes différents: à chacun d'en décider !

22 décembre 2003

Dans cette attente dune Constitution à 25, de nombreuses initiatives vont voir le jour, des rapprochements féconds peuvent sopérer, d’utiles synergies peuvent senclencher… Ce nest pas farder artificiellement la réalité politique européenne que de dire que personne ne sattendait au sommet de Bruxelles à lapprobation de la Constitution européenne, pourtant soigneusement et méticuleusement préparée par la Convention présidée par VGE. Chaque observateur des « jeux » de la Conférence intergouvernementale mesurait en effet parfaitement que certains Etats allaient vouloir montrer leur capacité de nuisance et de rupture pour briser le rêve – prématuré… – dune unanimité nécessaire sans laquelle aucun accord ne peut être obtenu.

Est-ce une crise majeure de lEurope ? Sagit-il dune remise en cause en profondeur de notre avenir politique commun ? Faut-il y voir une impossibilité politique irrémédiable et sans appel ?

Ce nest pas vouloir se rassurer à bon compte que de penser que non.

Mener de front lélargissement et lapprofondissement, la réunification du continent et ladoption dune véritable constitution est un défi redoutable et périlleux. Intenable pensaient certains. Dautant plus difficile à relever en tout cas que la susceptibilité politique des « nouveaux » est directement proportionnelle à leur légitime appétit de liberté et que leur émancipation peut parfois même être encouragée par leur vigilant allié américain…

Bref, le « non accord positif », expression « déposée » par lambassadeur dAllemagne à Paris !, cest-à-dire, pour parler cru, léchec constaté à Bruxelles est une étape infructueuse. Ce nest ni une déchirure définitive, ni une paralysie annoncée.

Ne nions pas que c’est un avertissement sur la méthode requise pour créer la dynamique unitaire imposée.

***

« Jeunes » et « vieux », tous ensemble, pays et peuples constituant la grande Europe, nous devons ressentir clairement que nous construisons ensemble une nouvelle entité politique. Les uns ne vont pas chez les autres. Il ny a pas de squatte !

 Nous ne faisons pas qu’élargir le cercle en nous serrant de manière plus étroite pour accueillir tout le monde.

Nous élaborons une institution forcément novatrice puisquelle doit fonctionner à 25.

À chacun de savoir faire les gestes et les concessions pour parvenir au résultat escompté. Mais il ne peut y avoir desprit européen, sans un abandon partiel de souveraineté nationale, ce que les nouvelles démocraties ont forcément du mal à accepter. Cest assez normal. Ne soyons pas amnésiques.

Lessentiel est que chaque État ait en face de lui la même perspective, la même offre.

Libre à chacun ensuite de décider souverainement et librement.

Libre à chacun de temporiser ou daccélérer. De retarder ou danticiper.

Mais si nous voulons dans un délai raisonnable adopter une Constitution , il va falloir veiller à tourner les pages les plus électriques de notre histoire récente…

Toutes les blessures « irakiennes » ne sont pas encore cicatrisées. Mais lEspagne et la Pologne devraient peut-être davantage constater et méditer que le Royaume-Uni sinscrit de plain pied dans la construction de lEurope politique, que Londres approuve le projet Giscard. Alors ! Si Tony Blair donne lexemple ! Comment ne pas voir, sauf à vouloir vraiment avoir une attitude de totale soumission, que notre allié américain, dans le monde dur et dangereux qui est le nôtre, a besoin, quoi quil en pense souvent, dun partenaire organisé, responsable et actif. D’une Europe capable dassurer son rôle sur la scène internationale, partout où cest nécessaire. En étroite concertation transatlantique…

***

Nécoutons pas la prophétie revancharde et parfaitement sourde aux vrais enjeux de la lutte anti-terroriste de Condoleezza Rice déclarant naguère : « il faut pardonner à la Russie, ignorer lAllemagne, punir la France ».

De toute façon, rappelons à chaque esprit faible quaprès la guerre au Koweït où nous avons tous participé, les États-Unis ont récolté 90 % des contrats de reconstruction…

Personne ne peut aujourdhui prévoir le délai requis pour parvenir à lobjectif final
. Lannée 2004 suffira-t-elle à créer lélan et lardeur nécessaires ? Quel fait nouveau déclenchera-t-il une attitude plus conciliante de certains Etats ? Ces questions nont évidemment pas pour l’heure de réponse automatique.

Ce qui se dessine avec certitude, par contre, et ce nest pas une menace, cest que dans cette attente dune Constitution à 25, de nombreuses initiatives vont voir le jour, des rapprochements féconds peuvent sopérer, d’utiles synergies peuvent senclencher. Avis aux amateurs…

Rien nest sacrilège, si chaque État se voit proposé la même possibilité, la même démarche. À charge pour lui, de dire oui, de dire non, bref de choisir librement.

Rien nest interdit, dès lors quil ny a pas rupture dégalité daccès au moment de la conception du projet. Pas de barrière infranchissable par principe.

Rien nempêchera la volonté daller de lavant de sexprimer et de contribuer à de vraies avancées.

Ce nest pas profiter ou souhaiter une Europe à 2 vitesses que de le remarquer.

Ce nest pas exercer une « intolérable » pression sur les récalcitrants actuels que de lénoncer.

Cest simplement constater que lidée européenne et sa promesse defficacité politique renforcée progressent dans lopinion contrairement aux apparences. Ou surtout que plus d’Europe apparaît vraiment nécessaire pour être réellement respectés dans la guerre économique actuelle que se livrent les grandes puissances.

Lexigence européenne des citoyens sinspire du réalisme de la « masse critique ». Quil sagisse de la recherche, de la science, de laéronautique ou du naval, la conjugaison des moyens et des ambitions est notre seule arme pour affronter les grands pôles de puissance de la planète.

Il sagit donc dune souveraineté bien comprise, retrouvée, rénovée.

Puisse cette spirale positive et exigeante entraîner lensemble des peuples de lUnion Européenne dans un même élan.

Aux Irlandais de nous y entraîner. Mais s’il le faut, nous pouvons à quelques-uns nous ériger en phare ! Aussi solide, puissant et rayonnant que celui du Fasnet
 !

Les images de Saddam Hussein risquent de faire voler en éclats l'exemplarité des valeurs occidenta

19 décembre 2003

Si lOccident, la démocratie, les valeurs de notre civilisation sont en guerre contre le terrorisme, le fanatisme, lintégrisme, alors veillons au choix des armes… La capture de Saddam Hussein est évidemment une victoire. Je noublie pas les massacres qu’il a fait commettre. Jai parfaitement présent à lesprit quil est passible vraisemblablement de crime de guerre et de crime contre lhumanité. Jaccepte la nécessité dune forme publique de cruauté judiciaire et politique. Je ne récuse pas lutilité des images fortes et choquantes qui doivent rendre apeurés tous les dictateurs et tyrans de la planète, en leur « promettant » une fin de « carrière » aussi atroce que leur barbarie.

Mais je pense que la diffusion des images de lexamen médical de Saddam Hussein est une grave erreur politique.

Si lOccident, la démocratie, les valeurs de notre civilisation sont en guerre contre le terrorisme, le fanatisme, lintégrisme, alors veillons au choix des armes.

Limage du visage du prisonnier Saddam Hussein est nécessaire, pour que personne nignore à quoi est réduit un fugitif criminel et monstrueux.

Le milliardaire, le despote, le sanguinaire réduit en bête traquée peut dissuader les nouveaux candidats avec autant si ce nest plus de force que la menace dune juridiction internationale. Nuremberg na pas réussi malheureusement à empêcher que le crime et le génocide ne suscitent de permanentes vocations.

Mais il y a une ligne jaune à ne pas franchir, sous peine dattiser encore plus la haine et de renoncer à la supériorité et à lexemplarité de notre système de valeurs.

Je naurais pas autorisé que la « gueule ouverte » de lex n°1 irakien pour les besoins dune expertise médicale tout à fait incontestable par ailleurs, fasse la une de la presse du monde. Que lauscultation à la lampe électrique de la mâchoire du monstre soit en direct dans toutes les télés de la planète.

Cest certainement moins violent que les corps traînés derrière les chars antiques ou que lexécution capitale au cœur de nos places publiques dantan.

Mais nous incarnons ou devons incarner les Droits de lHomme, le respect de la souveraineté populaire, la force du droit, la légitimité de la force armée. Ce sont les meilleurs missiles pour détruire et enrayer la spirale terroriste.

Cela n’interdit  nullement la légitime défense, la riposte armée, les représailles.

Les maximes bibliques de la seconde joue tendue sont certes inopérantes. Contre-productives. Dangereuses même, lorsquil est vital de sévir, de répliquer, de dissuader. Pour sauver sa peau, ses valeurs, sa liberté, la condition même de la dignité humaine. Cest le cas aujourdhui dans le monde barbare qu’est devenu le nôtre.

Mais ne doutons pas un instant de lutilisation redoutable qui sera faite de cet excès de zèle médiatique autorisé, pour ne pas dire souhaité par les Américains.

***

Un deuxième  « débat » va s’ouvrir. Ce nest pas vraiment celui de la compétence d’une juridiction internationale pour le procès, en raison des incriminations probables de crime de guerre et de crime contre lhumanité.

Cest un problème évident, mais il est compréhensible que soit souhaité le jugement par le peuple irakien lui-même. Souveraineté ! Vous avez dit souveraineté ? Alors « donnez-nous le pouvoir de juger » s’exclame ou sexclamera la rue irakienne. Soit. Cest dailleurs un argument pour que saccélère le calendrier de linstauration dune véritable démocratie en Irak.

Non, la question qui se profile et qui divise la planète, cest celle de la peine de mort.

Saddam Hussein a été arrêté vivant. Cest à lhonneur des États-Unis d’y être parvenu.

Mais cest une démonstration redoutable qui attend partout dans le monde les partisans de labolition de la peine de mort.

Comment épargner la vie de l’auteur de centaines de milliers de morts ? La justice est une vengeance légale, normée, encadrée.

Par des principes qu’il va nous falloir avoir le courage de rappeler.

La voix de lEurope unie sur cette question sera inaudible aux États-Unis, tant y est forte la maxime « oeil pour œil, dent pour dent ». Sagissant de Saddam Hussein, il nest pas question de pardon. Il n’est pas question de possibilité de clémence. Il nest pas dautre issue que le châtiment.

Mais veillons dans la fureur maléfique du monde à ne pas faire dun bourreau une victime.

Dans notre propre intérêt. Ce nest pas être faible, lâche de le proclamer.

Cest au contraire une manière daffirmer notre supériorité.

Jaccepterais pour une fois que ce soit Silvio Berlusconi qui le proclame !

De toute façon, c’est au nom du peuple irakien, par des juges irakiens que la sentence sera prononcée. Cest certainement plus « sage » mais plus « radical » que sil s’était agi dun Tribunal International jugeant au nom des valeurs que nous souhaitons voir devenir universelles. Car, pour le moment, même au sein du monde occidental, la question de la peine de mort ne fait pas lunanimité… Lactualité américaine malheureusement régulière est là pour nous le rappeler.

A la Mutualité, le meilleur est parfois possible : la paix entre Israéliens et Palestiniens !

19 décembre 2003

La salle mythique et légendaire de la Mutualité à Paris était pleine à craquer. À linvitation de “Marianne”, intellectuels, responsables politiques, militants de la paix entre Israéliens et Palestiniens étaient présents pour accueillir les signataires du pacte de Genève… La salle mythique et légendaire de la Mutualité à Paris était pleine à craquer. À linvitation de “Marianne”, intellectuels, responsables politiques, militants de la paix entre Israéliens et Palestiniens étaient présents pour accueillir les signataires du pacte de Genève. Ruth Elkrief et Rachid Arhab avaient la délicate mission de « tenir » la salle, très électrique tant les passions sont vives et les épidermes sensibles. Je l’ai vécu en direct lorsque certains ont réagi au moment où je parlais de laïcité, où jévoquais le rappel républicain du Chef de lÉtat, où indiquais que chacun se sentait un peu chez lui à Jérusalem, dans ce sud de la Méditerranée au fond très proche de la résidence française…

Larrivée des deux délégations israélienne et palestinienne, la poignée de main très chaleureuse entre les deux protagonistes principaux Yossi Bellin et Yasser Abed Rabo – certains les appellent par leur prénom pour “ ostensiblement” manifester  leur proximité politique et personnelle. Ce fut le cas de Laurent Fabius. Comme on dit maintenant, c’était “trop” – la ferveur de lauditoire sont des moments dune rare émotion. Inoubliables. Ceux où lon a le sentiment que lon vit une page de lhistoire du monde et où les hommes président à leur destinée, au lieu de subir les engrenages diaboliques de la folie et de la fureur humaines.

Au nom de lUMP, après Laurent Fabius pour le PS, et avant Dominique Voynet et François Bayrou, jai essayé de relayer le message de paix de Genève en m’adressant depuis Paris, avec une immodestie totale, à Ariel Sharon et à Yasser Arafat ! En voici le texte, que jai dû un peu raccourcir pour ne pas donner une image arrogante, hégémonique et monopolisatrice de lUMP !!!

***

« Tout d’abord je souhaite féliciter les organisateurs de cette initiative nécessaire et féconde car nous avons le devoir de faire rayonner le pacte de Genève, de reprendre le flambeau.

Je suis heureux d’être parmi vous pour exprimer au nom de l’UMP ma reconnaissance et ma gratitude envers la démarche des négociateurs du pacte de Genève.

Ils illustrent magnifiquement le courage et la force du dialogue, le courage et la force de la négociation, le courage et la force de l’accord.

Comment en effet rester les yeux fermés, les bras croisés face à l’impasse dans lequel est plongé le Proche – Orient, avec le sentiment de l’impasse, de l’impuissance, et donc de la lâcheté dont il faut sortir.

Notre rassemblement ce soir est un message que nous souhaitons adresser tous ensemble et au-delà de nos clivages politiques traditionnels au Premier ministre de l’Etat d’Israël ainsi qu’au Président de l’Autorité Palestinienne.

Monsieur Yasser ARAFAT
Monsieur Ariel SHARON,

Nous sommes ce soir plusieurs milliers de citoyens de France à vous demander de faire table rase du passé.

Nous sommes déterminés à nous mobiliser pour que vous donniez une chance à la paix comme d’autres l’ont fait avant vous.

Nous sommes ce soir porteur d’espoir mais aussi porteurs d’une grande tristesse face à cette spirale de la haine, de la violence et de l’injustice que vous n’avez pas la volonté politique de casser.

Nous sommes ce soir très nombreux à vous demander de surmonter votre méfiance réciproque pour faire la paix afin que vos enfants grandissent sereinement à l’abri de cette folie meurtrière à laquelle nous nous sommes hélas habituées ces dernières années.

Messieurs Yasser ARAFAT et Ariel SHARON

Nous sommes soudés par notre foi en la paix et par ce pacte de Genève qui ouvre enfin un nouvel horizon aux deux peuples.

N’écoutez pas les plus irréductibles de vos conseillers ou de vos ministres.

Prêtez davantage l’oreille à la voix de ces hommes courageux qui tels Yossi Bellin, Yasser Abed Rabo et bien d’autres encore, oeuvrent dans l’ombre pour sortir de cette situation absurde et tragique.

De Camp David, à Oslo, ces hommes de bonne volonté ont su tourner des pages douloureuses de leur histoire pour en écrire de nouvelles et de bien plus belles. Alors soutenez sans états d’âme leur initiative.

Ce soir nous avons parmi nous certains de ces pionniers de la paix, que je salue avec respect et chaleur. Ce sont des visionnaires. Ils sont là pour témoigner que des négociations sans préalable peuvent reprendre sur de nouvelles bases. Ils démontrent par leur présence que les ponts ne sont pas coupés entre palestiniens et israéliens malgré ce que certains essayent de faire croire.

Ces hommes ont choisi d’être en France et donc en Europe car ils savent que nous avons un rôle clé à jouer dans cette région du monde, dans ces pays du sud de la méditerranée, si proches de nous, si attentifs à notre soutien, si dubitatifs parfois sur notre volonté d’agir sur notre capacité politique.

Ces prophètes laïcs des temps modernes ont élaboré un document impartial, réaliste, et de bon sens
.

***

Ce pacte est l’ultime compromis, l’ultime point d’équilibre auxquels chaque partie peut adhérer sans se renier sur l’essentiel. Il est applicable immédiatement et en l’état. Jamais depuis trois ans, une proposition de cette nature n’aura été aussi concrète et aussi porteuse d’espoir.

Le grand mérite de ce pacte est d’aborder ce qui est de l’ordre du possible et d’écarter ce qui ne l’est pas.

Ce qui est possible, c’est que les Israéliens se retirent des territoires qu’ils occupent depuis 1967 et qu’ils démantèlent leurs 160 implantations dont l’extension ne vise qu’à créer une continuité territoriale dangereuse. Les irréductibles du bloc de la foi ne sont en fait qu’une minorité.

Une grande partie des colons est prête à revenir en Israël moyennant des compensations financières importantes. Ariel SHARON le sait.

Ce qui est aussi possible c’est que les autorités palestiniennes reconnaissent le fondement juif et inaliénable de l’Etat d’Israël et qu’ils abandonnent l’idée que tous les réfugiés puissent un jour y revenir.

Ce qui est enfin possible, c’est que les israéliens et les palestiniens cohabitent paisiblement à Jérusalem dont ils partageraient la souveraineté.

Jérusalem, cette ville dont la diversité culturelle nous fait penser au Sud de la France et où chacun d’entre nous est un peu chez lui.

***

Il appartient donc à la France de se mobiliser en toute impartialité, pour accompagner et porter ce nouveau plan de paix au cœur même des Nations Unies.

Ce pacte s’inscrit très logiquement dans la continuité des efforts menés par la communauté internationale et dont la dernière initiative fut d’élaborer avec nos partenaires du quartette, nos amis américains et russes et  l’ONU« une feuille de route » qu’un attentat à Jérusalem pulvérisa avant même d’être appliqué.

Nous, Européens, à l’origine de cette feuille de route devons être à nouveau moteur dans ce processus de réconciliation dont les modalités ne peuvent pas éternellement être gérées par les tenants d’un ordre régional dont on constate aujourd’hui toute la fragilité.

Certes, les sceptiques sont encore nombreux à convaincre, en Israël, en Palestine et en France où le conflit s’est malheureusement parfois exporté.

A cet égard,  en cette veille d’un rappel solennel par le Chef de l’Etat des valeurs de laïcité qui fonde l’esprit même de notre république, je tiens à réaffirmer la vigilance extrême dont nous devons tous faire preuve pour éradiquer définitivement les formes actuelles du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, de l’islamophobie qui souillent parfois l’actualité dans notre pays.

***

Revenons au Proche Orient

Force est de constater que des décisions maladroites de part et d’autre ont motivé les plus fervents partisans de la paix à déserter le camp des colombes pour rejoindre celui des faucons.

Ce sont d’ailleurs parfois les faucons qui font la paix. Souhaitons que cela puisse se vérifier.

Sans tenir la comptabilité des erreurs des uns et des autres, il faut que chacun reconnaisse ses fautes et les corrigent en souscrivant à ce pacte.

Osons dire que Yasser ARAFAT a joué aux apprentis sorciers avec les organisations islamistes les plus radicales en libérant au début de l’Intifada des prisonniers dont il pressentait qu’ils pouvaient se transformer en activistes voire en terroristes.

Osons dire qu’il aurait dû signer un accord avec Ehud Barak à Paris. Nous n’en serions pas là.

Osons dire aussi que la politique d’élimination physique et de bouclage des territoires palestiniens menée par les israéliens n’a fait qu’augmenter la popularité des mouvements islamistes chez les palestiniens et à les irriguer en militants, en candidats au suicide, en bombes humaines qui sont lhorreur absolue.

Osons dire qu’une nouvelle génération de dirigeants plus modérés et plus pragmatiques doit émerger pour faire la paix.

Osons dire aux israéliens que le tracé de la barrière de sécurité et l’extension des colonies existantes sont perçus comme des actes graves, comme des provocations.

Osons dire enfin que sans prospérité économique, il ne peut pas y avoir de paix durable car la pauvreté est le terreau du fanatisme, de l’intégrisme.

Il faut donc que la communauté internationale ajoute à ce pacte de Genève un volet financier qui pourrait prendre la forme d’une grande banque régionale de développement chargée d’aider à la reconstruction de ces deux économies dévastées par trois années de conflit.

En conclusion, c’est à vous partisan de la paix que je veux m’adresser ce soir en vous disant avec reconnaissance et gratitude :

Rendez vous l’année prochaine à Jérusalem pour la signature d’un accord de paix définitif entre Israéliens et Palestiniens sous l’égide et la protection des Nations » Unies

Une vraie pédagogie du sens de la laïcité était nécessaire… Le Président s’y engage !

17 décembre 2003

À lAssemblée Nationale, le mercredi 3 décembre, dans la salle de réunion du groupe UMP que nous avions prêtée pour la circonstance, plusieurs associations dont « Citoyenneté et Démocratie » commémoraient les 20 ans de la marche des Beurs. Avec son Président Hassan Ben M’Barek, bourré de malice et dintelligence, nous avons un vrai « palmarès » de contacts très directs de terrain : Alain Juppé dans le "93", Dominique de Villepin à Argenteuil et moi-même à Gennevilliers le soir de lentrée en guerre des États-Unis contre lIrak…

Dans ce lieu de débats parlementaires aussi rituels qu’éternels, lair était électrique. Latmosphère vive et stimulante. Celle des grands soirs, des meetings authentiques. Dans les premiers rangs, quelques personnes très voilées… Du coup, quelques hommes avaient revêtu leurs kippas symboliques… Seul le Père Delorme, magnifique figure de légalité des droits entre tous les citoyens quelle que soit leur origine, était en tenue totalement civile ! ! !En arrivant et en retrouvant de nombreux amis avec lesquels nous avions organisé –  dans l’ombre – cette rencontre, jai tout de suite compris que la soirée allait être « chaude », tant les impatiences, les frustrations et les injustices étaient fortement ressenties.Et très perceptibles.

Claude Bartolone, lancien ministre PS de la ville, et Patrick Braouezec, pour le PC, nont pas honoré de leur présence la table ronde qui devait clôturer les témoignages des principaux acteurs de la marche, contrairement à ce qu’ils avaient promis. Sans prévenir quiconque… Une attitude désinvolte et méprisante à limage de l’ échec de la politique dintégration de 2 septennats socialistes de François Mitterrand et du quinquennat matignonesque de Lionel Jospin…

Tous les courants de pensée et dexpression des Français de religion musulmane étaient réunis, pour interpeller parfois très « directement » le seul élu de la Nation, du coup, que jétais ce soir-là. Avec dailleurs, à la sortie, un sentiment de fierté davoir rempli mon devoir, et davoir réussi à tenir le choc des passions qui sont béantes et vives.

À de nombreuses reprises, jai compris que la différenciation religieuse nétait au fond quun prétexte pour exprimer et clamer le ras-le-bol de l’injustice sociale. Les portes fermées pour un jeune diplômé apparaissent encore plus brutales lorsque la couleur de la peau ou la consonance du nom permettant facilement d’imaginer quil sagit en fait dune exclusion à caractère raciste, xénophobe… Avancer le fait que le chômage touche également des garçons et des filles, Français depuis des générations et bardés de diplômes ne sert strictement à rien, tant le parcours du combattant est plus rude lorsque lon vient « des quartiers » comme on dit pudiquement…

« Je suis un citoyen musulman, qui… » Ai-je entendu à de très nombreuses reprises avec une volonté forcenée de signifier que lappartenance religieuse était un étendard plus flamboyant que le drapeau national !

Jai, à chaque fois, essayé de répliquer avec pédagogie mais fermeté que la religion ne serait jamais une origine nationale en France et que c’était le sens même de notre volonté de remettre à lhonneur les principes de laïcité.

Dans ces échanges parfois polémiques et délicats, est survenu un incident qui a détendu latmosphère. Un jeune dans lassistance a posé à un brillant intellectuel français, de religion juive, partageant sa vie entre Jérusalem et Paris coiffé de sa kippa, une question en lappelant : « Monsieur le Rabbin ». L’intéressé a réagi avec humour en enlevant aussitôt sa kippa et en expliquant quil nétait qu’ universitaire ! Les caméras de France 2 étaient malheureusement parties…

Cette scène illustre au fond assez bien que les signes religieux sont faits pour les enceintes religieuses… Sinon s’instaure une certaine confusion entre le laïc et le religieux ! ! ! Sic…

En tout état de cause, parler religion en cette journée de commémoration de lirruption dans lactualité politique et sociale il y a 20 ans des jeunes Français issus de limmigration, cest pour eux ostensiblement refuser de considérer avec attention la réalité de leur vie quotidienne. Évoquer  l’Islam, stipuler l’égalité nécessaire entre lhomme et la femme sont considérés comme une sorte dabus choquant où lon cherche délibérément à nier l’injustice et linégalité en mettant artificiellement en avant les clivages confessionnels.

Ce ressentiment est particulièrement exacerbé chez les fondamentalistes musulmans qui cherchent eux-mêmes à utiliser la misère et la détresse humaine pour embrigader dans leurs rangs les plus faibles et les plus démunis.

« L’heure est à la réparation des injustices subies, des exclusions pérennisées, des discriminations juridiquement proscrites mais pratiquement tolérées ». Ce cri du cœur, avec de multiples exemples à la clé, a retenti avec éclat tout au long de nos discussions. LAssemblée, dans le calme dune soirée où les députés avaient déjà regagné leur circonscription, grondait dans son sous-sol dune revendication quil faut considérer et traiter avec intelligence et activisme. Comme la entrepris avec talent et générosité Jean-Louis Borloo, résolu à « réduire » la fracture territoriale que lui a laissée la gauche soi-disant solidaire et généreuse.

Malgré limpérieuse nécessité de rétablir concrètement une vraie égalité entre tous les Français, quelle que soient leur origine, leur couleur de peau, leur religion, et dagir méthodiquement pour y parvenir, il reste urgent de donner un coup darrêt à toutes les dérives racistes, xénophobes, antisémites, islamophobes, qui souillent quotidiennement lactualité française. De stopper lutilisation de la religion comme une arme politique de guerre intérieure.

Cest à notre honneur, même s’il est déjà tard pour le faire, de rappeler à lordre des valeurs républicaines ceux qui sont tentés de sen soustraire. A charge pour cette République de donner sa chance à chacun

Il est des lieux, des dates, des circonstances où cest un exercice redoutablement difficile. Mais la désertion reste la pire des lâchetés !

***

Tours. Samedi 6 décembre. Sous le péristyle de lHôtel de ville, où était inaugurée une exposition sur la Bible, censée aux yeux du maire très prudent « équilibrer » celle consacrée à lhistoire de la Franc-Maçonnerie il y a un an !

Une femme d’une cinquantaine dannées s’approche de moi pour parler laïcité, loi, voile, signes religieux ostentatoires etc. Elle me lance, avec la force d’un missile ultra-sophistiqué : « EN FAIT, IL FAUT QUE LES CHRETIENS SE TAISENT POUR QUE LES MUSULMANS N’AIENT PAS LA PAROLE ». Elle résumait par cette phrase lapidaire ce qu’en profondeur de nombreux chrétiens ressentent sans toujours oser l’exprimer avec cette sincérité blessée et avouée. Autant dire que, dans leurs rangs, il était inenvisageable de supprimer le lundi de Pentecôte – jour férié sans motif religieux mais utilisé concrètement à certaines cérémonies – et doctroyer deux jours de congé pour la fête de Kippour et de l’Aïd-el-Kebir. Cette interpellation, en forme de tir de semonce, annonciatrice vraisemblablement d’un ras-le-bol profond voire dune véritable explosion, est laboutissement de toute une série de « dénis de justice » vécus comme tels par de très nombreux chrétiens.

Si personne ne conteste le devoir dintégration au sein de la communauté nationale des « nouveaux français », beaucoup refusent que soit pour autant gommée, niée la part chrétienne de notre patrimoine, de notre culture, de notre identité. Il en est de même pour lEurope, dont lhéritage chrétien a fait lobjet de vifs débats, notamment lorsquil fut question de la rédaction du préambule de la Constitution.

Chacun sent bien, dans cet ordre didées, que la perspective de ladhésion de la Turquie à lUnion européenne crée un front du refus, fondé sur le non-dit du périmètre chrétien de lEurope.

Le retour sous les feux de la rampe du thème de la laïcité est détourné par certains de son objectif profond, de sa mission « civilisatrice ».

Lorigine étymologique du mot laïcité est en elle-même une ambition : le terme grec, Laos, désigne lunité dune population, considérée comme un tout indivisible. L’unité du Laos est donc simultanément un principe de liberté et un principe dégalité.

Ce nest malheureusement pas lanalyse communément répandue.

Les musulmans se sentent désignés comme cibles, comme boucs-émissaires des tensions sociales et culturelles; les chrétiens craignent un retour au négationnisme religieux, rappelant à leurs yeux les pires heures du laïcisme agressif du début du siècle dernier.

La Conférence des Evêques de France considère comme injuste lesprit de symétrie, où, pour ne pas viser exclusivement l’Islam, sont mises sur une sorte de pied dégalité toutes les religions monothéistes.

Le contexte international, marqué par le terrorisme, lintégrisme et le fanatisme, renforce cette exacerbation des passions et lesprit de défensive de chaque communauté.

Le rappel des règles de la laïcité est donc vécu par certains croyants comme une guerre faite à la religion, comme une idéologie partisane qui prône la religion de l’irréligion.

La garantie absolue de la liberté de conscience, du droit fondamental à pouvoir librement croire ou ne pas croire doivent figurer au fronton de nos devises républicaines avec clarté et force. Pour éviter de rouvrir des plaies qui étaient solidement cicatrisées. Il faut dailleurs, aller plus loin, et veiller à lécole à ce que soient réellement enseignés lhistoire et le contenu de toutes les religions. La connaissance de lautre, du différent, de lailleurs génère tolérance, respect, unité, compréhension mutuelle. On y contribue…

Nayons pas peur dans cette période tumultueuse et agitée de faire face à notre responsabilité politique. Laffirmation des principes fondamentaux de la personne humaine, des droits de lhomme et du citoyen, la supériorité de la loi de la République sur la pratique coutumière ou sur des préceptes religieux sont les socles de notre civilisation et de notre culture, les piliers de notre sagesse, le principe même de l’Etat de droit. Même sil faut naturellement reconnaître que la morale laïque nest pas sans lien avec certaines maximes religieuses. Une sorte de mariage mixte !

***

La question « sacrilège » , sil en est, est celle de la pratique naturellement légitime de la religion musulmane dans une terre, un pays, un Etat marqués par la tradition chrétienne et imprégnés de la culture juive.

Quelle géographie de la religion ? Quelle fécondation entre le spirituel et le temporel ? Quelle interaction entre la norme légale et la maxime religieuse ?

Ces questions rituelles et banales prennent évidemment une dimension, particulièrement sagissant de l’Islam, parce quil est en France une religion nouvelle
Le rapport Stasi met en lumière cette nouvelle diversité religieuse française :  " notre pays a connu en un siècle une mutation radicale. Il est devenu pluriel sur le plan spirituel. Autrefois appelée " Fille aînée de lEglise ", forte dune tradition protestante diversifiée, la France rassemble la première communauté juive dEurope occidentale. Au cours des dernières décennies, de nouvelles religions se sont développées. LIslam, issu principalement de populations originaires du Maghreb, dAfrique et du Moyen-Orient, est représenté par la communauté la plus importante de lUnion européenne. " "La France d’ aujourdhui est parmi les pays européens les plus diversifiés. Cette rupture majeure dans son histoire lui donne ainsi la chance de senrichir du libre dialogue entre ces différentes composantes ".
De ce fait " la laïcité d’aujourdhui est mise au défi de forger lunité tout en respectant la diversité de la société ".

La question du port du voile et de son interdiction à l’école, mal vécue par nombre de Français de religion musulmane tout à fait sincères, prend dans ce contexte un sens particulier. Elle n’est pas, en fait, religieuse mais politique. Cest en cela quelle peut-être un trouble à lordre public.

Lorsquil ne sagit pas dune démarche libre et uniquement spirituelle, dun simple signe religieux inoffensif en lui-même mais de la première escarmouche, délibérément provoquée et conduite par les tenants dun islam radical, dans la lutte sans merci quils entendent mener contre les valeurs de la démocratie et de la modernité, le problème change de nature.

Les états dâme que lon peut avoir sur latteinte portée aux droits de lindividu par linterdiction du port du voile sestompent. Cest une question de « légitime défense », de protection du socle de valeurs républicaines et humanistes qui fondent la fraternité française. Les mouvements féministes turcs et tunisiens ne sy trompent dailleurs pas lorsquils défendent le maintien des lois prescrivant ou limitant le port du hidjab à lécole ou dans la fonction publique.

Pour être équitable, et ne pas dénoncer exclusivement lintégrisme musulman, rappelons que chaque religion connaît ses extrémismes, ses commandos, ses fanatiques. Qui doivent être tous combattus vigoureusement.

Caroline Fourest et Fiammetta Venner, dans « Tirs Croisés », un livre remarquable sur « la laïcité à lépreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman », rappellent en avant-propos la définition que Voltaire faisait des fanatiques dans son Dictionnaire philosophique : « des gens persuadés que lEsprit Saint qui les pénètrent est au-dessus des lois »

Pour ne pas être hypocrite, il faut souligner de surcroît – et cela renforce malheureusement la susceptibilité et la nervosité générales – que lactualité internationale, quon le veuille ou non, que ce soit injuste ou non, pèse sur le débat interne. La dimension religieuse de certains actes terroristes crée un amalgame forcément fâcheux faisant craindre dans une religion totalement pacifique des dérives monstrueuses, qui ne sont le fait que dune poignée criminelle de véritables fous. Sans aucun lien avec l’écrasante majorité des Français issus du sud de la Méditerranée, qui  naspirent quà réussir dans une grande démocratie de la rive Nord, devenue leur patrie ! Et qui vivent comme une vraie blessure linformation malheureusement tragique concernant les attentats « au nom de Dieu ».

***

Cest dire que ce contexte ne rendait pas aisé lexercice de synthèse républicain quil appartenait au Président de la République de faire comme il sy était engagé le 14 juillet.

Traiter les questions « chaudes » sans farder la réalité ni attiser les peurs et jouer avec le feu, rétablir légalité nécessaire entre tous les citoyens sans créer de nouvelles discriminations réputées positives, permettra à chacun de pratiquer sa religion tout en respectant nos lois et nos valeurs, célébrer nos traditions en faisant preuve douverture d’esprit et prenant en compte les diversités nouvelles, tels étaient quelques-uns des défis quil fallait relever !

Sans compter l’analyse faite à létranger du concept de laïcité, qui apparaît parfois incongru et même « blasphématoire »… Certains tenants de lIslam arguent leur hostilité à la laïcité du fait quelle est fondée sur des lois et donc des principes auxquels ils nont pas été associés en tant que religion.

De plus, en Arabe le mot laïcité se traduit par lâdînî. Lexpression séculier nexistant pas, celle qui été choisie initialement pour en exprimer le contenu comportait une négation ambiguë. Littéralement, lâdînî  veut dire : non religieux ou antireligieux.

Cest la raison pour laquelle la décision du Président de la République a déchaîné de vives réactions chez certains grands chefs religieux dans le monde arabe :

. Le mufti de Syrie, cheikh Ahmad Kaftara, affirme que “ la nation musulmane voit dans le voile un des fondements de sa religion ».

. Le mufti sunnite du Liban, cheikh Mohammad Rachid Qabbani, évoque notre « haine pour l’Islam »

. Le mufti d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, estime que «  le voile est un devoir religieux et pas un simple signe ».

Le frère du fondateur des Frères musulmans rejette, lui, totalement cette argumentation : « le voile nest pas une obligation. Ni le Coran. Ni le Hadith ( les dires du prophète Mohamet) nimposent pas à la femme de porter le voile. Le port ou non du voile sinscrit dans le cadre du débat sur les mœurs et non sur les obligations religieuses » déclare Gomal al-Bonna.

Pour l’archevêque de Canterbury , chef spirituel de lEglise anglicane, Rowan Williams, la décision française est « provocatrice et destructrice ». « Ce nest pas tout à fait surprenant dans un environnement séculaire qui ne considère la religion pas seulement avec suspicion ou incompréhension mais avec peur ».

« Historiquement cela sexplique, hélas, que la foi religieuse a trop souvent été le langage des puissants, lexcuse à loppression, l’oublie à latrocité. Or, cela renaît avec la menace de la terreur semée au nom de la religion alors que les représentants de cette religion ont, à tout niveau, sévèrement condamné une telle attitude incompatible avec la foi ».

« La foi n’est ni une perversion humaine, ni une excentricité marginale et privée ».

***

Dans ce concert de passions et dincompréhensions en France et à létranger, trancher nétait pas facile.

Certains pensent que point n’était besoin douvrir une telle confrontation. Quil y avait trop de risques à le faire. Ils ont tort car la situation sur le terrain, à lécole, dans certains quartiers de nos villes, exige une clarification, une sortie par le haut pour que chacun ait vraiment droit de cité. Avec à la clé le rappel du « contrat social », où les droits se "disputent" avec les devoirs.

Le Président de la République a prononcé un puissant discours, empreint dhumanisme et de force. Le 17 décembre est une date importante.

Peut-on espérer que cela crée un vrai élan, une fraternité réellement refondée ?

Certaines réactions dans lopposition politique ou syndicale ont été dune consternante médiocrité. Dénonçant déjà le manque de moyens pour la politique de la ville et celle de léducation. Caricaturant à loisir le parfait point déquilibre proposé. Amnésiques de leurs propres impuissances.

Je lai vécu en direct sur Europe 1 où je réagissais avec mon « homologue » du PS, Julien Dray, qui narrivait pas à faire un geste. Simple. Beau. Urgent : Dire oui à la République, à la laïcité du 21e siècle, à la liberté religieuse, au respect absolu des droits de lhomme et du citoyen, à légalité entre hommes et femmes, avec sur de tels sujets le souci prioritaire du rassemblement non partisan et de l’unité nationale. En se donnant concrètement la possibilité d’y parvenir. Enfin !

Je suis fier que le Président ait eu le courage et la lucidité de nous engager sur le chemin dune telle réforme. À charge pour nous den faire partager les enjeux.

À bon entendeur, salut, pour les déserteurs et les grincheux de tout poil !

Renaud Donnedieu De Vabres dans le Grand Journal d’Europe 1.

17 décembre 2003

Renaud Donnedieu de Vabres : «  Ecoutez, je trouve qu’aujourdhui, cest une belle journée parce que cest un appel au rassemblement des Français. Cest la volonté de mettre un peu sous le boisseau tout ce qui nous différencie. Les affrontements, les violences qui ont pu se manifester à lécole qui pouvaient avoir parfois des caractères racistes, xénophobes, antisémites. Donc, cest la volonté de créer un nouveau ciment. De faire en sorte que l’école soit le lieu où lon fabrique le citoyen… Guillaume Durand : «  Réactions aux propos du Président de la République avec Renaud Donnedieu de Vabres qui est porte-parole de l’UMP.(…)Je vous rappelle que le Président de la République est en faveur d’une loi sur les signes religieux ostensibles à l’école. Pour lui, la laïcité n’est pas négociable, le communautarisme ne saurait être le choix de la France. Renaud Donnedieu de Vabres, bonjour. Est-ce que vous avez, d’une certaine manière, l’impression que la fin de la partie est signée ? »

Renaud Donnedieu de Vabres : «  Ecoutez, je trouve qu’aujourdhui, cest une belle journée parce que cest un appel au rassemblement des Français. Cest la volonté de mettre un peu sous le boisseau tout ce qui nous différencie. Les affrontements, les violences qui ont pu se manifester à lécole qui pouvaient avoir parfois des caractères racistes, xénophobes, antisémites. Donc, cest la volonté de créer un nouveau ciment. De faire en sorte que l’école soit le lieu où lon fabrique le citoyen. Et pour autant, ce n’est pas la négation du fait religieux, du droit de chacun, de pratiquer sa religion quelle qu’elle soit et ça le Président de la République l’a rappelé avec beaucoup de force. Je trouve que cest un moment magnifique pour lhistoire politique parce qu’on a envie de se rassembler. On n’a pas envie, aujourd’hui, de polémiques subalternes. On a envie chacun de faire un effort pour tendre la main à lautre et qu’il y ait une règle commune qui s’applique à chacun. »

Guillaume Durand : « Est-ce que cela veut dire pour autant que finalement lidée de Français dorigine musulmane, Français dorigine juive, Français d’origine chrétienne. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Mais attendez, ça va pas la tête ! La religion nest pas une origine nationale. On ne va pas parler de Français dorigine musulmane, dorigine chrétienne, dorigine juive. Il y a des citoyens français qui peuvent avoir des traditions, des racines, des cultures, des origines. Mais avant toute chose le Président de la République nous demande d’être fiers, d’être fiers dêtre Français dans notre diversité. Et ça cest bien. Et moi, je veux que chacun puisse librement être fier dêtre Français quelle que soit la couleur de sa peau,  sa tradition, sa culture. On doit tous se rassembler.»

Guillaume Durand : « Lépiscopat estime que la position du Président est mesurée, le rabbin Sitruk est satisfait. Mr Boubakeur qui préside le Conseil français du Culte Musulman dit : “ nous appelons dabord notre communauté à la sagesse”. Est-ce que vous avez limpression que tout ça va dans le sens de l’ apaisement ? »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Je crois quil y avait certainement un trouble à dissiper parce que les différentes communautés religieuses qui existent dans notre pays se demandaient si on nétait pas devenu des négationnistes. Cest-à-dire des gens qui ne voulaient plus reconnaître la liberté de chacun davoir ou de ne pas avoir de religion. Je crois que le Président de la République a exprimé un parfait équilibre en montrant qu’à lintérieur de lécole, à l’hôpital, des règles devaient sappliquer à chacun. Et que pour autant, il était important qu’ on enseigne le fait religieux à lécole. Le fait religieux ce nest pas faire du prosélytisme, cest obtenir uniquement que chacun connaisse la religion de lautre. Parce que grâce à cela sil y a plus de connaissances, il y a un peu plus de respect et il y a un peu moins de violence. »

Guillaume Durand : « Est-ce que vous n’avez pas limpression que derrière toute cette affaire on en train de traiter au fond la question des émigrés dorigine dAfrique du Nord qui sont venus il y a 40 ans en  France pour travailler et qui nont jamais été intégrés. »

Renaud Donnedieu de Vabres : «Mais cest évident ! »

Guillaume Durand : «  Cest-à-dire quen fait on  traite quasiment un problème laïque. »

Renaud Donnedieu de Vabres
: « On parle de la réalité sociale et économique et là vous avez raison. Dans notre pays, il y a trois ou quatre siècle, il y avait beaucoup de chrétiens, il y avait des gens qui pratiquaient la religion juive. Aujourdhui il y a et cest un phénomène nouveau depuis quelques dizaines dannées des gens qui pratiquent la religion musulmane. Donc il faut tenir compte de cette réalité. Il y a dautres part des exclusions sociales et des personnes qui en raison de la couleur de leur peau ou de leur nom – et le Président de la République l’a rappelé et il a eu raison de le faire – qui peuvent se sentir injustement traités. Je ne suis pas du tout pour la discrimination positive, pour choisir les gens en fonction de leur religion. Je suis pour que lon rétablisse l’égalité pour chacun et je crois que cest très important. »

RDDV invité d’Arlette Chabot dans Mots croisés : “La laïcité en question”.

17 décembre 2003

RDDV : « On sait très bien qu’il y a des formes d’intégristes qui peuvent menacer lunité de la République. Et que deuxièmement ce problème sest compliqué avec lactualité internationale actuelle. Ce nest pas la peine de se voiler la face. On sait très bien que malheureusement, cest la réalité. Moi jassume mes responsabilités en disant que en tant que législateur, je souhaite – bien sûr en étant respectueux de lautonomie du Président de la République – que nous nous engagions dans la voie dune loi… Arlette Chabot : « Marie-Ange Henry, Proviseur du Lycée Jules Ferry, comme nous l’avons vu dans ce reportage cela arrive souvent davoir des professeurs qui discutent comme ça, au cas par cas, au coup par coup, jour après jour. »

Marie-Ange Henri : « Ce reportage reflète exactement ce qui se passe. (…) Au quotidien les chefs détablissement, les équipes doivent régler ces problèmes ( de foulard). Discutent. Cest reculé, avancé, expliqué. Et nous sommes dans des cas multiples comme cela. Les cas les plus médiatisés, les plus lourds évidemment portent en eux des charges extrêmes. Mais le quotidien cest cela. On discute avec les parents. Ils reviennent avec les jeunes filles etc. Les chefs d’établissements sont depuis larrêt du fameux Conseil dÉtat, contraints de faire dans leur établissement une espèce de droit local en fonction des circonstances, des influences et des bons vouloir. »

Arlette Chabot : «  Cest pour cela que vous êtes ici ce soir, cest parce que, vous, les proviseurs, vous avez eu une influence considérable sur la commission Stasi, et dailleurs sur la mission dinformation mise en place à lAssemblée Nationale. Et vous avez dit “ ras-le-bol” du droit local. »

Marie-Ange Henri : « Cest cela, nous avons dit ras-le-bol de faire du droit local. Ce sont en même temps des souffrances de la part des jeunes. On regarde également ces jeunes gens et ces jeunes filles qui nont pas à connaître la religion de leurs camarades, pas plus que les professeurs nont à connaître la religion de leurs élèves. On a un regard identitaire après sur un élève. On n’a pas un regard apaisé. Lécole nest pas un endroit banal. Cest un lieu où se dispensent des savoirs. Où s’apprend la critique. Cest un lieu où l’on doit se poser pour réfléchir. Et dans ce lieu là on est soumis à des pressions, à des manifestations identitaires, à des négociations sans fin. Et bien nous disons que nous avons besoin dun cadre législatif. »

Arlette Chabot : « Vous Monsieur Amar Lasfar, comment réagissez-vous à cette scène, à ce reportage ? »

Amar Lasfar, Recteur de la mosquée de Lille : « C’est un échantillon fortement représentatif de ce qui se passe en France. Vous remarquerez la volonté de nos élèves musulmanes de trouver le compromis. De trouver une solution. Ce que lon voit ici est un signe religieux, certes. Mais ce nest pas un voile, ce n’est pas un foulard. Les élèves de confession musulmane manifestent le désir de trouver un compromis, dadapter, dagir sur les textes eux-mêmes tout en restant dans lesprit et le sens du texte lui-même. En parlant du voile, en parlant de signe religieux, est-ce quon a eu la gentillesse daller consulter un spécialiste de cette religion pour savoir sil sagit dun signe, dune obligation ou dune prescription religieuse ? Aujourdhui, on le qualifie de signe. Moi je tire mon chapeau  à ces filles qui essayent d’inventer et d’innover.  En tant que recteur de la mosquée de Lille, jappelle les filles à innover en la matière et de trouver ce foulard, ce couvre chef qui sadapte au paysage des Français. »

Arlette Chabot : « Mais c’est un peu tard, parce que vous allez avoir une loi que vous considérez comme loi discriminatoire. »

Amar Lasfar : « La loi, cest lAssemblée Nationale qui va en débattre par la suite.  les musulmans de France feront savoir ce que nous en pensons. (…) Un débat de fond na pas été engagé sur cette question du voile pour trouver une solution.(…) »

Arlette Chabot
: «  Michel Deneken, vous êtes prêtre, vous n’êtes pas loin de penser la même chose que Mr Lasfar.  LEglise dit non à une loi et dénonce une espèce de laïcité, de combat qui revient régulièrement en France. »

Michel Deneken, Doyen de la Faculté Théologique de Strasbourg: « Je crois quil faut distinguer ce que la commission Stasi a émis comme conclusion qui est saluée partout en France comme un chef-d’œuvre déquilibre, dans le bon sens du terme. Et les possibles craintes que l’on peut avoir sil y a une législation. Il faut distinguer les deux. Je crois que la tradition chrétienne, catholique, en France, a une histoire. Elle est passée de 1789 à 1905 par des crises et un processus qui étaient durs, très longs. Et je comprends que des religions plus récentes et moins connaisseuses des traditions dun pays démocratique laïque aient des problèmes. Je dirais que de ce côté-là nous avons quelques craintes, et je dirais évidemment que par souci de justice, il faut que la commission mette sur le même plan tout le monde. Mais les chrétiens et juifs nont pas le même rapport au signe religieux et surtout pas en France ou encore une fois nous avons 100 ans de séparation de lEglise et de lÉtat derrière nous. Ce schéma très difficile pour les catholiques, je dirais, reste à parcourir pour les musulmans (…)

Arlette Chabot : « Renaud Donnedieu de Vabres, alors en gros vous êtes un laïcard épouvantable. Cest-à-dire quil y a une espèce de folie qui passe laïque. Et qui brimerait à la fois les musulmans qui disent que c’est leur religion qui est stigmatisée et les catholiques qui disent “eh bien nous ne sommes pas daccord” ? »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Non pas de la moindre manière ! Le temps est venu de savoir prendre ses responsabilités. De partir de la réalité des situations daffrontements, d’incompréhensions, de violences parfois que lon constate dans les écoles, que lon constate dans un certain nombre de lieux publics dans notre pays. Le temps est venu de mettre un peu sous le boisseau lidentité de chacun au profit, à lintérieur de lécole, de ce qui nous rassemble. Du ciment, de la fabrication des jeunes citoyennes et des jeunes citoyens qui doivent apprendre à vivre ensemble, à se respecter. Cest le contraire de la négation de lesprit religieux. Ce nest pas les combats dantan pour interdire à chacun de pratiquer sa religion. Cest de la sphère privée. Il faut quà lécole – alors que lon fabrique de jeunes citoyens – ils apprennent encore davantage à vivre ensemble, à se respecter. On a beaucoup focalisé le débat sur les signes ostensibles à caractère religieux. Je souhaite que lon parle de plein de choses. Que lon parle de lapprentissage des religions aussi. »

Arlette Chabot : « Mais là vous êtes en train dessayer de noyer le poisson. Cest-à-dire on va faire une loi et pour la faire passer alors qu’elle est jugée un peu dure par l’Eglise et les représentants de la religion musulmane, dun seul coup on va dire : “ on fait des jours fériés en  plus, on va enseigner les religions… »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Pour linstant, jai parlé de lenseignement du fait religieux comme principe philosophique et culturel, parce que moi je souhaite que les principes de la religion catholique, juive et de la religion musulmane soient connus de tous. Qu’ils soient enseignés parce que cela évitera des affrontements. Je vais donner un exemple, le 11 septembre 2001, le jour de lattentat ,il y a eu des propos immédiatement daffrontements à caractère religieux et je me suis aperçu – alors que javais eu la chance de faire des études – que je ne connaissais pas les principes du Coran. Et donc, jai demandé à des amis de religion musulmane de me faire une sorte de session accélérée pour apprendre les principes de cette religion. Je pense que vivre ensemble sur une base dégalité, de respect absolu entre lhomme et la femme ce nest pas la négation du fait religieux. »

Arlette Chabot : « Donc je reprends ma question vous nêtes pas saisi dune pulsion laïque terrible. La majorité (…) cest simplement parce qu’elle a  peur qu’il y ait un islam radical qui se diffuse un peu partout en France via l’école, via lhôpital et ailleurs pour dire les choses clairement.»

Renaud Donnedieu de Vabres
: « On sait très bien qu’il y a des formes d’intégristes qui peuvent menacer lunité de la République. Et que deuxièmement ce problème sest compliqué avec lactualité internationale actuelle. Ce nest pas la peine de se voiler la face. On sait très bien que malheureusement, cest la réalité. Moi jassume mes responsabilités en disant que en tant que législateur, je souhaite – bien sûr en étant respectueux de lautonomie du Président de la République – que nous nous engagions dans la voie dune loi. Pourquoi ? Parce que je pense que cest une clarification nécessaire ainsi que de savoir prendre ses responsabilités. Comme le disait Mme le proviseur, il nest pas normal quon laisse les enseignants, les proviseurs de lycées, les principaux de collèges dans des situations parfois inextricables. Ce nest pas une guerre civile, cest une réconciliation à laquelle nous souhaitons parvenir. Cest très important. Personne ne doit se sentir viseé comme un bouc-émissaire. »

Arlette Chabot : « Ce nest pas ce que dit M. Lasfar. Il se sent visé. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Cest pour ça que je le dis en regardant droit dans les yeux Monsieur Amar Lasfar. »

Amar Lasfar : « Je me sens visé parce quon ne ma pas donné la chance de participer au débat. Certes, un certain nombre de musulmans et de musulmanes  -deux sur 140 en loccurrence qui portent le voile – ont été invités à ce débat et auditionnés par la commission Stasi (…). On a débattu, on a auditionné, on a entendu toutes les sphères de la société mais pas suffisamment celles qui vont être contraintes. Celles qui portent le voile sur la tête. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Pas uniquement les femmes françaises de religion musulmane. Lautre jour, jai été à un débat et quelquun sest situé comme un citoyen musulman. Je lai interrompu en lui disant “ non, avant tout vous êtes Français ”. Une femme quelle soit de religion chrétienne, juive, musulmane est avant tout une citoyenne de la République française. Et il est normal quil y ait un certain nombre de règles pour vivre harmonieusement dans la cité. Personne, vraiment personne est désignée. Je crois quil faut que vous le compreniez. Cest une règle qui sapplique à chacune et à chacun. Le temps des identarismes qui conduit ensuite au communautarisme vous voyez bien que cela devient dangereux et quil faut un peu mettre une pédale douce là-dessus. »

Amar Lasfar : « Je suis parfaitement daccord avec vous. Qu’entend-on par la aujourdhui ? Ce qui pose problème, cest le voile. Nous les musulmans, nous  le sentons comme ça. Ce nest pas les Kippas qui posent problème, ni les grandes croix, cest le foulard. Est-ce que lon a pris le temps de comprendre les motivations de ce foulard.(…). Dans votre combat contre lintégrisme, nous sommes vos premiers alliés. Dans ce combat, les musulmans qui travaillent au sein de notre communauté sont vos alliés. En aucun cas, on ne peut mettre tout le monde dans un même panier et dire que le foulard est un signe de soumission. Cela fait beaucoup de mal et beaucoup de tort à ses filles et ses petites filles qui ont cru être citoyennes avant tout. Elles disent : “je suis libre et je me sens pleinement épanoui dans la citoyenneté”. “Et je veux donner un dosage de religiosité dans ma citoyenneté”. »

Arlette Chabot : « Trois jeunes femmes voilées ont été entendues dans la commission Stasi, il y a trois jeunes femmes non voilées qui ont aussi été entendues. Comment réagissez-vous à ce que dit M. Amar Lasfar ?. »

Zazi Sadou, Représentante du rassemblement algérien des femmes démocrates : «  Je reprends deux termes qu’il a employés. Le terme d’ intégrisme et les termes « petites filles ». Je crois quil faut sinterroger sur lapparition du voile comme luniforme. Ce nest pas le petit foulard qu’avait limmigration. Car l’immigration ancienne devenue troisième génération ne la pas emmené dans ses valises. Mais le foulard tel quil est aujourdhui que lon connaît, que lon voit de plus en plus en Europe est intimement lié à la montée de groupes théologico-politiques dans les pays musulmans et en Algérie. Deuxième chose, pourquoi aujourdhui, on ne veut clouer les femmes musulmanes au voile. Je me mets en porte-à-faux avec cette affirmation que cest un signe obligatoire. Si le foulard était une obligation dans lIslam, il aurait été le sixième pilier. Le foulard nest pas indiqué comme une obligation. Aujourdhui, on voit des jeunes filles, de petites filles affirmer en tant que musulmane en disant cest ma liberté. Je minterroge sur la capacité quont des filles de 9 ou 10 ans à pouvoir associer une identité culturelle avec des idées religieuses si on ne leur a pas suggéré. Je me sens interpellée comme femme de culture musulmane, militante engagée contre les groupes politico-religieux intégristes. Il y a quelque chose de très gênant. Des hommes et des femmes épris de démocratie se sont levés pour soutenir les femmes afghanes. On a eu beaucoup de soutien. Et des algériennes sont mortes parce quelles ont refusé de porter le voile. (…)Pour moi, le voile est un signe doppression et le débat en France, est un bras de fer entre la République et des groupes de pression politico-religieux. » (…)

Arlette Chabot : « Renaud Donnedieu de Vabres, il faut que la loi soit plus large parce qu’ on focalise sur lécole mais on voit bien que le problème est au-delà de lécole. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Je pense que le Président de la République doit mercredi traiter la question de la manière la plus large qui soit et avec le souci de clarifier les choses. Monsieur le recteur, je ne doute pas que dans votre vie personnelle vous soyez plein de déontologie et que tout se passe très bien. Mais quelque part cela ne nous regarde pas ! Par contre, vous navez pas le droit de dire “laissez-nous faire” cela veut dire quoi “laissez-nous faire” ? Ca veut dire que cest le pouvoir religieux, quel quil soit qui va édicter des règles de la vie de la cité en France. Eh bien c’est non ! Regardez les dérapages qui sont en train de se produire ; on parle maintenant des Français dorigine musulmane. Est-ce que demain on va parler des Français dorigine chrétienne ou dorigine juive ? La religion nest pas une origine nationale. Et maintenant, dans lactualité récente un magistrat parce quil était supposé être dorigine juive était récusé par quelquun qui nétait pas dorigine juive. On parle de nomination de préfet musulman. Est-ce que demain, on va parler dun ambassadeur chrétien ? La religion, cest le privilège de lindividu de croire ou de ne pas croire. Et moi je respecte évidemment cette liberté de conscience. Cette liberté religieuse. Elle est essentielle. Nous sommes dans une période où il faut clarifier les choses. Avoir le courage de ses responsabilités. Aux hommes politiques, aux législateurs de définir les règles de la cité. De mettre un terme à des affrontements, à des  violences. Et vous savez très bien que le témoignage que vous avez exprimé concernant lAlgérie peut se produire dans notre pays. Et que certains utilisent le fait religieux comme une arme. Et ça, cest clair c’est non ! Il faut que lon sache faire un geste vis-à-vis des uns et des autres. Et quand je dis un geste ce sont les religions les unes par rapport aux autres. Parce qu’aujourdhui les chrétiens se sentent dune certaine manière agressés. Dans ma ville, à Tours, à l’inauguration dune exposition sur la Bible, quelquun est venu me dire avec un oeil un peu noir “en somme, il faut que les chrétiens se taisent pour que les musulmans naient pas la parole”. Alors jai eu une discussion très vive. Mais jassume le fait aujourdhui que quelle que soit sa religion on doit savoir se donner la main pour mieux se respecter. Et donc, il faut que ceux qui sont de religion chrétienne, juive ou bouddhiste ou musulmane sachent se parler ainsi que ceux qui nont pas de religion. Il faut rappeler que cest quand même la plus grande majorité des Français parce  quil n’y a qu’ 1 Français sur 10 qui pratiquent.  Il faut quil soit enseigné en tant que principe culturel et philosophique des principes de la religion. Parce quil ne faut pas que la religion soit dans notre pays un élément daffrontements et de violence. Et je dis, pour quon n’apparaisse pas comme des négationnistes de la liberté de conscience mais que quand même on reconnaisse au pouvoir politique en France la volonté et les moyens dorganiser pour tout le monde quelle que soit son origine, quelle que soit sa religion, la vie dans la cité. En rétablissant légalité. Je sais très bien quil y a des inégalités dans notre pays en fonction des origines et quil faut quon rétablisse des égalités. » (…)

***

Laïcité : Faut-il instituer de nouveaux jours fériés ?

Arlette Chabot : « Renaud Donnedieu de Vabres , on a parlé des jours fériés. Est-ce que cest un geste que fait la France si on accorde Yom Kippour ? Le Premier Ministre dit quil était surpris, alors ces jours fériés dans les écoles oui ou non. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Je dis non ! Je crois quil faut quon soit un peu cohérent. Alors que l’on demande un effort supplémentaire aux Français pour financer la solidarité vis-à-vis des personnes âgées et des personnes handicapées, on ne va pas dun autre côté donner des jours de congés supplémentaires. »

Arlette Chabot : « Tout le monde dit qu’on supprime le lundi de Pentecôte en expliquant quon va travailler un peu plus alors les catholiques ne sont pas contents.»

Renaud Donnedieu de Vabres : « Le lundi de Pentecôte nest pas une fête religieuse. Vous savez très bien que dans les administrations et les entreprises, il y a des éléments de tolérance et des habitudes que les gens, en fonction de leur propre religion, peuvent bénéficier de certaines dispositions. Mais on ne peut pas aujourdhui modifier radicalement le système des jours de congés. Ce serait une erreur. »

Amar Lasfar : « (…) Le jour férié cest un geste, mais ce nest pas à lordre du jour. Lessentiel cest le foulard à lécole. »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Lessentiel ce nest pas le foulard. Lessentiel cest le respect de toutes les religions les unes par rapport aux autres. Le respect de la sphère privée pour la pratique de la religion et de la définition de principes universels qui sappliquent à tout le monde. » (…)

Sophie de Menthon, PDG – Multisignes Conseil, Présidente d’Ethic : « Lessentiel cest le respect de lhomme et de la femme. (…) Cest légalité de la femme et de lhomme. (…)  Le problème de lentreprise ne peut pas être séparé des problèmes de lécole (…) Nous demandons une loi pour que les chefs dentreprise puissent être maître chez soi et dans certaines circonstances autoriser ou ne pas autoriser le port du voile. (…) Jai par exemple lexpérience de femmes voilées dans mon entreprise ne voulant pas être seules avec un homme dans un ascenseur parce quelles sont gênées, et qui ne veulent pas serrer la main de clients, (…)Il faut donner à l’école les moyens de faire respecter une loi. La plus simple possible en disant quun chef dentreprise a le droit dempêcher dans la tenue de ses salariés tout ce qui est un facteur discriminant empêchant la libre égalité de lhomme et de la femme dans laccession de ses fonctions professionnelles. ( …) Sachez que je ne recruterais pas plus une religieuse. Et encore moins si elle arrive voilée. »

Amar Lasfar : «  (…) Je suis pour le droit des femmes. Pour moi c’est la femme. Et je recruterais une femme  avec un voile sur les épaules ou sur la tête. Pour moi cest une femme et il faut qu’elle bosse ! »

Zazi Sadou : « (…) Ce n’est pas une anecdote lhistoire du voile. Encore une fois je regrette que cela fasse partie dun processus, dun mouvement de conquête théologico-politique (…) J’ai des amies qui ont été abattues à bout portant parce quelles ont refusé dabdiquer et de porter le voile en Algérie. Au début c’étaient de petits signes que tout le monde occultait et aujourdhui nous avons affaire à un mouvement organisé. Au-delà du voile, il y a la pression que lon fait sur les mères. Dans les banlieues des jeunes filles non voilées qui parlent avec un garçon sont traitées de putain. Cest inadmissible ! Inacceptable ! »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Tout le monde a le droit de cité y compris et surtout ceux qui peut-être se sentent mal  ne sont pas Français depuis 5 ou 10 ou 15 siècles. Les Français originaires du sud de la Méditerranée ont comme chacun droit de cité. Il y a parfois des retards, des injustices. Il faut les combler ! Mais ce nest pas avec le principe religieux que lon comblera les retards. Je suis fondé sur la réalité. Oui chacun a le droit de cité. Il doit y avoir des mesures de rattrapage. Parfois il faut veiller au pluralisme mais pas en fonction de critères religieux. Jamais en fonction de critères religieux on ne doit assurer le recrutement, la promotion ou la condamnation. » (…)

Arlette Chabot : « Est-il un débat sur la modernisation de lIslam que ce soit un islam de 2003, 2004, 2005 ?

Malek Chebel, Anthropologue : « Si je dois me qualifier moi-même je suis un musulman libéral. (…) La question du voile cache la grande désespérance dun certain nombre de jeunes (…)il faudrait faire un débat sur les causes, lorigine de cette volonté de foi. Là cest ça le débat essentiel. »

Arlette Chabot : « Monsieur Lasfar, conséquence sil y a une loi, vous dites : catastrophe, ouvertures décoles musulmanes comme là votre. »

Amar Lasfar : « (…) Les musulmans doivent respecter la loi comme ils lont toujours fait mais ils feront entendre leurs positions justement de la façon la plus  légaliste quil soit dans notre pays pour dire attention, on souffre ! »

Arlette Chabot : « Cest aux élections. Il y aura des sanctions ? »

Amar Lasfar : « Les voies, lesquelles ? Celles qui sont dans notre société. Nous sommes dans une démocratie où les musulmans et les musulmanes ont tous les moyens dont ils disposent dans une démocratie. »

Arlette Chabot : « Comment vous comprenez ça ? Un vote musulman ? Des appels à voter contre ceux qui auront défendu la laïcité ? »

Renaud Donnedieu de Vabres : « Moi, je suis quelqu’un de très volontariste. Et donc je pense que ce qui doit nous réunir – et je ferai tout pour que cela réunisse tous les citoyens français quelle que soit leur religion – cest la lutte contre le communautarisme, contre les intégrismes, contre le fanatisme, contre les discriminations. Il y a plein de discriminations dans notre pays.  Franchement le geste demandé aux uns et aux autres c’est de faire un pas. Demander aux uns et aux autres de savoir faire un pas ensemble pour quon avance. Parce que si on reste sur place à se regarder en chiens de faïence, alors les choses vont déraper. Et vous savez très bien que la réalité de lactualité ce sont des violences. Cest parfois des choses à caractère raciste, xénophobe, antisémite. Aussi contre les musulmans. Et donc il faut le reconnaître et il faut que lon avance. »

Arlette Chabot : « Renaud Donnedieu de Vabres, vous pensez que vous serez punis aux élections ? »

Renaud Donnedieu de Vabres
: « la punition serait de ne rien faire ne rien faire et laisser la réalité se dégrader. Et limage de notre pays doit être celle dun pays qui sait rassembler et qui sait donner à chacun sa chance ! »

Une vraie pédagogie du sens de la laïcité était nécessaire… Le Président s’y engage !

16 décembre 2003

À l’Assemblée Nationale, le mercredi 3 décembre, dans la salle de réunion du groupe UMP que nous avions prêtée pour la circonstance, plusieurs associations dont « Citoyenneté et Démocratie » commémoraient les 20 ans de la marche des Beurs. Avec son Président Hassan Ben M’Barek, bourré de malice et d’intelligence, nous avons un vrai « palmarès » de contacts très directs de terrain : Alain Juppé dans le « 93 », Dominique de Villepin à Argenteuil et moi-même à Gennevilliers le soir de l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Irak…

Dans ce lieu de débats parlementaires aussi rituels qu’éternels, l’air était électrique. L’atmosphère vive et stimulante. Celle des grands soirs, des meetings authentiques. Dans les premiers rangs, quelques personnes très voilées… Du coup, quelques hommes avaient revêtu leurs kippas symboliques… Seul le Père Delorme, magnifique figure de l’égalité des droits entre tous les citoyens quelle que soit leur origine, était en tenue totalement civile ! ! ! En arrivant et en retrouvant de nombreux amis avec lesquels nous avions organisé – dans l’ombre – cette rencontre, j’ai tout de suite compris que la soirée allait être « chaude », tant les impatiences, les frustrations et les injustices étaient fortement ressenties.Et très perceptibles.

Claude Bartolone, l’ancien ministre PS de la ville, et Patrick Braouezec, pour le PC, n’ont pas honoré de leur présence la table ronde qui devait clôturer les témoignages des principaux acteurs de la marche, contrairement à ce qu’ils avaient promis. Sans prévenir quiconque… Une attitude désinvolte et méprisante à l’image de l’ échec de la politique d’intégration de 2 septennats socialistes de François Mitterrand et du quinquennat matignonesque de Lionel Jospin…

Tous les courants de pensée et d’expression des Français de religion musulmane étaient réunis, pour interpeller parfois très « directement » le seul élu de la Nation, du coup, que j’étais ce soir-là. Avec d’ailleurs, à la sortie, un sentiment de fierté d’avoir rempli mon devoir, et d’avoir réussi à tenir le choc des passions qui sont béantes et vives.

À de nombreuses reprises, j’ai compris que la différenciation religieuse n’était au fond qu’un prétexte pour exprimer et clamer le ras-le-bol de l’injustice sociale. Les portes fermées pour un jeune diplômé apparaissent encore plus brutales lorsque la couleur de la peau ou la consonance du nom permettant facilement d’imaginer qu’il s’agit en fait d’une exclusion à caractère raciste, xénophobe… Avancer le fait que le chômage touche également des garçons et des filles, Français depuis des générations et bardés de diplômes ne sert strictement à rien, tant le parcours du combattant est plus rude lorsque l’on vient « des quartiers » comme on dit pudiquement…

« Je suis un citoyen musulman, qui… » Ai-je entendu à de très nombreuses reprises avec une volonté forcenée de signifier que l’appartenance religieuse était un étendard plus flamboyant que le drapeau national !

J’ai, à chaque fois, essayé de répliquer avec pédagogie mais fermeté que la religion ne serait jamais une origine nationale en France et que c’était le sens même de notre volonté de remettre à l’honneur les principes de laïcité.

Dans ces échanges parfois polémiques et délicats, est survenu un incident qui a détendu l’atmosphère. Un jeune dans l’assistance a posé à un brillant intellectuel français, de religion juive, partageant sa vie entre Jérusalem et Paris coiffé de sa kippa, une question en l’appelant : « Monsieur le Rabbin ». L’intéressé a réagi avec humour en enlevant aussitôt sa kippa et en expliquant qu’il n’était qu’ universitaire ! Les caméras de France 2 étaient malheureusement parties…

Cette scène illustre au fond assez bien que les signes religieux sont faits pour les enceintes religieuses… Sinon s’instaure une certaine confusion entre le laïc et le religieux ! ! ! Sic…

En tout état de cause, parler religion en cette journée de commémoration de l’irruption dans l’actualité politique et sociale il y a 20 ans des jeunes Français issus de l’immigration, c’est pour eux ostensiblement refuser de considérer avec attention la réalité de leur vie quotidienne. Évoquer l’Islam, stipuler l’égalité nécessaire entre l’homme et la femme sont considérés comme une sorte d’abus choquant où l’on cherche délibérément à nier l’injustice et l’inégalité en mettant artificiellement en avant les clivages confessionnels.

Ce ressentiment est particulièrement exacerbé chez les fondamentalistes musulmans qui cherchent eux-mêmes à utiliser la misère et la détresse humaine pour embrigader dans leurs rangs les plus faibles et les plus démunis.

« L’heure est à la réparation des injustices subies, des exclusions pérennisées, des discriminations juridiquement proscrites mais pratiquement tolérées ». Ce cri du cur, avec de multiples exemples à la clé, a retenti avec éclat tout au long de nos discussions. L’Assemblée, dans le calme d’une soirée où les députés avaient déjà regagné leur circonscription, grondait dans son sous-sol d’une revendication qu’il faut considérer et traiter avec intelligence et activisme. Comme l’a entrepris avec talent et générosité Jean-Louis Borloo, résolu à « réduire » la fracture territoriale que lui a laissée la gauche soi-disant solidaire et généreuse.

Malgré l’impérieuse nécessité de rétablir concrètement une vraie égalité entre tous les Français, quelle que soient leur origine, leur couleur de peau, leur religion, et d’agir méthodiquement pour y parvenir, il reste urgent de donner un coup d’arrêt à toutes les dérives racistes, xénophobes, antisémites, islamophobes, qui souillent quotidiennement l’actualité française. De stopper l’utilisation de la religion comme une arme politique de guerre intérieure.

C’est à notre honneur, même s’il est déjà tard pour le faire, de rappeler à l’ordre des valeurs républicaines ceux qui sont tentés de s’en soustraire. A charge pour cette République de donner sa chance à chacun

Il est des lieux, des dates, des circonstances où c’est un exercice redoutablement difficile. Mais la désertion reste la pire des lâchetés !

***

Tours. Samedi 6 décembre. Sous le péristyle de l’Hôtel de ville, où était inaugurée une exposition sur la Bible, censée aux yeux du maire très prudent « équilibrer » celle consacrée à l’histoire de la Franc-Maçonnerie il y a un an !

Une femme d’une cinquantaine d’années s’approche de moi pour parler laïcité, loi, voile, signes religieux ostentatoires etc. Elle me lance, avec la force d’un missile ultra-sophistiqué : « EN FAIT, IL FAUT QUE LES CHRETIENS SE TAISENT POUR QUE LES MUSULMANS N’AIENT PAS LA PAROLE ». Elle résumait par cette phrase lapidaire ce qu’en profondeur de nombreux chrétiens ressentent sans toujours oser l’exprimer avec cette sincérité blessée et avouée. Autant dire que, dans leurs rangs, il était inenvisageable de supprimer le lundi de Pentecôte – jour férié sans motif religieux mais utilisé concrètement à certaines cérémonies – et d’octroyer deux jours de congé pour la fête de Kippour et de l’Aïd-el-Kebir. Cette interpellation, en forme de tir de semonce, annonciatrice vraisemblablement d’un ras-le-bol profond voire d’une véritable explosion, est l’aboutissement de toute une série de « dénis de justice » vécus comme tels par de très nombreux chrétiens.

Si personne ne conteste le devoir d’intégration au sein de la communauté nationale des « nouveaux français », beaucoup refusent que soit pour autant gommée, niée la part chrétienne de notre patrimoine, de notre culture, de notre identité. Il en est de même pour l’Europe, dont l’héritage chrétien a fait l’objet de vifs débats, notamment lorsqu’il fut question de la rédaction du préambule de la Constitution.

Chacun sent bien, dans cet ordre d’idées, que la perspective de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne crée un front du refus, fondé sur le non-dit du périmètre chrétien de l’Europe.

Le retour sous les feux de la rampe du thème de la laïcité est détourné par certains de son objectif profond, de sa mission « civilisatrice ».

L’origine étymologique du mot laïcité est en elle-même une ambition : le terme grec, Laos, désigne l’unité d’une population, considérée comme un tout indivisible. L’unité du Laos est donc simultanément un principe de liberté et un principe d’égalité.

Ce n’est malheureusement pas l’analyse communément répandue.

Les musulmans se sentent désignés comme cibles, comme boucs-émissaires des tensions sociales et culturelles; les chrétiens craignent un retour au négationnisme religieux, rappelant à leurs yeux les pires heures du laïcisme agressif du début du siècle dernier.

La Conférence des Evêques de France considère comme injuste l’esprit de symétrie, où, pour ne pas viser exclusivement l’Islam, sont mises sur une sorte de pied d’égalité toutes les religions monothéistes.

Le contexte international, marqué par le terrorisme, l’intégrisme et le fanatisme, renforce cette exacerbation des passions et l’esprit de défensive de chaque communauté.

Le rappel des règles de la laïcité est donc vécu par certains croyants comme une guerre faite à la religion, comme une idéologie partisane qui prône la religion de l’irréligion.

La garantie absolue de la liberté de conscience, du droit fondamental à pouvoir librement croire ou ne pas croire doivent figurer au fronton de nos devises républicaines avec clarté et force. Pour éviter de rouvrir des plaies qui étaient solidement cicatrisées. Il faut d’ailleurs, aller plus loin, et veiller à l’école à ce que soient réellement enseignés l’histoire et le contenu de toutes les religions. La connaissance de l’autre, du différent, de l’ailleurs génère tolérance, respect, unité, compréhension mutuelle. On y contribue…

N’ayons pas peur dans cette période tumultueuse et agitée de faire face à notre responsabilité politique. L’affirmation des principes fondamentaux de la personne humaine, des droits de l’homme et du citoyen, la supériorité de la loi de la République sur la pratique coutumière ou sur des préceptes religieux sont les socles de notre civilisation et de notre culture, les piliers de notre sagesse, le principe même de l’Etat de droit. Même s’il faut naturellement reconnaître que la morale laïque n’est pas sans lien avec certaines maximes religieuses. Une sorte de mariage mixte !

***

La question « sacrilège » , s’il en est, est celle de la pratique naturellement légitime de la religion musulmane dans une terre, un pays, un Etat marqués par la tradition chrétienne et imprégnés de la culture juive.

Quelle géographie de la religion ? Quelle fécondation entre le spirituel et le temporel ? Quelle interaction entre la norme légale et la maxime religieuse ?

Ces questions rituelles et banales prennent évidemment une dimension, particulièrement s’agissant de l’Islam, parce qu’il est en France une religion nouvelle
Le rapport Stasi met en lumière cette nouvelle diversité religieuse française : «  notre pays a connu en un siècle une mutation radicale. Il est devenu pluriel sur le plan spirituel. Autrefois appelée  » Fille aînée de l’Eglise « , forte d’une tradition protestante diversifiée, la France rassemble la première communauté juive d’Europe occidentale. Au cours des dernières décennies, de nouvelles religions se sont développées. L’Islam, issu principalement de populations originaires du Maghreb, d’Afrique et du Moyen-Orient, est représenté par la communauté la plus importante de l’Union européenne.  » « La France d’ aujourd’hui est parmi les pays européens les plus diversifiés. Cette rupture majeure dans son histoire lui donne ainsi la chance de s’enrichir du libre dialogue entre ces différentes composantes « .
De ce fait  » la laïcité d’aujourd’hui est mise au défi de forger l’unité tout en respectant la diversité de la société « .

La question du port du voile et de son interdiction à l’école, mal vécue par nombre de Français de religion musulmane tout à fait sincères, prend dans ce contexte un sens particulier. Elle n’est pas, en fait, religieuse mais politique. C’est en cela qu’elle peut-être un trouble à l’ordre public.

Lorsqu’il ne s’agit pas d’une démarche libre et uniquement spirituelle, d’un simple signe religieux inoffensif en lui-même mais de la première escarmouche, délibérément provoquée et conduite par les tenants d’un islam radical, dans la lutte sans merci qu’ils entendent mener contre les valeurs de la démocratie et de la modernité, le problème change de nature.

Les états d’âme que l’on peut avoir sur l’atteinte portée aux droits de l’individu par l’interdiction du port du voile s’estompent. C’est une question de « légitime défense », de protection du socle de valeurs républicaines et humanistes qui fondent la fraternité française. Les mouvements féministes turcs et tunisiens ne s’y trompent d’ailleurs pas lorsqu’ils défendent le maintien des lois prescrivant ou limitant le port du hidjab à l’école ou dans la fonction publique.

Pour être équitable, et ne pas dénoncer exclusivement l’intégrisme musulman, rappelons que chaque religion connaît ses extrémismes, ses commandos, ses fanatiques. Qui doivent être tous combattus vigoureusement.

Caroline Fourest et Fiammetta Venner, dans « Tirs Croisés », un livre remarquable sur « la laïcité à l’épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman », rappellent en avant-propos la définition que Voltaire faisait des fanatiques dans son Dictionnaire philosophique : « des gens persuadés que l’Esprit Saint qui les pénètrent est au-dessus des lois »

Pour ne pas être hypocrite, il faut souligner de surcroît – et cela renforce malheureusement la susceptibilité et la nervosité générales – que l’actualité internationale, qu’on le veuille ou non, que ce soit injuste ou non, pèse sur le débat interne. La dimension religieuse de certains actes terroristes crée un amalgame forcément fâcheux faisant craindre dans une religion totalement pacifique des dérives monstrueuses, qui ne sont le fait que d’une poignée criminelle de véritables fous. Sans aucun lien avec l’écrasante majorité des Français issus du sud de la Méditerranée, qui n’aspirent qu’à réussir dans une grande démocratie de la rive Nord, devenue leur patrie ! Et qui vivent comme une vraie blessure l’information malheureusement tragique concernant les attentats « au nom de Dieu ».

***

C’est dire que ce contexte ne rendait pas aisé l’exercice de synthèse républicain qu’il appartenait au Président de la République de faire comme il s’y était engagé le 14 juillet.

Traiter les questions « chaudes » sans farder la réalité ni attiser les peurs et jouer avec le feu, rétablir l’égalité nécessaire entre tous les citoyens sans créer de nouvelles discriminations réputées positives, permettra à chacun de pratiquer sa religion tout en respectant nos lois et nos valeurs, célébrer nos traditions en faisant preuve d’ouverture d’esprit et prenant en compte les diversités nouvelles, tels étaient quelques-uns des défis qu’il fallait relever !

Sans compter l’analyse faite à l’étranger du concept de laïcité, qui apparaît parfois incongru et même « blasphématoire »… Certains tenants de l’Islam arguent leur hostilité à la laïcité du fait qu’elle est fondée sur des lois et donc des principes auxquels ils n’ont pas été associés en tant que religion.

De plus, en Arabe le mot laïcité se traduit par lâdînî. L’expression séculier n’existant pas, celle qui été choisie initialement pour en exprimer le contenu comportait une négation ambiguë. Littéralement, lâdînî veut dire : non religieux ou antireligieux.

C’est la raison pour laquelle la décision du Président de la République a déchaîné de vives réactions chez certains grands chefs religieux dans le monde arabe :

. Le mufti de Syrie, cheikh Ahmad Kaftara, affirme que la nation musulmane voit dans le voile un des fondements de sa religion ».

. Le mufti sunnite du Liban, cheikh Mohammad Rachid Qabbani, évoque notre « haine pour l’Islam »

. Le mufti d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, estime que « le voile est un devoir religieux et pas un simple signe ».

Le frère du fondateur des Frères musulmans rejette, lui, totalement cette argumentation : « le voile n’est pas une obligation. Ni le Coran. Ni le Hadith ( les dires du prophète Mohamet) n’imposent pas à la femme de porter le voile. Le port ou non du voile s’inscrit dans le cadre du débat sur les murs et non sur les obligations religieuses » déclare Gomal al-Bonna.

Pour l’archevêque de Canterbury , chef spirituel de l’Eglise anglicane, Rowan Williams, la décision française est « provocatrice et destructrice ». « Ce n’est pas tout à fait surprenant dans un environnement séculaire qui ne considère la religion pas seulement avec suspicion ou incompréhension mais avec peur ».

« Historiquement cela s’explique, hélas, que la foi religieuse a trop souvent été le langage des puissants, l’excuse à l’oppression, l’oublie à l’atrocité. Or, cela renaît avec la menace de la terreur semée au nom de la religion alors que les représentants de cette religion ont, à tout niveau, sévèrement condamné une telle attitude incompatible avec la foi ».

« La foi n’est ni une perversion humaine, ni une excentricité marginale et privée ».

***

Dans ce concert de passions et d’incompréhensions en France et à l’étranger, trancher n’était pas facile.

Certains pensent que point n’était besoin d’ouvrir une telle confrontation. Qu’il y avait trop de risques à le faire. Ils ont tort car la situation sur le terrain, à l’école, dans certains quartiers de nos villes, exige une clarification, une sortie par le haut pour que chacun ait vraiment droit de cité. Avec à la clé le rappel du « contrat social », où les droits se « disputent » avec les devoirs.

Le Président de la République a prononcé un puissant discours, empreint d’humanisme et de force. Le 17 décembre est une date importante.

Peut-on espérer que cela crée un vrai élan, une fraternité réellement refondée ?

Certaines réactions dans l’opposition politique ou syndicale ont été d’une consternante médiocrité. Dénonçant déjà le manque de moyens pour la politique de la ville et celle de l’éducation. Caricaturant à loisir le parfait point d’équilibre proposé. Amnésiques de leurs propres impuissances.

Je l’ai vécu en direct sur Europe 1 où je réagissais avec mon « homologue » du PS, Julien Dray, qui n’arrivait pas à faire un geste. Simple. Beau. Urgent : Dire oui à la République, à la laïcité du 21e siècle, à la liberté religieuse, au respect absolu des droits de l’homme et du citoyen, à l’égalité entre hommes et femmes, avec sur de tels sujets le souci prioritaire du rassemblement non partisan et de l’unité nationale. En se donnant concrètement la possibilité d’y parvenir. Enfin !

Je suis fier que le Président ait eu le courage et la lucidité de nous engager sur le chemin d’une telle réforme. À charge pour nous d’en faire partager les enjeux.

À bon entendeur, salut, pour les déserteurs et les grincheux de tout poil !

L’UMP contre l’octroi de deux jours fériés supplémentaires.

16 décembre 2003

L’UMP, par la voix de son porte-parole Renaud Donnedieu de Vabres, s’est déclarée lundi opposée à l’octroi de deux jours fériés supplémentaires, autrement dit à l’instauration de jours fériés à l’école pour l’Aïd el-Kebir et Yon Kippour… L’UMP, par la voix de son porte-parole Renaud Donnedieu de Vabres, s’est déclarée lundi opposée à l’octroi de deux jours fériés supplémentaires, autrement dit à l’instauration de jours fériés à l’école pour l’Aïd el-Kebir et Yon Kippour, comme le propose le rapport Stasi sur la laïcité.

“L’UMP ne souhaite pas l’octroi de deux jours fériés supplémentaires car il y aurait contradiction et décalage entre d’un côté la journée de travail supplémentaire pour la solidarité en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées et de l’autre ces deux journées de congé supplémentaires”, a affirmé M.Donnedieu de Vabres en faisant allusion à la suppression possible du lundi de Pentecôte.

Selon lui, “le respect légitime des identités, des racines (…) et des religions ne doit pas occulter la recherche prioritaire du ciment qui rassemble les Français avec le souci d’une véritable égalité des chances entre chacun. Cela suppose naturellement une politique active, sans pour autant aboutir à la discrimination positive fondée sur les origines religieuses”, a-t-il précisé.

Entretien avec Renaud Donnedieu de Vabres, par Eric Branca.

26 novembre 2003

Le porte-parole de lUMP tire les leçons dune année politique mouvementée… Et dit son regret que le gouvernement nait pas réformé plus radicalement encore les modes de scrutin, dans la perspective de 2004…  “Nous ou les extrêmes…

L’UMP, dont vous êtes l’un des deux porte-parole, a fêté, le 17 novembre son premier anniversaire. Malgré les dissen-sions qui règnent dans la majorité, son bilan est-il à la hauteur de vos espérances ?

L’essentiel est que nous ayons réussi à créer un rassemblement à la fois divers dans ses sensibilités et uni dans son expres-sion, une famille de pensée, surtout, dont la réflexion est utile à tous. Qui a relancé, en France, le débat sur la laïcité ?  C’est l’UMP. Qui a le courage de parler de l’Europe aux Français ? C’est encore l’UMP. Je pourrais continuer en parlant des retraites ou de la baisse des impôts, réformes qui doivent beaucoup à notre réflexion… Bref, nous assurons à la fois un rôle d’éclaireur et de soutien, ce qui, dans une conjoncture qui prête davantage à la démagogie qu’au travail à long terme, n’est tout de même pas rien.

S’agissant de la laïcité, pourquoi l’UMP s’est-elle ralliée si vite à l’idée d’une loi qui ne faisait pas l’unanimité voilà encore six mois ?

Parce qu’il est devenu évident que la situation ne pouvait rester plus longtemps ce qu’elle est. C’est aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités ; nous ne pouvons laisser les chefs d’établissements seuls en première ligne. C’est à l’Etat de rappeler que, sur le sol français, la loi est la même pour tous et que la République ignore les discriminations. l’Etat n’a pas à intervenir dans la sphère privée. Mais dans la sphère publique, qui commence à l’école, il ne saurait être question que les filles n’aient pas les mêmes droits que les garçons. La loi ne dira rien d’autre. Mais c’est déjà beaucoup puisqu’il semble que ce principe de  base ait été perdu de vue.

Dans les statuts de l’UMP approuvés l’an dernier, il était question d’organiser le mouvement en courants. Cette pro-messe n’est pus à l’ordre du jour…

Il nous a fallu concilier deux impératifs : l’existence de sensibilités complémentaires et le refus de les transformer en autant d’écuries présidentielles. Ménager des espaces d’expression et de réflexion, oui ; stériliser le débat en l’instrumentalisant au service d’ambitions, non…

Au printemps, l’UMP a poussé le gouvernement à réformer les modes de scrutin européen et régional pour ne pas se retrouver dans la situation de 1998. Aujourd’hui, le FN existe plus que jamais et l’UDF menace de partir sous ses pro-pres couleurs à toutes les élections. N’êtes-vous pas parvenu à l’inverse de l’effet recherché ?

Une remarque générale tout d’abord : l’air du temps est tout sauf consensuel. L’atmosphère est électrique. Une radicalisation inquiétante est à l’œuvre, tant sur le plan international que sur le plan national. La violence qui s’exprime partout n’épargne pas la vie politique. Que les extrêmes se fassent la courte échelle pour harceler le gouvernement, c’est somme tout classique ; que l’UDF participe à cette guerre de tous contre nous, je le regrette d’autant plus vivement qu’il existe bien peu de raisons objectives à ce harcèlement.

Quant à la loi électorale, permettez-moi d’exprimer un regret à titre personnel : celui de n’être pas allés au bout de notre lo-gique en réformant les modes de scrutin. Nous voulions introduire une clarté démocratique supplémentaire en empêchant que le choix des électeurs au second tour ne soit entravé par des maintiens intempestifs ayant pour effet de casser le jeu : eh bien, il fallait limiter le second tour aux deux forces étant arrivées en tête au premier. Les candidats pour les scrutins uninominaux (légi-slatives et cantonales) ; les listes pour les scrutins à la proportionnelle, qu’il s’agisse des régionales, des municipales ou des euro-péennes.

Avec possibilité de fusionner à l’issue du premier tour ?

Bien évidemment ! L’essentiel était que les choses restent claires au second. La majorité face à la gauche ou face au Front National ; voire la gauche seule face au Front National si les électeurs en ont décidé ainsi…

Pourquoi ne pas être allé au bout de cette logique ?

Souvenez-vous du procès que nous ont intenté l’UDF et le PS ! A les entendre, nous voulions empêcher le pluralisme…Nous nous sommes donc contentés de relever les seuils permettant de rester dans la course après le premier tour, ce qui, je le main-tiens, n’était pas suffisant. Car au nom du pluralisme, qui doit être sans limite au premier tour, nous avons pris le risque de rendre plus difficile le choix des électeurs au second. La démocratie ne s’exerce pas dans l’ambiguïté.

François Bayrou n’en continue pas moins à vous reprocher de vouloir le marginaliser en ignorant la spécificité de l’UDF…

S’il mettait son talent à soutenir la réforme plutôt qu’à exercer son sens critique à la moindre occasion, les Français se ren-draient sans doute mieux compte du travail considérable mené par la majorité. L’alternative est simple : soit nos réformes réussis-sent, soit elles échouent. Et si elles échouent, ce sera un boulevard pour l’extrémisme.

Pensez-vous que François Bayrou mise là-dessus pour exister ?

Je ne dis pas cela. Je lui demande seulement d’être plus constructif. On n’entend que ses critiques, jamais son assentiment. Un seul exemple : ce gouvernement, qu’on accuse d’être tellement « conservateur », vient doffrir la possibilité à deux cent mille salariés ayant commencé à travailler très jeunes de partir à la retraite avant soixante ans. Cette mesure de justice sociale, per-sonne navait été capable de la prendre avant nous, et surtout pas la gauche. Pourquoi François Bayrou a-t-il oublié de nous ap-prouver ? Cest peut-être un détail, mais cela en dit long sur sa stratégie…

Bien que rien ne soit tranché, il semble que la perspective dun référendum ratifiant la future Constitution euro-péenne nait pas la faveur du gouvernement. Peut-on néanmoins sen passer pour engager un changement tellement radical dans lexercice de la souveraineté nationale?

De quoi sagit-il en lespèce? De relever un double défi: parachever la réunification du continent en élargissant notre Union  de quinze à vingt-cinq, et rendre possible le fonctionnement harmonieux des institutions héritées du traité de Rome.

Cela implique-t-il pour autant une révolution dans les rapports quentretient chaque Français avec lEurope? Réponse : non. Le travail remarquable conduit par Valéry Giscard DEstaing ne remet pas en question larchitecture générale de lEurope.

Ce nest pas lavis de la Commission de Bruxelles, qui pourrait se voir plus étroitement contrôlée quelle ne létait, dans lhypothèse, bien sûr, où le projet Giscard ne serait pas amendé…

Eh bien, justement ! Les grandes innovations de ce projet vont dans le sens dun retour en force des identités nationales, via linfluence renouvelée du Conseil des ministres, et dun comblement du déficit démocratique européen, grâce au rôle accru du Par-lement. Ce nest donc pas une révolution de même nature que ladoption de la monnaie unique consécutive au traité de Maastricht qui fut, lui, soumis à référendum.

Le Parlement a donc une légitimité équivalente à la voie référendaire pour ratifier ce projet.

Pour lheure, la priorité des priorités est dexpliquer et dexpliquer encore. A charge pour le Président de la République de choisir, le moment venu, entre les deux voies constitutionnelles qui soffrent à lui. Deux voies, je le répète, également légitimes du point de vue démocratique.

Vous avez bien une préférence…

Ma préférence, dans ce domaine comme dans tous les autres, cest celle de la clarté. Rien ne serait pire quun référendum dé-fouloir qui verrait les électeurs répondre à des questions sans rapport avec celle qui sera posée.
LEuropéen que je suis ne peut envisager que la France ne réponde pas « oui » à lélargissement et aux réformes quil impose. Lurgence est donc de délimiter le débat, de faire en sorte quil ne soit pas piraté par des ambitions minables.

On voit bien ces jours-ci que le clivage est net entre ceux qui avaient soutenu la position américaine en Irak et ceux, comme la France et lAllemagne, qui sen étaient séparés. Pensez-vous que la Constitution Giscard puisse faire les frais de cette situation?

Moins le texte discuté à Rome sera amendé, mieux ce sera. Ce que je sais, en tout cas, cest quentre la France et les Etats-Unis, le temps de la méprise appartient au passé. Georges Bush soutenait que lIrak de Saddam Hussein et Ben Laden, cétait la même chose : nous voyons bien quil nen était rien et que notre refus de participer à une guerre préventive non décidée par lOnu était justifié. Puis nous avons divergé sur la nature que devait revêtir ladministration de lIrak après le renversement de Saddam. Je constate que les Etats-Unis sont désormais favorables, comme nous, à un retour rapide vers une souveraineté Irakienne. Cest donc quils reconnaissent que notre position était celle dun allié. Il était temps.

Propos recueillis par Eric Branca.