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A Tours, à la Commission des Affaires Etrangères, VGE relance « fortement » le débat européen

Posted By admin2011 On 27 novembre 2002 @ 00:00 In Journal 2002-2004 | No Comments

Nul doute qu’il faudra beaucoup de réunions de ce type pour rendre concret l’enjeu européen à nos concitoyens. Une Europe qui ne rassemblerait que les « élites » serait rapidement vouée à la censure des peuples, qui, en démocratie, prennent leur revanche lors des débats de ratification ! Il est grand temps de ne pas l’oublier… « Notre présidente » du Mouvement Européen en Touraine, reine de l’organisation, n’a pas ménagé ses efforts ni sa peine pour la venue du Président Giscard d’Estaing à Tours samedi 23 novembre. France de Sagazan a réussi, comme il l’a dit lui-même avec humour et gentillesse, à piéger Valéry Giscard d’Estaing ! Une petite réunion amicale d’information est devenue une très grande et spectaculaire manifestation ! Nous sommes tous fiers à Tours que le débat européen, après son rebond turc, soit publiquement relancé en commençant par notre ville et sa superbe salle des fêtes, bourrée à craquer !

L’énergie déployée par France est phénoménale… Hardis celui et celle qui prétendent lui résister ! Elle a introduit avec aisance et talent le débat en posant les bonnes questions et en rappelant la nécessité de mobiliser davantage les citoyens.

J’ai rappelé, sans faire trop long, les trois pierres angulaires du bilan du Président Giscard d’Estaing en matière européenne : l’élection du Parlement de Strasbourg au suffrage universel, la création du Conseil Européen qui rythme deux fois par an la vie politique nationale et européenne, la décision de la monnaie unique. J’ai, en outre, exprimé un sentiment de nostalgie que le Président de la Convention Européenne ne siège plus à l’Assemblée Nationale.

Je mesure la chance que nous avions d’être dans le même groupe politique que lui : ses analyses, sa vision de l’avenir, ses racines enrichies de son expérience présidentielle nous plaçaient dans une situation privilégiée. Parfois même aux avant-postes de combats politiques qu’il avait choisi de livrer sans vraiment nous consulter…

En tout cas au cœur de l’Etat, avec une exigence intellectuelle, morale, philosophique rare. Et même parfois une proximité faite de complicité et d’humour.

Je me souviens de ce dialogue improvisé dans un couloir à la suite d’une brève intervention que j’avais faite à la radio sur la nécessaire unité politique de l’opposition de l’époque.

VGE : « Je trouve que ces temps-ci vous tenez des propos affinés et intelligents »
RDDV : « Merci, Monsieur le Président ! Mais il reste le ces temps-ci… »
VGE : « Et vous ne trouvez pas que c’est un progrès ! »

Le Président Giscard d’Estaing faisait allusion aux luttes internes qui jalonnent les parcours politiques. Il est vrai que l’entente entre lui et François Léotard n’a pas été que cordiale, avec au fond des responsabilités parfaitement symétriques…

A Tours, le Président Giscard d’Estaing a tracé les grandes lignes de la réforme des institutions européennes, en cherchant à allier pédagogie et prospective. La place du citoyen, le rôle des parlements nationaux, les risques de l’élargissement, la « question turque », rien n’a été mis de côté au cours de cette soirée où l’Europe réunissait, ce qui est bien, ce qui est rare, de nombreux jeunes.

Nul doute qu’il faudra beaucoup de réunions de ce type pour rendre concret l’enjeu européen à nos concitoyens. Une Europe qui ne rassemblerait que les « élites » serait rapidement vouée à la censure des peuples, qui, en démocratie, prennent leur revanche lors des débats de ratification ! Il est grand temps de ne pas l’oublier…

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Cette pédagogie politique nécessaire prend aujourd’hui mercredi 27 novembre un élan supplémentaire avec l’audition par la Commission des Affaires Etrangères en séance exceptionnellement ouverte à la presse du Président Giscard d’Estaing.

J’imagine que son retour à l’Assemblée Nationale lui rappelle de très nombreux souvenirs. Les années certes passent. Il ne change cependant pas. Son regard est toujours aussi perçant, son rayonnement et son autorité intacts, sa manière de s’exprimer et parfois de « croquer » inoubliable, intelligente, ironique, percutante. Sa personne est impressionnante. Ce n’est pas la fonction qu’il a exercée qui crée cette distance proche et attentive. Emane de lui une force surprenante qui irrite certains et qui bouscule chacun !

Salle Lamartine. Nos plus beaux sous-sols ! Le lieu des grandes réunions. Conçues pour sortir du huis clos sans être pour autant dans l’hémicycle où tout est formel et où il n’y a pas de vrai jeu de question – réponse avec l’invité « extérieur ».

Tout ce qui compte parmi les forces politiques françaises élues au suffrage universel concernées par l’Europe est là. Jack Lang voisine avec François Bayrou qui est à côté d’Alain Juppé. Raymond Barre, Hubert Védrine, Alain Richard sont revenus. Elisabeth Guigou n’est .pas loin de Jacques Myard que j’ai amicalement surnommé, le représentant de la branche armée de l’Europe… car il est particulièrement réfractaire à notre conception de l’avenir européen. Je suis à côté de Martine Aurillac.

Tous les ambassadeurs de la Grande Europe sont là. Louis Giscard d’Estaing suit avec une merveilleuse attention les propos de son père. Il a déjà beaucoup de talent. La modestie qui sied au nouveau. L’aisance qui est le reflet de son intelligence. Il n’est pas un chaînon manquant !

Pourquoi ne pas avouer qu’en ces instants, je ressens à nouveau brutalement la violence d’être privé de la très belle fonction européenne qui m’avait été confiée dans cette période très particulière de notre histoire politique, même si mon compagnonnage retrouvé auprès d’Edouard Balladur me donne de nombreuses satisfactions intellectuelles et amicales.

Pour présider la Convention Européenne qui de mieux qu’un ancien élève de polytechnique pour écouter avec méthode, traduire avec fidélité et présenter avec clarté. Mettre en équation les exigences contraires qui se manifestent suppose une habileté, une expérience, un savoir-faire que chacun lui reconnaît.

Viendra le temps de la grande explication avec les citoyens. Souhaitons que le résultat de la Convention permette d’aboutir, comme c’est l’objectif, à un texte lisible, simple, convaincant.

Il précise le contenu du concept de Congrès européen, qui réunira parlementaires européens et nationaux. Ce n’est pas un recul pour l’idée européenne. C’est une réconciliation nécessaire entre les électeurs et les pouvoirs. Ce sera une source de légitimité renforcée pour les décisions qui sortiront de cette enceinte démocratique, notamment celles ayant trait aux étapes ultérieures de l’élargissement.

Lorsqu’au moment des questions Elisabeth Guigou parle d’Europe sociale, un frémissement parcourt l’ensemble de l’assistance : pense-t-elle à l’extension européenne des 35 heures ? L’heure ne semble pas encore à la repentance pour elle !

La question de l’élargissement à la Turquie est évoquée par François Loncle, ancien président socialiste de la Commission des Affaires Etrangères, reprochant à VGE d’avoir lancé le débat. Je trouve cette remarque inutilement choquante, car les citoyens de tous les pays – y compris les Turcs – se posent cette question du périmètre.

Le Président Giscard d’Estaing répond par une sorte de discours de la méthode, expliquant avec force qu’il n’est pas utile de faire la course à l’élargissement. Des critères sont fixés. Il faut y satisfaire pour être membre.

Alain Juppé rappelle à juste titre son idée de partenariat renforcé, d’alliance privilégiée qui pourrait concerner la Turquie. J’y ajoute d’autres pays du bassin méditerranéen qui pourraient utilement prétendre à ce type d’association.

Le Président Giscard d’Estaing nous invite à faire des propositions à la Convention sur la liste des compétences qui doivent incomber à l’échelon européen. Répondre à qui fait quoi est effectivement un impératif.

Il conclut par une réflexion sur la fonction de Président de l’Europe, qui doit exercer son mandat au-delà des six mois actuellement retenus.

Doit-il être une force d’impulsion politique comme le Président français, ou plutôt un médiateur du système permettant l’exercice harmonieux des pouvoirs.

En répondant à cette question, pense-t-il à lui-même ? Je ne sais…

Passionnante après-midi ! Nous faisons notre travail ! Nous avons la chance d’avoir eu la confiance du suffrage universel pour remplir cette belle mission. Nous mesurons le privilège d’une telle rencontre avec ce grand Européen. Il est vraiment au sens noble du terme un « monstre sacré » de l’Histoire de l’Europe. Je l’écris avec l’admiration et le respect que je lui dois et que je lui porte.


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